Pendant que le gobelours rêvait à des trucs de gobelours comme martyriser des gobelins, moi, je comptais le butin. Heureusement que j’ai été comptable : j’ai l’impression que même l’idée de faire une simple addition colle la migraine à mes camarades. C’est triste de se dire que certaines gens ignorent le frisson de plaisir que procure la vue de piles de pièces parfaitement droites et alignées.
Il y en avait pour six-cent pièces de cuivre tout rond (c’est beau, quand même) et cent-dix pièces d’argent. J’ai décidé arbitrairement que les guerriers recevraient respectivement cent-cinquante-cinq et vingt-sept pièces, tandis que les non-humains en récupéreraient cent-quarante-cinq et vingt-huit. De toute façon, ils ne sont tellement pas intéressés par les calculs que je pourrais les arnaquer sans souci si je n’étais pas quelqu’un d’honnête. Heureusement qu’il y a au moins une personne avec le sens du commerce dans ce groupe.
Wulfwig avait ficelé Klarg façon saucisson, et quand ce dernier s’est réveillé Pierre a tenté un truc auquel je n’ai entravé que pouic pour essayer de « charmer » le manitou des Cragmaw, mais ça n’a pas marché (tu m’étonnes). Du coup, c’est moi qui me suis chargé de l’interrogatoire. Et si vous vous demandez comment un hobbit peut bien intimider un gonze deux fois plus grand et quatre fois fois plus lourd que lui, c’est simplement que vous ne m’avez jamais vu menacer quelqu’un. Très pratique, entre autres, pour faire casquer les mauvais payeurs et récupérer des intérêts en prime. Ça date de l’époque où j’étais collecteur d’impôts.
Bref, notre ami est aussitôt devenu doux comme un agneau et bavard comme une pie — en revanche il restait con comme un gobelours ; je ne fais pas non plus des miracles, moi. Rebref, le château se trouverait à une vingtaine de milles au nord-est du repaire, dans les bois de Neverwinter. Il serait dirigé par un gobelours « encore plus invicible » que lui. Là, on a dû interrompre l’interrogatoire cinq minutes, le temps de s’arrêter de rire. Quelques bourre-pifs en rabiot nous ont appris que le roi Groll (c’est le blaze de l’autre gobelours) aurait plein de gobelins sous ses ordres et que Klarg ignorait tout de l’Araignée noire.
Il gardait une dernière info par devers lui, qu’il a négociée contre sa libération. J’ai défait ses liens pour qu’il crache le morceau, mais le tuyau ne valait pas un clou : un émissaire de l’Araignée noire est venu voir le roi Groll il y a quelques jours pour payer la tribu afin qu’elle recherche Gundren Rockseeker, le trouve, le capture et le livre à Groll. Bref, rien qu’on ne savait déjà. Je m’attendais à ce que Klarg soit rétribué avec un bon de coup de hache, mais à ma surprise Goth a accepté de le laisser partir. Perso, je me foutais qu’il décampe, mais j’aurais pensé que ça allait à l’encontre des principes civilisateurs de notre paladin. Peut-être qu’il répugne à tuer un vaincu désarmé. (M’enfin, c’est pas un vaincu, c’est un gobelours.)
Avant qu’il ne parte, j’ai pris mon timbre de voix le plus menaçant pour lui expliquer que si j’entendais de nouveau parler de lui, de quelque façon que ce soit, je le traquerais, je le retrouverais, et je le tuerais… Je vous jure, ça sonnait effrayant. On aurait dit Liam Neeson (un célèbre hobbit). Ce à quoi il m’a répondu qu’il n’oublierait pas que j’avais tué son loup. Chouette, j’ai un ennemi juré !
Le retour à Phandalin était plus calme. Nous sommes d’abord passés au Lion Shield pour indiquer à la gérante l’emplacement des marchandises volées, encaissant cinquante pièces d’or de récompense en retour. Ils font suer, à nous refiler des montants qui ne sont jamais divisibles par quatre, sérieux. Cependant, Pierre s’est contenté de dix pièces d’or, arguant qu’il n’avait pas besoin de davantage. Un tel mépris de l’argent frôle le vulgaire à mes yeux, et en même temps avoir un compagnon si peu regardant sur le partage a quand même ses bons côtés.
Bon, ça laissait toujours quarante pièces d’or à diviser en trois, alors j’ai dit à Goth et Wulf qu’ils n’avaient qu’à se les partager et qu’en compensation je garderais la statuette trouvée dans la grotte. Oui, celle en jade aux yeux d’or… Un marché parfaitement équitable.
