17/09/2023, 16:24
(Modification du message : 20/09/2023, 21:38 par Astre*Solitaire.)
Je viens de tout bien lire et j’ai pris des notes. Deux pages. Je vais essayer de faire un petit retour, qui se veut à la fois synthèse et réflexions.
Je précise d’abord que sur le fond, je suis globalement d’accord avec tout ce qu’a avancé Caïthness [je vais te parler à la troisième personne non pas par impertinence mais pour que tout le monde puisse participer au débat, sans que cette réponse ne soit qu'un dialogue entre toi et moi] : l’organigramme dans lequel les 50 sections doivent pouvoir être contenues et la recatégorisation des sections en « section standard », « simili-section » et « équivalent section » (je n’aurais pas choisi ces termes, mais ils me vont très bien et sont suffisamment descriptifs pour comprendre de quoi il retourne).
Mais il y a des points qui, il me semble, méritent d’être éclaircis et d’autres sur lesquels il faudrait revenir.
Arrêtons-nous d’abord à la terminologie et donc, aux définitions.
Le terme de « titre » me paraît mal choisi et est, en fin de message, de manière heureuse, renommé en « accès ». J’avais d’autres vocables en tête, mais « accès » m'apparaît comme particulièrement pertinent. Et c’est important car ce terme va revenir plus que souvent, vu qu’il conditionne l'une des spécificités de la littérature en arborescence.
Nous devons ici vraiment bien comprendre de quoi nous parlons. L’idée qui structure la littérature [en arborescence] [interactive] [action/jeu] [ergodique] c’est de faire participer activement le lecteur. Sans ce dernier, la narration se voit privée de sens.
Reprenons un instant le terme ergodique selon la définition d’Epsen Aarseth : « dans la littérature ergodique, un effort non trivial est nécessaire pour permettre au lecteur de parcourir le texte. Pour que la littérature ergodique ait un sens en tant que concept, il doit également exister une littérature non ergodique, dans laquelle l’effort pour parcourir le texte est trivial, sans aucune responsabilité extranoématique [qui se produit au-delà des limites de la pensée humaine] imposée au lecteur, à l’exception (par exemple) du mouvement des yeux et de la rotation périodique ou arbitraire du regard. »
Par trivial, il faut lire : « Qui par sa fréquence est devenu banal, ordinaire, n'a plus aucune originalité ». C’est-à-dire que l’acte de lecture est un automatisme qui suppose des réflexes inconscients de la part du lecteur, liés à sa pratique. Comme je l’ai dit, c’est important. Caïthness utilise pour cela le mot « instinctif », mais c’est confondre l’idée de naturel avec dans un cas, un naturel relevant de l’habitude acquise (qui nous occupe) et celui de l’inné (comme respirer). Lire ne l’est pas. En soi, la confusion n’est pas grave, mais elle intervient sur un sujet particulièrement délicat, la nature du texte (on y reviendra) qui nécessite une réelle précision des vocables.
Pour simplifier, il est admis de dire que le lecteur est actif. C’est malheureusement un abus de langage, un lecteur classique étant également actif. Le lecteur est « co-constructeur de la narration ». Tous les mots ont leur importance, car dans un texte habituel, un lecteur est également co-auteur, co-constructeur, non pas de la narration intrinsèque, mais du sens à lui donner.
C’est pour cela que je préfère le terme de littérature arborescente, comme le définit Caïthness fort justement.
Celle-ci comporte donc des sections. Deux définitions sont proposées.
1/ Un numéro en titre suivi d'un texte se terminant par un ou des renvoi(s) vers d'autre(s) section(s) ; sans renvoi pour un PFA ;
2/ Un titre (accès) et un corps de texte (unité de temps et d'action).
Reprenons les éléments.
