La mine perdue de Phandelver
#62
C’était bien lui. Il avait dû se préparer et partir au milieu de la nuit, d’où son petit retard. Après avoir présenté Pierre à Fargrim et vice versa, nous avons fait à notre compagnon le résumé de nos investigations à Thundertree. Le dragon l’inquiétait : il redoutait qu’il ne pose un danger, à terme, pour Neverwinter. C’est pas faux. Il faudra prévenir les autorités compétentes à l’occasion.

Malgré sa préoccupation, il semblait avoir retrouvé sa gouaille et ses mots interminables ; cela faisait plaisir de le voir en forme. Je lui ai montré l’emplacement du château sur la carte, puis nous nous sommes mis en route. Les arbres se resserraient de plus en plus au fur et à mesure de notre progression. La canopée était particulièrement haute à cet endroit de la forêt, dissimulant le soleil et plongeant l’environnement dans une semi-obscurité… Finalement, au bout de quelques heures d’une marche silencieuse, nous arrivâmes devant les sept tours…


Questions primordiales


Nous étions au pied du château. Le temps ne l’avait pas épargné. Une partie s’était effondrée, toutefois quelques pans étaient restés en bon état — ou bien avaient été rénovés. C’était le moment d’aborder le sujet crucial, aussi, me tournant vers Anarondo… :

« Au fait, t’as fait quoi de Pendouillette ?
— Elle est toujours attachée derrière l’auberge, elle a pas bougé.
— Quoi ? Mais qui va la nourrir ?
— Ben ça broute, non ? »

Nous étions au sud-est du château, près d’une porte d’entrée secondaire, dans le mur sud, la porte principale étant côté ouest. Je m’approchai discrètement, utilisant la maigre végétation pour me dissimuler au mieux. Pas une grande réussite puisque la piqûre de quelques ronces me fit me lever d’un bond en criant : « Aïe ! » Heureusement, personne ne semblait m’avoir vu. J’entrepris alors d’escalader le mur afin de passer un œil par une meurtrière. La lueur rougeoyante d’un âtre probable et un coin de table furent tout ce qui s’offrit à mon regard, mais mes autres sens enregistrèrent des bruits de créatures en train de s’affairer ainsi que l’odeur caractéristique des gobelins…

Descendant de mon perchoir, et après un rapide topo à mes camarades, je me dirigeai vers la porte de service pour y coller mon oreille. Cette fois, je n’entendis que le silence. Crocheter la serrure me prit un peu de temps, mais j’y parvins finalement. Je passai une tête mais ne repérai rien, le couloir étant trop sombre. J’aurais sans doute dû penser à racheter une flasque d’huile pour ma lanterne… Heureusement pour moi, le toit était un gruyère par les trous duquel passait un peu de la lumière du jour. Un peu plus de quinze pieds sous plafond. Des dalles abîmées et irrégulières. Pas âme qui vive.

Je retournai près du groupe pour leur dire que la voie était libre, puis, revenu à l’intérieur, plaquai mon oreille contre le battant d’une porte qui se présentait à notre gauche. Des cris piaillards typiques de gobelins frappèrent mon ouïe : ils se disputaient pour savoir qui allait faire la vaisselle…


Des marrons pour dessert


Après conciliabule, il fut décidé de tomber à bras raccourcis sur les peaux-vertes. J’ouvris la porte à la volée (j’aime bien ce terme), révélant une salle de banquet et huit gobelins, dont un plus gros que les autres et qui semblait être le cuistot. Taïaut ! N’écoutant que mon inconscience, je sautai sur la table au milieu de trois adversaires (il fallait bien que je libère l’entrée pour faire de la place aux copains…). Je sortis prestement Arguy et tranchai la tête d’un des gobs, totalement ébahis, avant de me glisser d’une habile pirouette hors de leur vue sous la table, d’où je continuai le combat en alternant cache-cache et coups en traître, faisant tourner les gobelins en bourrique. Goth s’était précipité pour charger l’un d’eux, mais, glissant sur une flaque de gras, il ne réussit que de justesse à esquiver le coup asséné en réaction par sa cible. Wulfwig, lui, décocha deux flèches, la première transperçant la jambe d’une des créatures, avant de sortir son épée pour se jeter dans un corps à corps contre plusieurs ennemis.