J’en ai profité pour me débarrasser de mes pièces de cuivre par dizaines en reconstituant mon stock de flèches. Ensuite j’ai donné rendez-vous aux autres à l’auberge. Il commençait à se faire tard, mais j’avais d’abord une visite à rendre à Halia… Je tenais en effet à savoir ce qu’il était advenu du prisonnier de l’invité Redbrand qu’on lui avait confié. J’ai eu la joie d’apprendre qu’elle lui avait trouvé des compagnons et que tout ce petit monde était logé aux frais de la princesse. Ça explique le seuil du Géant endormi défoncé (le seuil, pas le géant) et la disparition de ses occupants. L’hospitalité d’Halia ayant ses limites, je doute qu’ils en profitent encore très longtemps, ceci dit. J’en connais qui ne doivent pas dormir sur leurs deux oreilles, pour ceux qui les ont encore…
À l’auberge, j’ai retrouvé Sildar, à qui j’ai rendu son équipement contre une bière. Qu’on ne dise pas que je ne suis pas généreux après ça ! Pendant le repas, les conversations dans la salle commune ont pris une tournure politique, la plupart des villageois se demandant qui allait gérer Phandalin maintenant que la bourgade n’était plus sous le joug des bandits. Certains désiraient voir un vrai seigneur à sa tête, d’autres, moins chauds, préféraient rester un bourg libre (quoi que ça veuille dire), d’autres encore pensaient qu’il fallait avant tout virer l’édile, et certains suggéraient que la future maréchaussée serait amplement suffisante. La tenancière et Sildar (évidemment) étaient dans le camp seigneurial, les mineurs et employés de l’Échange dans celui des anars.
Le prolétaire n’étant jamais content, un certain nombre d’entre eux râlaient à cause des gobelins et des orques qui restaient une menace sur la région. Ils râlaient moitié moins, du coup, quand je leur ai fait savoir qu’on s’était occupés des premiers, y gagnant au passage un nouveau rinçage de gosier à l’œil.
J’ai repris une chambre à l’auberge pour cette nuit (en profitant de nouveau pour refiler ma mitraille par brouettes), n’ayant pas le courage de retourner chez tante Qelline pour ce soir, claqué comme j’étais. La nourriture était peut-être un peu riche, ou alors c’est tout cet alcool… Nan, ça doit être la nourriture. Bref, j’ai pris congé de mes compagnons après avoir discuté avec eux du programme de demain. La fille du Lion Shield nous a parlé d’un aventurier à la retraite qui s’occupe d’un verger dans le coin, et qui pourrait être source d’informations. Sildar nous a aussi raconté que des gardes envoyés dans le manoir ont trouvé un laboratoire de mago dans la pièce qu’on avait laissée derrière nous. Un rat a pris la fuite quand ils sont entrés, et s’est évanoui en fumée au premier coup de lance… Pierre a de la concurrence ! Ils ont récupéré tout un tas de matos, ainsi que des grimoires et des parchemins étranges. Tout est entreposé à l’hôtel de ville, et Sildar nous a invités à y passer dans la matinée, des fois qu’on serait intéressés par l’une ou l’autre des babioles chouravées à Glasstaff. S’il y a vraiment autant de bouquins qu’il le dit, j’ai peur qu’on ne revoie plus Anarondo de la semaine.
Il y en avait pour six-cent pièces de cuivre tout rond (c’est beau, quand même) et cent-dix pièces d’argent. J’ai décidé arbitrairement que les guerriers recevraient respectivement cent-cinquante-cinq et vingt-sept pièces, tandis que les non-humains en récupéreraient cent-quarante-cinq et vingt-huit. De toute façon, ils ne sont tellement pas intéressés par les calculs que je pourrais les arnaquer sans souci si je n’étais pas quelqu’un d’honnête. Heureusement qu’il y a au moins une personne avec le sens du commerce dans ce groupe.
Wulfwig avait ficelé Klarg façon saucisson, et quand ce dernier s’est réveillé Pierre a tenté un truc auquel je n’ai entravé que pouic pour essayer de « charmer » le manitou des Cragmaw, mais ça n’a pas marché (tu m’étonnes). Du coup, c’est moi qui me suis chargé de l’interrogatoire. Et si vous vous demandez comment un hobbit peut bien intimider un gonze deux fois plus grand et quatre fois fois plus lourd que lui, c’est simplement que vous ne m’avez jamais vu menacer quelqu’un. Très pratique, entre autres, pour faire casquer les mauvais payeurs et récupérer des intérêts en prime. Ça date de l’époque où j’étais collecteur d’impôts.
Bref, notre ami est aussitôt devenu doux comme un agneau et bavard comme une pie — en revanche il restait con comme un gobelours ; je ne fais pas non plus des miracles, moi. Rebref, le château se trouverait à une vingtaine de milles au nord-est du repaire, dans les bois de Neverwinter. Il serait dirigé par un gobelours « encore plus invicible » que lui. Là, on a dû interrompre l’interrogatoire cinq minutes, le temps de s’arrêter de rire. Quelques bourre-pifs en rabiot nous ont appris que le roi Groll (c’est le blaze de l’autre gobelours) aurait plein de gobelins sous ses ordres et que Klarg ignorait tout de l’Araignée noire.
