[01] Alice au Pays des Cauchemars
#3
Ayé, j'ai lu Alice au pays du cauchemar, de la série de livre-jeu "Contes Tordus" de Jonathan Green (aussi auteur de plusieurs "Défis Fantastiques" chez Gallimard). Série dans laquelle cet auteur britannique revient sur les classiques de la littérature anglo-saxonne : Le Magicien d'Oz, Peter Pan, etc.J'ironisais sur le forum RDV1 en imaginant ses prochains titres :
> Tom Sawyer c'est l'Amérique contre Razaak le Sorcier
> Les Sœurs Brontë contre-attaquent
> Helen Keller et le mystère du cri-qui-tue
> Les Quatre Filles du Dr March, apprenties ninjas
Le fera-t-il ? Qui sait, qui sait... Ce tome, donc, rend hommage à Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll (1865), qui depuis quelques temps a été repris plusieurs fois dans des versions plus acidulées ou mordantes, gothiques, etc.

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La reprise façon film d'horreur chirugical dans l'Escape Book d'Alexandra Ourse,
la reprise sous forme d'un « cauchemar de logique et de jeux de mots » par Jonathan Green.

L'HISTOIRE
Elle est racontée à la 3ème personne (Alice, elle) au lieu du traditionnel vous qui invitait à incarner le personnage. On guidera les pas de la jeune fille, qui vient de se réveiller près d'un ruisseau où un drôle d'individu l'aborde : un lapin mort (!) dans le ventre duquel on a greffé une horloge ! Cet échantillon taxidermique d'un goût douteux supplie Alice de revenir au Pays des Merveilles, pour y affronter la tyrannique Reine.
Au fond du terrier, les individus que croisera Alice la reconnaitront et l'aideront. Enfin, pas tous, d'autres tenteront de la tuer pour lui farcir le corps de mécanismes, comme c'est arrivé au lapin pressé ! Elle rencontrera peut-être celui qui aime remplir les gens de rouages, ou non, le jeu ne force pas à faire cette rencontre.
Le Pays des Merveilles est devenu un endroit encore plus bizarre qu'avant, et surtout plus sinistre. Les créatures les plus inoffensives sont devenues des choses sans nom, on se croirait perdu dans un souterrain de R'lyeh à fuir des tentacules de Profonds ! D'ailleurs, le redoutable labyrinthe qui protège le château de la Reine semble bâti selon une géométrie d'outre-espace et non euclidienne... Je n'avais pas trouvé les indices, mais ce n'est pas au vieux singe fauteur d'énigmes tordues qu'on apprend à faire la grimace, non mais allô quoi :

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Un labyrinthe agaçant mais logique. Ses allées sont bien décrites, "peuplées", pas juste du nord / sud / est /ouest basique comme souvent dans les DF. Les renvois en miroir et les téléportations rappellent les labys des magazines des années 80-90.
NB, des regains d'ENDURANCE et des pertes d'IRRATIONNALITE sont possibles à certains endroits du labyrinthe, donc tourner en rond pour y repasser encore et encore permet peut-être au lecteur qui a hacké le principe de monter sa force au maximum et de ramener à zéro son Irrationnalité tout en esquivant les combats (sous réserve de vérification de la faisablilité).

[Image: giphy.gif]

L'intrigue est à double fond, puisque lorsqu'Alice croit avoir trouvé l'horrible Reine (pas celle que l'on croit), elle s'aperçoit n'avoir pas d'arme pour la vaincre... Elle devra fuir et trouver l'Epée Vorpale, puis revenir avec le maximum d'alliés pour combattre – et recevoir une révélation. Cette partie s'inspire du second tome de Lewis Carroll, De l'autre côté du miroir, alors que ce qui précède vient du tome plus connu.

MECANISMES
Scores, combats et tests : assez classiques. A mon avis les règles de combat sont exposées de manière trop compliquée.
Capacités spéciales, Alice en a deux :
« La plume est plus forte » (que l'épée), capacité à réécrire le réel. Ça rappelle une fameuse scène d'Indiana Jones et la dernière croisade et mon personnage favori, Marcus Brody !
« De curieux en plus curieux », une sorte de tout pour le tout, qui consiste en général à combattre un danger en créant... un autre danger plus puissant. Lequel se retourne en général contre Alice...
Hasard : deux dés à six faces (2D6) ou avec un jeu de 52 cartes si on préfère. Les règles sont adaptées pour. C'est à la fois logique avec l'univers d'Alice (les soldats-trèfles ou piques, la Reine de Coeur) et avec l'époque, puisqu'au XIXème siècle les dés étaient un jeu vulgaire, la bourgeoisie s'amusait avec distinction en jouant au whist.