Numéro en titre, titre, accès : conservons accès. Le début d’une section, c’est un accès, qui peut être représenté par un numéro, un titre, une page, un dessin, un lien, etc. Et on le voit, « accès » possède deux entrées : « l’accès à » et « l’accès de » (vive la langue française). « L’accès à » permet de se rendre à la section voulue et « l’accès de » d’indiquer le début, le liminaire de la section idoine. Ainsi dans une section, lorsque vous lisez : « Si vous ouvrez la porte, rendez-vous au 12 », puis en allant au numéro 12 : « 12 – Vous venez d’ouvrir la porte et soudain... », le rendez-vous au 12 est « l’accès à » et le « 12 – », « l’accès de ». On peut les gloser en « renvoi » et « accès », mais les deux termes définissent la même réalité.
Si l’on prend la définition de renvoi qui nous occupe (textuelle), on peut lire : « Dans un ouvrage, dans un texte, marque qui renvoie le lecteur à une autre partie du texte ou à une annotation ; par métonymie, cette annotation ; signe renvoyant le lecteur à une autre partie du texte ou de l'ouvrage. » On a donc marque, signe, renvoi, accès à. On peut choisir le lexique comme on veut, mais il faudrait s’y tenir. On remarque que le CNRTL utilise le verbe renvoyer pour décrire l’action du signe ou de la marque. Je pense que le conserver (renvoi) est pertinent.
Puis on a :
Texte terminé par un renvoi, des renvois ou sans renvoi si ce texte finalise le récit ; un corps de texte (unité de temps et d’action).
Un corps de texte est à bannir : cela fait référence à la typographie. Texte pose problème si ce que l’on a n’en est pas (tableau, image…). Le fond de la question c’est : de quoi parle-t-on ?
Sans entrer trop en avant dans des problématiques liées à l’étude des textes, depuis Benveniste, on fait la différence entre récit (ou histoire) et discours. Pour faire simple, le récit rapporte des événements alors que le discours suppose une instance énonciatrice (je, ici, maintenant). Par exemple, en ce moment, même si je ne suis pas là ici et maintenant (certains déictiques perdent de leur pertinence), l’opposition je/tu, elle, le demeure. Je dialogue bien (même si personne ne me répond) avec vous.
Dans un récit, ce n’est pas le cas (je vous en épargne les caractéristiques). Or, les LVH/AVH racontent des histoires, sont des récits. Il faut écarter l’idée de texte et s’appuyer sur les notions qui définissent au mieux l’objet littéraire dont il est question – on va le voir, c’est plus complexe que ça. La section comporte donc une « partie du récit ».
Or, un récit, c’est à la fois une histoire (série d’événements) et une narration (l’action de raconter, le processus qui mène à la vision du dérouler de l’histoire). Et ce récit peut prendre les formes que l’auteur va juger utiles. Donc une section se compose d’un accès, d’un récit parcellaire, fragmenté et, éventuellement, de renvois.
Revenons sur « unité de temps et d’action ». C’est tout à fait acceptable, mais insuffisamment déterminant. En fait, la temporalité évoquée par Caïthness me paraît à la fois incomplète et moyennement pertinente, parce que ce n’est pas sur ce système que repose la différence, mais sur le niveau diégétique et métadiégétique. J’y reviendrai.
La définition de la section est donc fort simple – comme souvent, une fois les réflexions prises de tête derrière nous.
Section : partie du récit comportant un accès et éventuellement un ou plusieurs renvois.
Comme on peut le lire, c’est assez proche, pour ne pas dire très proche, des définitions proposées par Caïthness.
Venons-en à présent à l’étude du décompte des sections.
Au sein des cas 1 et 2, pas grand-chose à dire. Je ne suis pas d’accord avec le fait qu’une carte ne puisse pas être comptée comme une section. Si elle participe du récit et qu’elle valide la définition, c’en est une. Mais ça se discute et ce n'est pas bien grave.