Il gardait une dernière info par devers lui, qu’il a négociée contre sa libération. J’ai défait ses liens pour qu’il crache le morceau, mais le tuyau ne valait pas un clou : un émissaire de l’Araignée noire est venu voir le roi Groll il y a quelques jours pour payer la tribu afin qu’elle recherche Gundren Rockseeker, le trouve, le capture et le livre à Groll. Bref, rien qu’on ne savait déjà. Je m’attendais à ce que Klarg soit rétribué avec un bon de coup de hache, mais à ma surprise Goth a accepté de le laisser partir. Perso, je me foutais qu’il décampe, mais j’aurais pensé que ça allait à l’encontre des principes civilisateurs de notre paladin. Peut-être qu’il répugne à tuer un vaincu désarmé. (M’enfin, c’est pas un vaincu, c’est un gobelours.)
Avant qu’il ne parte, j’ai pris mon timbre de voix le plus menaçant pour lui expliquer que si j’entendais de nouveau parler de lui, de quelque façon que ce soit, je le traquerais, je le retrouverais, et je le tuerais… Je vous jure, ça sonnait effrayant. On aurait dit Liam Neeson (un célèbre hobbit). Ce à quoi il m’a répondu qu’il n’oublierait pas que j’avais tué son loup. Chouette, j’ai un ennemi juré !
Le retour à Phandalin était plus calme. Nous sommes d’abord passés au Lion Shield pour indiquer à la gérante l’emplacement des marchandises volées, encaissant cinquante pièces d’or de récompense en retour. Ils font suer, à nous refiler des montants qui ne sont jamais divisibles par quatre, sérieux. Cependant, Pierre s’est contenté de dix pièces d’or, arguant qu’il n’avait pas besoin de davantage. Un tel mépris de l’argent frôle le vulgaire à mes yeux, et en même temps avoir un compagnon si peu regardant sur le partage a quand même ses bons côtés.
Bon, ça laissait toujours quarante pièces d’or à diviser en trois, alors j’ai dit à Goth et Wulf qu’ils n’avaient qu’à se les partager et qu’en compensation je garderais la statuette trouvée dans la grotte. Oui, celle en jade aux yeux d’or… Un marché parfaitement équitable.
J’en ai profité pour me débarrasser de mes pièces de cuivre par dizaines en reconstituant mon stock de flèches. Ensuite j’ai donné rendez-vous aux autres à l’auberge. Il commençait à se faire tard, mais j’avais d’abord une visite à rendre à Halia… Je tenais en effet à savoir ce qu’il était advenu du prisonnier de l’invité Redbrand qu’on lui avait confié. J’ai eu la joie d’apprendre qu’elle lui avait trouvé des compagnons et que tout ce petit monde était logé aux frais de la princesse. Ça explique le seuil du Géant endormi défoncé (le seuil, pas le géant) et la disparition de ses occupants. L’hospitalité d’Halia ayant ses limites, je doute qu’ils en profitent encore très longtemps, ceci dit. J’en connais qui ne doivent pas dormir sur leurs deux oreilles, pour ceux qui les ont encore…
À l’auberge, j’ai retrouvé Sildar, à qui j’ai rendu son équipement contre une bière. Qu’on ne dise pas que je ne suis pas généreux après ça ! Pendant le repas, les conversations dans la salle commune ont pris une tournure politique, la plupart des villageois se demandant qui allait gérer Phandalin maintenant que la bourgade n’était plus sous le joug des bandits. Certains désiraient voir un vrai seigneur à sa tête, d’autres, moins chauds, préféraient rester un bourg libre (quoi que ça veuille dire), d’autres encore pensaient qu’il fallait avant tout virer l’édile, et certains suggéraient que la future maréchaussée serait amplement suffisante. La tenancière et Sildar (évidemment) étaient dans le camp seigneurial, les mineurs et employés de l’Échange dans celui des anars.
Le prolétaire n’étant jamais content, un certain nombre d’entre eux râlaient à cause des gobelins et des orques qui restaient une menace sur la région. Ils râlaient moitié moins, du coup, quand je leur ai fait savoir qu’on s’était occupés des premiers, y gagnant au passage un nouveau rinçage de gosier à l’œil.
J’ai repris une chambre à l’auberge pour cette nuit (en profitant de nouveau pour refiler ma mitraille par brouettes), n’ayant pas le courage de retourner chez tante Qelline pour ce soir, claqué comme j’étais. La nourriture était peut-être un peu riche, ou alors c’est tout cet alcool… Nan, ça doit être la nourriture. Bref, j’ai pris congé de mes compagnons après avoir discuté avec eux du programme de demain. La fille du Lion Shield nous a parlé d’un aventurier à la retraite qui s’occupe d’un verger dans le coin, et qui pourrait être source d’informations. Sildar nous a aussi raconté que des gardes envoyés dans le manoir ont trouvé un laboratoire de mago dans la pièce qu’on avait laissée derrière nous. Un rat a pris la fuite quand ils sont entrés, et s’est évanoui en fumée au premier coup de lance… Pierre a de la concurrence ! Ils ont récupéré tout un tas de matos, ainsi que des grimoires et des parchemins étranges. Tout est entreposé à l’hôtel de ville, et Sildar nous a invités à y passer dans la matinée, des fois qu’on serait intéressés par l’une ou l’autre des babioles chouravées à Glasstaff. S’il y a vraiment autant de bouquins qu’il le dit, j’ai peur qu’on ne revoie plus Anarondo de la semaine.