Mais les gobelins avaient décidé de concentrer leurs assauts sur notre noble guerrier, qui se défendait vaillamment. « Copieur ! » criai-je quand je vis le gros cuistot sauter sur la table, avant de tenter d’asséner à Goth un coup de poêle tranchante, qui le manqua. Le guerrier se vengea sur deux des marmitons qui le harcelaient, les repoussant d’un seul coup d’épaule et éjectant le malchanceux qui se trouvait derrière droit dans le braséro qui brûlait dans un coin de la pièce.

La panique commençait à gagner les gobs. Les deux qui étaient sur Wulf tournèrent les talons pour s’enfuir, et je sautai aussitôt de la table pour tâcher de leur couper la retraite. J’en dessoudai un dans l’opération. Pendant ce temps, Fargrim, qui était resté coincé derrière la porte en raison de l’encombrement de la salle, parvint enfin à s’extirper de l’encadrure et, brandissant son marteau, l’abattit sur la jambe du cuistot, la cassant net. Hurlant « Maudit nain ! » le gros gobelin réussit à lui porter un coup avant de tenter désespérément, à son tour, de s’enfuir, mais Goth, qui s’était précipité pour essayer d’endiguer le flot de fuyards, intercepta le boiteux et l’acheva d’un coup de hache.

« Le chef est mort ! » hurla une voix nasillarde, accélérant la débandade. Une flèche de Wulf atteignit un gobelin en plein cœur, tandis que son épée fauchait d’extrême justesse le malheureux qui s’était fait roussir les fesses et cherchait comme ses camarades à déguerpir. Ces sur ces entrefaites qu’Anarondo rentra, bon dernier, dans la pièce, pour participer à l’hallali. Son rayon de givre fut cependant absorbé par l’armure de cuir d’un des fuyards. Je sortis alors mon arc, et ma flèche alla se planter dans le cou d’un autre.

Malheureusement, l’une des peaux-vertes s’était enfuie dès le début de la bataille. Je fonçai à sa poursuite pour l’empêcher de donner l’alarme… mais tombai dans une embuscade au moment de pénétrer dans la salle attenante ! Le fourbe disposait de renforts… Par chance, j’ai été danseur. J’esquivai deux premières flèches par de subtils déhanchés à droite et à gauche, avant de me dissimuler promptement parmi les gravats qui jonchaient la salle, échappant ainsi à deux autres traits des archers adverses. Fargrim, s’étant précipité pour me prêter main forte, cassa le bras du premier gobelin, celui-là même qui avait réussi à fuir, puis ce fut à Goth, Wulfwig et Pierre de nous rejoindre, le premier agglomérant les créatures autour de lui, le second rattrapant un autre fuyard avant de lui trancher le dos d’un coup d’épée et le troisième achevant d’un rayon de givre l’adversaire de Fargrim en lui gelant le visage.

La fin du combat fut âpre ; ces gobs-ci étaient équipés de boucliers, parant projectiles physiques comme magiques. L’un d’eux me fit une belle estafilade, et Fargrim prit aussi un coup, sans toutefois être blessé sérieusement, mais finalement épée, hache et marteau eurent violemment raison de nos ennemis. Grâce à nous, ils n’auront plus à se disputer pour savoir qui fera la vaisselle…


Le cordon et le bleu


Inutile de dire (j’ai jamais compris cette expression, systématiquement suivie de ce qu’elle qualifie d’inutile) que nous avions besoin de souffler après une telle bataille. C’était l’heure de distribuer les potions de soins. J’en bu une d’un trait et me sentis aussitôt beaucoup mieux, fatigue et douleurs disparaissant tout net. Puis j’en sortis une deuxième de mon sac, que je passai à Fargrim, avant d’entreprendre le tour de la pièce : une petite caserne en ruines d’environ vingt-cinq pieds de haut. L’un des murs, côté nord, présentait une porte contre laquelle je collai de nouveau mon oreille, sans toutefois percevoir aucun son. Pierre, de son côté, était retourné dans la salle des banquets pour écouter lui aussi à une autre porte, également située dans le mur nord, mais n’en entendit pas davantage. Je suggérai alors de commencer par ouvrir la porte de la caserne, me disant qu’elle pouvait donner sur un cul-de-sac. J’attendis qui mes camarades se regroupent derrière moi, puis je poussai lentement le battant…