Pour le cas 3, un passage ne me semble pas assez éclairci : « On pourrait se satisfaire de cet état de lecture partielle d’une section ; mais cela signifie surtout que le contenu même de la section va changer en fonction des codes récoltés. C’est sur cet aspect de "contenu changeant" que je vais m’empresser de démanteler toutes ces simili-sections en 3 sections équivalentes. »
Il manque ici l’étape du pourquoi le contenu qui change implique de facto une simili-section. Notez que je suis d’accord avec Caïthness : il y a un renvoi spécial qui va venir nous aiguiller sur une autre narration qui diffère de celle normée, dira-t-on. La variation narrative générée par ce renvoi (code) rentre donc tout à fait dans la définition de la simili-section. De fait, dans celle de la section standard, la partie du récit n’étant plus la même, on n’a pas à faire à la même section.
Faut-il alors garder : « le contenu lu d’une même section restera immuable quelque soit l’arborescence suivie pour y arriver » en l’état ?
Pour essayer de tout résumer avec une seule définition, je propose de faire évoluer celle de section de la manière suivante :
Section : partie du récit qui ne varie pas, comportant un accès, toujours le même, et éventuellement un ou plusieurs renvois, toujours les mêmes.
Le syntagme/concept de « non-lecture alternative » me semble bien lourd. Je suggère « non variabilité du récit ». Cela rejoint ma définition.
On arrive au cas 4, pour moi le plus épineux, Tholdur répondant très bien sur la problématique du cas 5. Et je laisse le cas 6 aux experts informatiques dont je ne fais pas partie.
Caïthness écrit : « le renvoi marquant à la fois la rupture de la continuité textuelle et aussi la fin de la temporalité exprimée dans la section ». On y est. On entre dans le dur.
J’avais déjà évoqué dans Qu'est-ce qu'une section?? les rupture narratives pour définir le renvoi. Ici on a « rupture de la continuité textuelle » et un souci.
Que peut bien entendre Caïthness par « rupture de la continuité textuelle » ?
J’ai mis du temps à cerner ce qu'elle voulait dire parce que – et j’en suis désolé – les termes se télescopent et au moins une phrase manque de rigueur (sur un tel pavé, respect). Ce n’est normalement pas bien gênant, mais ici, comme on aborde des notions, cela m’a fait pas mal transpirer.
Il faut faire attention à ses pronoms. Normalement, un pronom reprend le dernier élément nommé, sauf si l’accord l’interdit (ce sera alors le deuxième ou le troisième). Si j’écris « Ma sœur a vu Juliette. Je lui ai parlée. » Je parle de qui ? De ma sœur ou de Juliette ? Le contexte pourra aider, évidemment.
Et donc ce passage : « L'aspect textuel est le suivant : instinctivement, les choix proposés se situent avant l'action qu'ils décrivent. La description de chaque choix peut intégrer des éléments à venir s'ils sont connu au moment où on est sensé les faire. En gros, le choix ne doit pas se spoiler lui-même » nous pose pas mal de difficultés.
Je ne reviens pas sur « instinctivement ». On a deux fois descriptions (paronomase décrivent/description) mais qui s’appliquent à des objets différents : les choix décrivent une action qu’ils engendrent ; les choix décrivent des éléments (qui conditionneront l’action à lire). Cela brouille le message, sa compréhension.
« Où on est censé les faire » : faire quoi ? Les éléments ou les choix ? Je suppose qu’il s’agit des choix. Mais quel rapport avec l’aspect textuel ?
J’ai fini par comprendre que Caïthness nous parle (enfin, j'espère avoir compris) de la mise en page, la manière dont le texte est organisé sur la page, avec en gros : un bout de texte, un choix, suite du bout de texte, un nouveau choix mais qui correspond au premier bout de texte, suivi d’un troisième bout de texte, etc. Parce que qui dit texte dit linéarité (et puis c’est en lien avec l’exemple), Caïthness évoque l’agencement typographique, la mise en page, l’ordre de la lecture.