[Image: giphy.gif]
Hey ho, hey ho, on s'en va au bourreau

Irrationnalité : score qui démarre à 0 et augmente quand Alice fait des rencontres traumatisantes, comme la santé mentale dans le JDR L'Appel de Cthulhu) et des tests de valeurs dont la Logique, qui servira plusieurs fois.
Variante : si le joueur estime peu crédible de jouer Alice version warrior qui tatane des monstres à coups de bocal de confiture ou de cueiller à pot, une règle faisant l'économie des combats pour les remplacer par des épreuves ou des usages de capacités spéciale existe. Alkonost précise que c'est un mode de jeu difficile. [/align]

LE NONSENSE
On sait que Lewis Carroll aimant créer des imbroglios logiques, la faute çà son boulot : il était matheux, comme le Pr Moriarty. Dans le livre-jeu, des raisonnements façon « qui de l'œuf ou de la poule... » serviront plusieurs fois à Alice à se tirer d'affaire, sauf lorsqu'elle en sera victime elle-même. C'est un game over possible si elle accumule trop d'Irrationnalité au moment de son combat contre la Reine.
Le nonsense s'invite aussi dans le langage. On croisera des versions rafraichies des insectes dont le character design provient de jeux de mots. Ces nouvelles versions sont joliment rendues en français par Romain Baudry, lui-même auteur de livre-jeu (Fleurir en hiver).
Les personnages typiques du récit de Lewis Carroll sont là, dans une version souvent monstrueuse : plantes à l'horrible faciès dentu, chenille déliquescente, diverses créatures recomposées façon puzzle à la Frankenstein... avec des bouts de métal pour compléter. Dans ces recompositions, on détecte l'imaginaire propre que Jonathan Green insuffle dans le récit classique de Carroll. On se rappelle que Green est l'auteur d'Anno Frankenstein. Parfois l'ajout est plus discret, presque un clin d'œil, comme ces monstrueux hérissons véloces qui attaquent Alice dans le labyrinthe – Green a écrit des livres-jeu pour Sonic, le hérisson des jeux Sony.
Plusieurs devinettes, cette fois-ci parfaitement logiques, complètent l'ensemble, avec des poèmes carrolliens.

[Image: aba64811.jpg]

L'OBJET LIVRE
Le tome est imprimé pour les éditions associatives Alkonost avec un tirage se comptant par petites centaines. L'objet est de belle facture, format généreux, impression nette, couverture souple. L'image de couverture anglaise a été retouchée de manière assez heureuse pour l'édition française. Je soupçonne aussi une retouche dans l'illustration du paragraphe 57 pour créer la profondeur.
L'illustrateur est Kev Crossley, dont le trait rappelle beaucoup le bédéiste français Guillaume Albin, avec toutefois des dispositions, des cadres et des falbalas envahissants qui font davantage Art Nouveau. La plupart des dessins sont parfaits pour le format et le sujet, quelques unes auraient gagné à figurer plutôt dans un album grand format de par leur taille et leur complexité (par exemple celle du paragraphe 49). L'illustration qui clôt le volume montre en médaillon central Lewis Carroll, entouré des personnages de la saga alicéenne, et de bandeaux qui entrecroisent les noms de l'auteur et de ses illustrateurs classiques, John Tenniel et Arthur Rackham. Kev Crossley ajoute malicieusement son propre nom en tout petit sur un avorton timide à qui un personnage de la saga tend la main, comme pour l'accueillir dans la famille ! (Les sculpteurs des cathédrales se représentaient de la même manière, en guise de signature).

[Image: signat10.jpg]

Le nom du traducteur est placé en 4ème de couverture à parité avec l'auteur et l'illustrateur, ce qui est mérité car Romain Baudry (alias Outremer) a visiblement bien taffé sur l'hommage que Green fait à Lewis Caroll, d'auteur à auteur. Les noms de créatures, poèmes rimés et mots d'esprit dans les dialogue (certains servant à dénouer des situations par le langage) ont dû être délicat à réaliser.

Je n'ai fait qu'une passe de lecture, le livre est justiciable de plusieurs tentatives, donc n'hésitez pas, pour les longues soirées d'hiver ou les confinements au coin du feu...

[EDIT] : je viens de voir que Gagadoth propose une solution détaillée sur ce topic de La Taverne (joint au plan du laby, y a plus d'excuses) :
https://www.la-taverne-des-aventuriers.com/t7870p25-alice-au-pays-des-cauchemars#278696
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Messages dans ce sujet
[01] Alice au Pays des Cauchemars - par Bruenor - 06/05/2020, 09:25
RE: Alice au Pays des Cauchemars - par Outremer - 09/05/2020, 19:38
RE: Alice au Pays des Cauchemars - par Dagonides - 10/10/2020, 13:14
RE: Alice au Pays des Cauchemars - par Vesper - 22/10/2020, 11:26



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