Celui-ci révéla un large couloir doté de plusieurs issues, invalidant ma supposition. J’avançai prudemment, m’approchant de chaque porte pour y écouter de nouveau. Derrière la porte ouest, après un moment de silence, j’entendis des voix gobelines qui discutaient calmement… Pas de bruit en provenance de la porte nord. Je me dirigeai alors vers la porte est, sans remarquer la cordelette tendue devant le seuil… Je fis un bond en arrière, évitant de justesse l’éboulement de gravats déclenché par le piège, mais je ne pouvais rien faire quant au vacarme ainsi causé…

Je retraitai prestement dans la caserne, reculant jusqu’à une petite porte qu’on avait négligé d’ouvrir… ce qu’elle fit à ce moment-là : en jaillit un gobelin qui fit décrire à son fauchon un arc de cercle passant par mon cou, que j’esquivai en me baissant prestement.


Le plus terrible des adversaires*


Pendant ce temps, mes camarades étaient aux prises avec une troupe d’hobgobelins alertés par l’alarme que j’avais aussi piteusement qu’involontairement déclenchée. Je criai à Wulf que je m’occupais des gobelins pour qu’il aille épauler Goth, qui faisait face aux hobs. Les deux saletés qui se trouvaient derrière ma porte avaient adopté une stratégie curieuse qui constituait à ne l’ouvrir que le temps de porter un coup avant de la refermer pour m’empêcher de pénétrer dans la pièce. L’un d’eux réussit à me toucher, mais ils ne purent me retenir bien longtemps, et une fois l’entrée forcée, je plongeai ma lame dans le cœur d’une des créatures… L’autre, toutefois, se révéla d’un tout autre calibre. J’eus beau le blesser grièvement, il se battit avec acharnement, mû par l’énergie du désespoir. Sa lame passa plus d’une fois ma défense et il parvient à me blesser, tandis que je peinai à franchir son bouclier… J’en vins finalement à bout en esquivant son attaque avant de placer une violente riposte qui l’acheva. Je pris le temps de boire une nouvelle potion de guérison avant de me ruer dans le couloir où mes compagnons livraient un rude combat.

Les hobgobelins avaient surgi de la porte nord. Chacun d’eux était équipé d’une cotte de mailles, d’un bouclier, d’une épée et d’un arc long. Goth était au corps à corps, et je bénissais en cet instant son armure, qui encaissait aussi bien flèches que coups d’épée. Wulfwig l’épaulait à l’arc, quelques pas derrière lui, tandis que Fargrim, sur son flanc gauche, faisait face à d’autres gobelins — ceux que j’avais entendu discuter plus tôt —, qui adoptaient la même tactique étrange que ceux que je venais d’affronter : ouvrir la porte, taper, fermer la porte…

Une flèche de notre archer atteignit l’hobgobelin aux prises avec Goth droit dans l’œil. La créature s’effondra, et le guerrier en profita pour essayer de porter le combat dans la pièce où se trouvait ses congénères, mais ces derniers, qui s’étaient retranchés derrière la porte suite à la mort de leur camarade, la maintenaient hermétiquement fermée… ne l’ouvrant que pour tenter de porter un coup au guerrier ! Ils doivent s’entraîner dans des placards, je ne vois que ça.

Le fait est que cette tactique n’est pas dénuée d’une certaine efficacité. Ayant pris un coup et n’arrivant pas à forcer le passage, Goth recula pour se préparer à lancer une javeline sur les hobgobelins, imitant en cela Wulfwig et Anarondo, l’un s’apprêtant à tirer flèche et l’autre rayon de givre. La tactique ne fut toutefois guère couronnée de succès, les deux traits comme les deux rayons échouant à toucher leur but, mais une deuxième flèche de l’archer fit finalement jaillir une gerbe de sang en se fichant dans la chair de sa cible…

Les hobgobelins paraissaient particulièrement efficaces pour coordonner leurs attaques, et malgré la défense expérimentée de Goth, l’adversaire finit par trouver le défaut de son armure, parvenant à le blesser. Une flèche ennemie manqua de peu d’en faire autant à Wulfwig, heureusement l’archer hobgobelin était gêné par son congénère qui s’était avancé au devant lui pour faire face au guerrier. Une deuxième flèche n’eut pas davantage de succès.