Je crois que l’idée derrière tout ça, c’est que si de nouveaux éléments narratifs surviennent, tant que tous ensemble, ils participent de la prise de décision en fonction des choix proposés, il est pertinent de les y présenter. Mais s’ils sont déterminés par un des choix/des renvois à venir, ou venus, il sont proleptiques et ainsi génèrent des simili-sections.
Et pour bien les différencier, Caïthness va user de l’idée de temporalité, l’aspect temporel, la fin de la temporalité.
Le problème, c’est que ces deux concepts, qui ne sont pas au même niveau, sont mélangés. De fait, l’organisation du texte (par texte, j’entends tout support visuel) ne nous intéresse pas et rajoute une complexité non nécessaire.
Comme la définition de récit nous l’indique, il faut qu’il y ait une continuité. Si les renvois génèrent une discontinuité du récit, il y a une rupture narrative qui entraîne nécessairement des simili-sections. Pour les repérer, il faut pouvoir faire la différence entre renvoi et récit.
C’est cette fois-ci la diégétique qui va nous aider. Ce qui est diégèse, c’est le monde évoqué par le récit, le personnage, les événements, leur temporalité, « l’univers spatio-temporel désigné par le récit ». Mais cette diégèse est incluse dans une autre supérieure, celle de l’auteur qui propose des choix au lecteur : un niveau dit métadiegétique. Dès que ce niveau est rencontré, bien souvent, c’est que des renvois surgissent, que cela soit par codes, mots d’appel, numéros de section, numéros de page, etc. La lecture de l’ensemble de la section doit pouvoir se faire au sein d’une homogénéité narrative, sans tenir compte du récit métadiégétique [une analyse plus fine nous permettrait probablement de constater que l’on quitte le récit pour entrer dans le dialogue et que ce qui caractérise la littérature arborescente, c’est le mélange récit/dialogue].
Si l’on constate une dissonance narrative, c’est que fort probablement, il y a des simili-sections.
Caïthness nous propose alors cette définition : « Tous les choix se font au même moment temporel marqué par la fin de la partie de texte comportant le corps de sa section et ne spoilent pas le lecteur sur leurs conséquences. On considère que le temps s'arrête au moment de l'exposition des choix ; tout ce qui se passe après doit se trouver dans la section suivante du-dit choix. »
Franchement, elle n'est pas facile à lire, justement parce qu'elle mélange les concepts (même si dans le fond, je suis globalement d'accord).
Je propose donc celle-ci.
Section : partie du récit qui ne varie pas, comportant un accès, toujours le même, et éventuellement un ou plusieurs renvois, toujours les mêmes, qui n’introduisent aucune contradiction narrative entre eux.
Voilà. Une définition que j'espère simple et qui tente de prendre en compte tous les aspects évoqués et à laquelle on peut se référer puisque les concepts qui la sous-tendent viennent d’être définis.
Pour terminer et revenir sur ce que dit Tholdur.
Pour choix/aiguillage, j’avais également évoqué le sujet dans l’Atelier en parlant des tunnels. Mais depuis je me suis rendu-compte que l’architecture des AVH suppose presque toujours des sections nœuds, ce qui implique nécessairement des tunnels, ou des aiguillages. Distinguer les uns des autres serait un travail de titan. Je ne suis pas certain que cela soit bien productif. Comme de ne pas ou peu en proposer. Cela reviendrait à des histoires très courtes, mais avec 500 sections, symbole de liberté de choix, ou des AVH de 5000 sections.
Je suis défavorable au principe de nombre de sections pour atteindre la fin – c’est la porte ouverte à d’étonnantes facilités (si, si, il y a un chemin faisable en 15 sections) débouchant sur des arguties sans fin.
C’est comme un théâtre de marionnettes (voire un film). On pourra faire ce que l’on veut, on saura qu’il y a des fils (ou des effets spéciaux) et parfois même, on les verra.
Très long message, probablement indigeste. Merci à celles et ceux qui en sont venus à bout.
Je précise d’abord que sur le fond, je suis globalement d’accord avec tout ce qu’a avancé Caïthness [je vais te parler à la troisième personne non pas par impertinence mais pour que tout le monde puisse participer au débat, sans que cette réponse ne soit qu'un dialogue entre toi et moi] : l’organigramme dans lequel les 50 sections doivent pouvoir être contenues et la recatégorisation des sections en « section standard », « simili-section » et « équivalent section » (je n’aurais pas choisi ces termes, mais ils me vont très bien et sont suffisamment descriptifs pour comprendre de quoi il retourne).
Mais il y a des points qui, il me semble, méritent d’être éclaircis et d’autres sur lesquels il faudrait revenir.
~*~
Arrêtons-nous d’abord à la terminologie et donc, aux définitions.
Le terme de « titre » me paraît mal choisi et est, en fin de message, de manière heureuse, renommé en « accès ». J’avais d’autres vocables en tête, mais « accès » m'apparaît comme particulièrement pertinent. Et c’est important car ce terme va revenir plus que souvent, vu qu’il conditionne l'une des spécificités de la littérature en arborescence.
Nous devons ici vraiment bien comprendre de quoi nous parlons. L’idée qui structure la littérature [en arborescence] [interactive] [action/jeu] [ergodique] c’est de faire participer activement le lecteur. Sans ce dernier, la narration se voit privée de sens.
Reprenons un instant le terme ergodique selon la définition d’Epsen Aarseth : « dans la littérature ergodique, un effort non trivial est nécessaire pour permettre au lecteur de parcourir le texte. Pour que la littérature ergodique ait un sens en tant que concept, il doit également exister une littérature non ergodique, dans laquelle l’effort pour parcourir le texte est trivial, sans aucune responsabilité extranoématique [qui se produit au-delà des limites de la pensée humaine] imposée au lecteur, à l’exception (par exemple) du mouvement des yeux et de la rotation périodique ou arbitraire du regard. »
Par trivial, il faut lire : « Qui par sa fréquence est devenu banal, ordinaire, n'a plus aucune originalité ». C’est-à-dire que l’acte de lecture est un automatisme qui suppose des réflexes inconscients de la part du lecteur, liés à sa pratique. Comme je l’ai dit, c’est important. Caïthness utilise pour cela le mot « instinctif », mais c’est confondre l’idée de naturel avec dans un cas, un naturel relevant de l’habitude acquise (qui nous occupe) et celui de l’inné (comme respirer). Lire ne l’est pas. En soi, la confusion n’est pas grave, mais elle intervient sur un sujet particulièrement délicat, la nature du texte (on y reviendra) qui nécessite une réelle précision des vocables.
Pour simplifier, il est admis de dire que le lecteur est actif. C’est malheureusement un abus de langage, un lecteur classique étant également actif. Le lecteur est « co-constructeur de la narration ». Tous les mots ont leur importance, car dans un texte habituel, un lecteur est également co-auteur, co-constructeur, non pas de la narration intrinsèque, mais du sens à lui donner.
C’est pour cela que je préfère le terme de littérature arborescente, comme le définit Caïthness fort justement.
Celle-ci comporte donc des sections. Deux définitions sont proposées.
1/ Un numéro en titre suivi d'un texte se terminant par un ou des renvoi(s) vers d'autre(s) section(s) ; sans renvoi pour un PFA ;
2/ Un titre (accès) et un corps de texte (unité de temps et d'action).
Reprenons les éléments.