Échaudé, Goth se rua alors sur son ennemi et le mis à terre d’une violente charge ! Wulfwig en profita aussitôt pour décocher un nouveau trait, qui s’en alla transpercer la gorge du premier hobgobelin… juste avant que Pierre, profitant du champ ainsi dégagé, n’envoie ses projectiles magiques sur le deuxième, le tuant net ! La créature lâcha son arc et s’effondra.

Côté ouest, la menace gobeline était toujours présente. Fargrim n’avait eu qu’à abattre son arme deux fois pour se débarrasser d’un des deux gobs planqués derrière la porte ouest — prenant néanmoins lui-même un coup dans l’opération. Il avait ensuite décidé de se retourner pour épauler Goth… Mal lui en prit car son marteau ne rencontra que le bouclier hobgobelin, tandis que le gobelin imprudemment laissé dans son dos en profita pour jaillir et lui asséner un vicieux coup par derrière, avant d’aussitôt retourner se cacher derrière sa fichue porte. La blessure du nain paraissait critique, aussi, en dépit du fracas des armes autour de lui, Fargrim se résolut à lancer sur lui-même un sort de guérison des blessures… La douleur devait le déconcentrer, toutefois, car c’est à peine si le sang s’arrêta de couler.

Côté nord, un dernier hobgobelin encore debout résistait héroïquement ; il n’avait probablement pas compris que les héros, c’était nous. Si ses coups nous manquaient, les nôtres n’étaient guère plus efficaces. Goth tenta de le renverser mais son adversaire résista à la charge, tandis que son armure et son bouclier arrêtaient nos flèches, à Wulf et moi. Seul Pierre parvint finalement à l’atteindre d’un rayon de givre, sans toutefois réussir à le blesser. Goth, toujours à la lutte, réussit alors enfin à mettre la tenace peau-verte à terre, faisant ainsi d’elle une cible facile pour notre archer. Wulf ne laissa pas passer l’occasion, et une dernière flèche tua net l’opiniâtre hobgobelin.

Pierre s’avanca prestement pour jeter un œil derrière la porte nord pour s’assurer que toute menace avait bien disparu, avant de la refermer. Restait à s’occuper du tout dernier gobelin, toujours planqué à notre gauche derrière sa propre et fichue porte, et qui, pendant que nous étions aux prises avec son plus imposant congénère, continuait de tenter d’asséner des coups en traître à Fargrim, heureusement sans réussir, laissant le temps au prêtre de se soigner une deuxième fois — un peu plus efficacement, cette fois, puisque ses blessures se refermèrent. Comme le lecteur après la précédente phrase, nous étions à bout de souffle, mais il fallait encore nous occuper de cette ultime menace. L’adrénaline me rendait fougueux… J’ouvris la porte d’un violent coup de pied et blessai grièvement notre dernier adversaire, hélas, sans l’achever… Le marteau de Fargrim, qui m’avait suivi et voulait sans doute se venger de l’horripilante créature, manqua complètement sa cible. Les sorts de soin auraient-ils les mêmes effets secondaires que l’alcool ? Quoi qu’il en soit, le damné gob en profita pour se lancer dans un baroud d’honneur (comme si ces créatures savaient ce qu’était l’honneur), et me porta un coup de cimeterre qui mordit douloureusement mes chairs. De nouveau, je me retrouvai blessé… mais enfin — enfin ! — Goth, décidant que la plaisanterie avait duré beaucoup trop longtemps, abattit sa hache sur le gobelin, lui coupant le bras au niveau de l’épaule et faisant jaillir le dernier flot carmin de cette sanglante bataille. Le gob poussa un cri strident, ses yeux devinrent vitreux, et il s’effondra.

* Une porte.


Sa place est dans un musée*


Que fait-on après une si âpre bataille ? On fouille les corps. Malheureusement, les créatures ne possédaient rien d’intéressant sur elles… Ces saletés sont encore plus horripilantes mortes que vivantes. Une exploration en bonne et due forme de la réserve m’apporta heureusement plus de satisfaction, ou un peu moins de frustration, c’est selon, car j’y trouvai… les armes et l’armure de Sildar ! Celles que les gobelins lui avaient piquées lorsqu’ils les avaient attaqué, lui et Gundren, il y a deux semaines. J’avais omis de l’écrire à l’époque, mais on n’avait récupéré que la partie non militaire de son équipement. Ce qui n’enlève rien à ma générosité, je vous vois venir… Et si vous ne voyez pas de quoi je parle, allez relire.

Pendant ce temps, Fargrim se servait de sa capacité magique en sortant son symbole religieux pour nous faire récupérer un peu de santé. Bien que pas encore au sommet de ma forme, mes blessures se refermèrent suite à son action. Décidément, j’aime beaucoup ce nain.

Anarondo, de son côté, décidait d’utiliser le bâton chouravé à Glasstaff pour lancer sur lui-même un sort le recouvrant d’une armure magique. Pratique, et à se demander pourquoi il ne l’avait pas fait avant…

Remis d’aplomb, je retournai près de la porte de droite, piétinant la maudite cordelette traînant devant le seuil au passage, pour y coller mon oreille. Je n’entendis rien, toutefois.

Fargrim aperçut alors une toute petite barrique de conception naine. Je décidai de l’examiner, et l’ouvris. « Ah ! mais c’est de l’eau-de-vie naine », s’exclama le prêtre. « Ça a été fait par un maître de la distillation. » J’en descendis aussitôt une rasade. « C’est de la bonne ! » m’exclamai-je. « Avec ça, je vais être super fort pour détecter les pièges ! »

Fargrim s’empressa curieusement de me reprendre la barrique des mains. J’allai coller mon autre oreille à la porte de gauche, mais n’entendis que tchi. J’ouvris la porte avant que Wulfwig, qui s’était approché, ne puisse écouter lui aussi. Non ! mais il ne me fait pas confiance, ou quoi ? Il n’y avait que quelques armes et quatre paillasses dans la pièce. Je m’allongeai sur une avec un soupir de soulagement béat, malgré l’odeur.

Un bâton un peu stylisé attira mon attention au milieu de l’attirail. Je le pris et constatai qu’il était étonnament léger. Dix pièces d’or à peu près. Goth décida de l’ajouter à son arsenal.

Quittant la salle après cette courte mais bienvenue pause, j’ouvris la porte de droite. Puisque je n’avais rien entendu, c’était forcément sans danger. Derrière, il faisait sombre, aussi je criai à mes compagnons : « Eh ! Passez-moi une torche ! » Ce à quoi Fargrim répondit : « Lumière ! » et mon Arguy se mit à briller de mille feux.

J’étais dans une sorte de chapelle au milieu de laquelle trônait un autel de pierre couvert d’un tissu noir couvert de sang. Des objets ritualistes en or étaient posés dessus. Un calice fait de main humaine d’une valeur de cent-cinquante chèvres, un encensoir et un couteau. Bien sûr, je me dépêchai de les mettre à l’abri dans mon sac. J’ai été conservateur de musée, je tiens à la préservation du patrimoine.

Goth et Wulf étaient rentrés dans la pièce pendant que j’étais occupé par ma conscience professionnelle. Pierre leur emboîtait le pas, et dès qu’il aperçut l’autel, ses yeux s’écarquillèrent de surexcitation. « C’est l’objet de ma vision ! » criait-il à qui voulait l’entendre. Se lançant dans un soliloque grandoliquent, même pour lui, il parlait avec des trémolos dans la voix de refaire un temple à la gloire d’Ogma (le dieu de l’enn… De la connaissance), d’ouvrir une école, et que sais-je encore.

Laissant notre ami à son programme électoral, je réexaminai l’autel en jetant un œil en dessous pour m’assurer qu’il n’y avait plus de patrimoine à préserver. J’y trouvai trois figures grossières d’une couleur vert pâle, dotées d’yeux, d’oreilles et de dents, d’une valeur de zéro chèvre environ.