Numéro en titre, titre, accès : conservons accès. Le début d’une section, c’est un accès, qui peut être représenté par un numéro, un titre, une page, un dessin, un lien, etc. Et on le voit, « accès » possède deux entrées : « l’accès à » et « l’accès de » (vive la langue française). « L’accès à » permet de se rendre à la section voulue et « l’accès de » d’indiquer le début, le liminaire de la section idoine. Ainsi dans une section, lorsque vous lisez : « Si vous ouvrez la porte, rendez-vous au 12 », puis en allant au numéro 12 : « 12 – Vous venez d’ouvrir la porte et soudain... », le rendez-vous au 12 est « l’accès à » et le « 12 – », « l’accès de ». On peut les gloser en « renvoi » et « accès », mais les deux termes définissent la même réalité.
Si l’on prend la définition de renvoi qui nous occupe (textuelle), on peut lire : « Dans un ouvrage, dans un texte, marque qui renvoie le lecteur à une autre partie du texte ou à une annotation ; par métonymie, cette annotation ; signe renvoyant le lecteur à une autre partie du texte ou de l'ouvrage. » On a donc marque, signe, renvoi, accès à. On peut choisir le lexique comme on veut, mais il faudrait s’y tenir. On remarque que le CNRTL utilise le verbe renvoyer pour décrire l’action du signe ou de la marque. Je pense que le conserver (renvoi) est pertinent.
Puis on a :
Texte terminé par un renvoi, des renvois ou sans renvoi si ce texte finalise le récit ; un corps de texte (unité de temps et d’action).
Un corps de texte est à bannir : cela fait référence à la typographie. Texte pose problème si ce que l’on a n’en est pas (tableau, image…). Le fond de la question c’est : de quoi parle-t-on ?
Sans entrer trop en avant dans des problématiques liées à l’étude des textes, depuis Benveniste, on fait la différence entre récit (ou histoire) et discours. Pour faire simple, le récit rapporte des événements alors que le discours suppose une instance énonciatrice (je, ici, maintenant). Par exemple, en ce moment, même si je ne suis pas là ici et maintenant (certains déictiques perdent de leur pertinence), l’opposition je/tu, elle, le demeure. Je dialogue bien (même si personne ne me répond) avec vous.
Dans un récit, ce n’est pas le cas (je vous en épargne les caractéristiques). Or, les LVH/AVH racontent des histoires, sont des récits. Il faut écarter l’idée de texte et s’appuyer sur les notions qui définissent au mieux l’objet littéraire dont il est question – on va le voir, c’est plus complexe que ça. La section comporte donc une « partie du récit ».
Or, un récit, c’est à la fois une histoire (série d’événements) et une narration (l’action de raconter, le processus qui mène à la vision du dérouler de l’histoire). Et ce récit peut prendre les formes que l’auteur va juger utiles. Donc une section se compose d’un accès, d’un récit parcellaire, fragmenté et, éventuellement, de renvois.
Revenons sur « unité de temps et d’action ». C’est tout à fait acceptable, mais insuffisamment déterminant. En fait, la temporalité évoquée par Caïthness me paraît à la fois incomplète et moyennement pertinente, parce que ce n’est pas sur ce système que repose la différence, mais sur le niveau diégétique et métadiégétique. J’y reviendrai.
La définition de la section est donc fort simple – comme souvent, une fois les réflexions prises de tête derrière nous.
Section : partie du récit comportant un accès et éventuellement un ou plusieurs renvois.
Comme on peut le lire, c’est assez proche, pour ne pas dire très proche, des définitions proposées par Caïthness.
~*~
Venons-en à présent à l’étude du décompte des sections.
Au sein des cas 1 et 2, pas grand-chose à dire. Je ne suis pas d’accord avec le fait qu’une carte ne puisse pas être comptée comme une section. Si elle participe du récit et qu’elle valide la définition, c’en est une. Mais ça se discute et ce n'est pas bien grave.