Je fis un bond en arrière en gueulant pour avertir mes collègues, et dégainai mon arc tandis que les gobelins jaillissaient de leur cachette. Leur chef était vêtu d’un accoutrement de prêtre, et Wulf, rapide comme l’éclair, décochai déjà une flèche qui alla se planter dans son bras. Il poussa un cri aigu. Un de ses congénères n’eut même pas ce loisir car Goth le trancha en deux. Je tirai alors sur le dernier, mais il réussit à esquiver ma flèche. Pas le rayon de givre d’Anarondo, cependant, qui le blessa sévèrement.

La créature, ayant décidé que j’étais la cause de son malheur (z’avaient qu’à se planquer ailleurs, en même temps), m’attaqua mais son coup me manqua. Son chef, lui, avait décidé de s’en prendre à Fargrim, réussissant là où son acolyte venait d’échouer en faisant grimacer de douleur le nain. Ce dernier tenta de riposter en assommant son collègue prêtre avec son marteau, mais ce dernier ne s’effondra pas.

Goth décida alors de se joindre à la fête en frappant un grand coup du plat de sa hache sur la tête du chef des gobs, l’assommant tout en subtilité. Pendant ce temps, le dernier gobelin toujours debout, comme dirait Renaud (un célèbre chanteur hobbit qui a mal vieilli), esquivait tour à tour une flèche de Wulf et une des miennes, avant de se faire de nouveau cueillir par un rayon de givre d’Anarondo, fâché qu’on trouble son exultation fanatique. Il est plus que probable que cet adversaire était immunisé aux projectiles physiques mais non magiques, sinon rien n’explique que nos flèches l’aient toutes raté…

Goth et Wulf tirèrent les rideaux pour faire un peu de lumière, puis le guerrier entreprit d’examiner le sol et d’écouter à l’autre porte de la pièce. L’éclairage révéla des rangées de statues. Un braséro en pierre contenant un monticule de charbon était placé à quelque distance de l’autel, derrière un pilier. Aucune odeur n’en émanait, les charbons n’ayant pas brûlé. Plongeant ma main dedans, mes doigts sentirent un tissu qui recouvrait quelque chose… Je m’empressai de l’extraire et de découvrir l’étoffe cramoisie. À l’intérieur, une lourde statuette en or, humanoïde, représentant un elfe du soleil en route pour rejoindre le fruit de ma mission de sauvegarde culturelle.

Ma conscience professionnelle une fois de plus satisfaite, j’entrepris d’examiner les statues. Deux mètres de haut, formes angéliques… Pierre m’expliqua plus tard que le temple était dédié à plusieurs dieux humains dont je n’ai pas retenu les noms. Tandis que j’étais à ma contemplation, un grick apparu. Qu’est-ce qu’un grick me demanderez-vous ? Très bonne question, intelligent lecteur. Ça ressemble à un serpent qui aurait des machoîres au bout de quatre tentacules, et ça n’a aucune grâce, car voulant nous surprendre en tombant du plafond, il ne réussit qu’à s’écrouler lamentablement sur le sol, nous laissant le temps de nous remettre de sa si peu courtoise irruption. Je rêve qu’un jour, un monstre nous accueille avec du thé et des gâteaux.

Ses tentacules jaillirent vers moi (je n’étais pourtant pas en tenue d’écolière) mais me ratèrent (c’est peut-être pour ça). Wulfwig eut le réflexe de jeter sa torche sur la bête, mais elle ricocha dessus sans lui faire prendre feu. Dommage, l’idée était louable.

Anarondo et Goth, restés du côté de l’autel, arrivèrent pour nous prêter main forte, et le guerrier porta un formidable coup de sa hache à la créature. Malheureusement, son corps caoutchouteux semblait particulièrement bien résister au tranchant de l’acier… Heureusement, c’est pour ce genre de cas qu’on a inventé la magie. Fargrim lança une flamme sacrée qui eut nettement plus de succès que la torche de notre archer. J’en profitai pour dégainer Serre, car même si je la manie moins bien qu’Arguy, le fil magique de sa lame me paraissait tout indiqué contre la bestiole. Profitant d’un moment d’inattention d’icelle, je réussis à lui infliger une blessure. Toutefois, ne voulant pas voler la vedette à mes camarades, je me désengageai sans laisser au monstre l’opportunité de se venger, et allai me dissimuler dans la meilleure cachette qu’offrait la salle, à savoir derrière Fargrim.