Pour le cas 3, un passage ne me semble pas assez éclairci : « On pourrait se satisfaire de cet état de lecture partielle d’une section ; mais cela signifie surtout que le contenu même de la section va changer en fonction des codes récoltés. C’est sur cet aspect de "contenu changeant" que je vais m’empresser de démanteler toutes ces simili-sections en 3 sections équivalentes. »
Il manque ici l’étape du pourquoi le contenu qui change implique de facto une simili-section. Notez que je suis d’accord avec Caïthness : il y a un renvoi spécial qui va venir nous aiguiller sur une autre narration qui diffère de celle normée, dira-t-on. La variation narrative générée par ce renvoi (code) rentre donc tout à fait dans la définition de la simili-section. De fait, dans celle de la section standard, la partie du récit n’étant plus la même, on n’a pas à faire à la même section.
Faut-il alors garder : « le contenu lu d’une même section restera immuable quelque soit l’arborescence suivie pour y arriver » en l’état ?
Pour essayer de tout résumer avec une seule définition, je propose de faire évoluer celle de section de la manière suivante :
Section : partie du récit qui ne varie pas, comportant un accès, toujours le même, et éventuellement un ou plusieurs renvois, toujours les mêmes.
Le syntagme/concept de « non-lecture alternative » me semble bien lourd. Je suggère « non variabilité du récit ». Cela rejoint ma définition.
~*~
On arrive au cas 4, pour moi le plus épineux, Tholdur répondant très bien sur la problématique du cas 5. Et je laisse le cas 6 aux experts informatiques dont je ne fais pas partie.
Caïthness écrit : « le renvoi marquant à la fois la rupture de la continuité textuelle et aussi la fin de la temporalité exprimée dans la section ». On y est. On entre dans le dur.
J’avais déjà évoqué dans Qu'est-ce qu'une section?? les rupture narratives pour définir le renvoi. Ici on a « rupture de la continuité textuelle » et un souci.
Que peut bien entendre Caïthness par « rupture de la continuité textuelle » ?
J’ai mis du temps à cerner ce qu'elle voulait dire parce que – et j’en suis désolé – les termes se télescopent et au moins une phrase manque de rigueur (sur un tel pavé, respect). Ce n’est normalement pas bien gênant, mais ici, comme on aborde des notions, cela m’a fait pas mal transpirer.
Il faut faire attention à ses pronoms. Normalement, un pronom reprend le dernier élément nommé, sauf si l’accord l’interdit (ce sera alors le deuxième ou le troisième). Si j’écris « Ma sœur a vu Juliette. Je lui ai parlée. » Je parle de qui ? De ma sœur ou de Juliette ? Le contexte pourra aider, évidemment.
Et donc ce passage : « L'aspect textuel est le suivant : instinctivement, les choix proposés se situent avant l'action qu'ils décrivent. La description de chaque choix peut intégrer des éléments à venir s'ils sont connu au moment où on est sensé les faire. En gros, le choix ne doit pas se spoiler lui-même » nous pose pas mal de difficultés.
Je ne reviens pas sur « instinctivement ». On a deux fois descriptions (paronomase décrivent/description) mais qui s’appliquent à des objets différents : les choix décrivent une action qu’ils engendrent ; les choix décrivent des éléments (qui conditionneront l’action à lire). Cela brouille le message, sa compréhension.
« Où on est censé les faire » : faire quoi ? Les éléments ou les choix ? Je suppose qu’il s’agit des choix. Mais quel rapport avec l’aspect textuel ?
J’ai fini par comprendre que Caïthness nous parle (enfin, j'espère avoir compris) de la mise en page, la manière dont le texte est organisé sur la page, avec en gros : un bout de texte, un choix, suite du bout de texte, un nouveau choix mais qui correspond au premier bout de texte, suivi d’un troisième bout de texte, etc. Parce que qui dit texte dit linéarité (et puis c’est en lien avec l’exemple), Caïthness évoque l’agencement typographique, la mise en page, l’ordre de la lecture.
Je crois que l’idée derrière tout ça, c’est que si de nouveaux éléments narratifs surviennent, tant que tous ensemble, ils participent de la prise de décision en fonction des choix proposés, il est pertinent de les y présenter. Mais s’ils sont déterminés par un des choix/des renvois à venir, ou venus, il sont proleptiques et ainsi génèrent des simili-sections.
Et pour bien les différencier, Caïthness va user de l’idée de temporalité, l’aspect temporel, la fin de la temporalité.
Le problème, c’est que ces deux concepts, qui ne sont pas au même niveau, sont mélangés. De fait, l’organisation du texte (par texte, j’entends tout support visuel) ne nous intéresse pas et rajoute une complexité non nécessaire.
Comme la définition de récit nous l’indique, il faut qu’il y ait une continuité. Si les renvois génèrent une discontinuité du récit, il y a une rupture narrative qui entraîne nécessairement des simili-sections. Pour les repérer, il faut pouvoir faire la différence entre renvoi et récit.
C’est cette fois-ci la diégétique qui va nous aider. Ce qui est diégèse, c’est le monde évoqué par le récit, le personnage, les événements, leur temporalité, « l’univers spatio-temporel désigné par le récit ». Mais cette diégèse est incluse dans une autre supérieure, celle de l’auteur qui propose des choix au lecteur : un niveau dit métadiegétique. Dès que ce niveau est rencontré, bien souvent, c’est que des renvois surgissent, que cela soit par codes, mots d’appel, numéros de section, numéros de page, etc. La lecture de l’ensemble de la section doit pouvoir se faire au sein d’une homogénéité narrative, sans tenir compte du récit métadiégétique [une analyse plus fine nous permettrait probablement de constater que l’on quitte le récit pour entrer dans le dialogue et que ce qui caractérise la littérature arborescente, c’est le mélange récit/dialogue].
Si l’on constate une dissonance narrative, c’est que fort probablement, il y a des simili-sections.
Caïthness nous propose alors cette définition : « Tous les choix se font au même moment temporel marqué par la fin de la partie de texte comportant le corps de sa section et ne spoilent pas le lecteur sur leurs conséquences. On considère que le temps s'arrête au moment de l'exposition des choix ; tout ce qui se passe après doit se trouver dans la section suivante du-dit choix. »
Franchement, elle n'est pas facile à lire, justement parce qu'elle mélange les concepts (même si dans le fond, je suis globalement d'accord).
Je propose donc celle-ci.
Section : partie du récit qui ne varie pas, comportant un accès, toujours le même, et éventuellement un ou plusieurs renvois, toujours les mêmes, qui n’introduisent aucune contradiction narrative entre eux.
Voilà. Une définition que j'espère simple et qui tente de prendre en compte tous les aspects évoqués et à laquelle on peut se référer puisque les concepts qui la sous-tendent viennent d’être définis.
~*~
Pour terminer et revenir sur ce que dit Tholdur.
Pour choix/aiguillage, j’avais également évoqué le sujet dans l’Atelier en parlant des tunnels. Mais depuis je me suis rendu-compte que l’architecture des AVH suppose presque toujours des sections nœuds, ce qui implique nécessairement des tunnels, ou des aiguillages. Distinguer les uns des autres serait un travail de titan. Je ne suis pas certain que cela soit bien productif. Comme de ne pas ou peu en proposer. Cela reviendrait à des histoires très courtes, mais avec 500 sections, symbole de liberté de choix, ou des AVH de 5000 sections.
Je suis défavorable au principe de nombre de sections pour atteindre la fin – c’est la porte ouverte à d’étonnantes facilités (si, si, il y a un chemin faisable en 15 sections) débouchant sur des arguties sans fin.
C’est comme un théâtre de marionnettes (voire un film). On pourra faire ce que l’on veut, on saura qu’il y a des fils (ou des effets spéciaux) et parfois même, on les verra.
Très long message, probablement indigeste. Merci à celles et ceux qui en sont venus à bout.
Goburlicheur de chrastymèles