Le grick reporta alors son attention sur Wulfwig, mais l’agile archer évita le tentacule. Toutefois la réciproque fut vraie, la bête esquivant le coup d’épée porté en riposte. Anarondo lança un rayon de givre mais la dure peau reptilienne l’amortit. Goth, qui avait été si flamboyant contre les gobelins quelques instants plus tôt, décida de nous éblouir de nouveau et… chargea la créature.

Gné ? Étonnement, il ne réussit pas à renverser le bestiau. Vraiment, c’est curieux… Fargrim tenta d’achever la bête mais sa flamme sacrée, cette fois, l’évita. Forcé de constater que mes camarades ne voulaient pas de la vedette et qu’il fallait encore tout faire soi-même, je bondis vers la bête et la fis passer à trépas d’un magnifique coup de Serre. Ha !

J’entamai une danse de la victoire après ça (je vous ai dit que j’avais été danseur), et demandai à Fargrim de sortir l’alcool parce que c’était une occasion à fêter. « Je suis pas sûr que vous avez la constitution », me répondit-il. « Quoi ? » m’indignai-je. « Passez-moi la barrique ! »

Je bus cul sec. Un verre, pas la barrique ; calmez-vous. À ma surprise, je me sentis aussitôt revigoré, comme si j’avais ingurgité une mini-potion de soins. Je fis part de ma découverte à mes camarades et offris aussitôt ma tournée générale. Seul Wulfwig, le rabat-joie, refusa de boire. Goth retourna ensuite ligoter le gobelin qu’on avait laissé compter les moutons, puis je le cachai sous l’autel. On a encore le temps avant qu’il ne se remette de sa gueule de bois. Ce repos était le bienvenu, mais il est temps que j’arrête d’écrire… Je commence à avoir une crampe au poignet, à force !

* Le mien
Répondre


Messages dans ce sujet
La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 02/05/2020, 20:12
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 02/05/2020, 20:41
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 15/05/2020, 20:38
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 19/05/2020, 19:51
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 26/05/2020, 20:48
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 06/06/2020, 18:13
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 06/06/2020, 19:20
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 07/06/2020, 21:51
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 13/06/2020, 18:01
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 17/06/2020, 19:32
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 17/06/2020, 20:28
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 26/06/2020, 17:08
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 26/06/2020, 18:12
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 05/07/2020, 18:20
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 11/07/2020, 17:14
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 18/07/2020, 16:06
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 19/07/2020, 13:26
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 20/07/2020, 08:34
RE: La mine perdue de Phandelver - par Skarn - 03/08/2020, 17:34
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 18/08/2020, 18:08
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 21/08/2021, 15:41
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 24/09/2021, 19:42
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 20/11/2021, 20:35
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 15/01/2022, 17:07
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 15/01/2022, 20:58
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 08/02/2022, 22:06
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 12/02/2022, 16:35
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 14/02/2022, 20:48
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 14/02/2022, 22:51
RE: La mine perdue de Phandelver - par tholdur - 15/02/2022, 07:50
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 19/02/2022, 20:39
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 19/02/2022, 20:43
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 13/08/2022, 15:14
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 14/08/2022, 15:40
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 10/10/2022, 19:21
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 16/10/2022, 17:59
RE: La mine perdue de Phandelver - par tholdur - 19/10/2022, 10:10
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 24/10/2022, 16:04
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 24/10/2022, 17:35
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 24/10/2022, 18:38
RE: La mine perdue de Phandelver - par tholdur - 25/10/2022, 08:13
RE: La mine perdue de Phandelver - par Skarn - 25/10/2022, 09:11
RE: La mine perdue de Phandelver - par tholdur - 25/10/2022, 14:34
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 26/10/2022, 10:21
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 27/10/2022, 18:10
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 28/10/2022, 15:04
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 29/10/2022, 20:15
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 30/10/2022, 23:42
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 01/11/2022, 18:04
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 01/11/2022, 20:34
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 01/11/2022, 23:57
RE: La mine perdue de Phandelver - par tholdur - 02/11/2022, 01:40
RE: La mine perdue de Phandelver - par Jehan - 04/11/2022, 23:00



Utilisateur(s) parcourant ce sujet : 18 visiteur(s)