CETTE CRITIQUE PORTE SUR LA VERSION AUGMENTEE PARUE CHEZ MEGARA (que j'appellerai V2, par opposition à la V1 de 1984 qu'on connaît tous).
La grisaille d'une après-midi d'hiver. Le vent qui siffle dans les arbres, sur les pans de la montagne. Une bibliothèque chichement éclairée par deux appliques. Sur le plateau de bois nu de la table de travail : une paire de dés et Le Tombeau du Vampire de Dave Morris, version 2.0.
Vous avez compris que je me mets dans l'ambiance avant de jouer...!
RETOUR VERS UNE MADELEINE DE PROUST
Ah, la série "Dragon d'Or" ! Le trait rond, naïf et pourtant puissant de Léo Hartas. Les intrigues simples, du donjon crawling basique avec des situations aisément dénouées, mais avec pourtant une capacité d'évocation qui laisse durablement des images dans la tête. Du patrimoine, quoi ! Le PDVELH de Xav&Fred m'a récemment convaincu de sauter le pas et de commander le tome revu par David Walters, avec 102 nouveaux paragraphes et (fin du fin) des illustrations colorisées.
L'OBJET LIVRE
Les images en couleurs de Léo Hartas m'ont soufflé. D'habitude je n'aime pas ce genre de retape ; mais là, elles gagnent un côté glauque (au propre comme au figuré : couleur vert-gris / ambiance sinistre) qui n'est pas sans rappeler l'image des films Hammer... plutôt caractérisée par le rouge si particulier du studio, dans ses films de vampires. La filiation est d'ailleurs revendiquée par Dave Morris dans une préface. Il nous éclaire sur les conditions de production des premiers livres-jeu, dans les années 80 (y compris la question des contrats et de l'argent). Laissez-moi vous dire qu'il envoie du bois, et que Games Workshop se prend quelques buches dans le mou au passage : un mythe qui tombe !
La préface rappelle que l'éditeur originel était Dragon Books, d'où (je suppose) le nom de la série "Dragon d'Or". On apprend aussi que l'un des tableaux de la galerie de portraits représentait le propre père de Léo Hartas (de là à dire que la femme qui apparaît sur un autre tableau, dans une des illustrations additionnelles, serait, serait... devinez !). J'ajoute que le Barbare du 237 ressemble furieusement à Schwarzie / Conan.
Le travail intérieur est du Megara nouvelle période. Travail soigné, à un important détail près : les illustrations sont souvent situées à la page qui suit le paragraphe illustré, au lieu d'être en vis-à-vis. Il aurait suffi d'une page blanche entre les règles et le 1 pour régler le problème. Ah, deuxième détail : l'illustration du combat final, étalée sur deux pages dans la V1 (quel choc à mon premier feuilletage du vieux livre, ce personnage qui plonge son regard dans le mien) est ici réduite sur une seule page. C'est dommage. Reste le côté ensorcelant de cette image colorisée ! Et le fait qu'ici, elle illustre l'avant-duel, plutôt que gaspillée pour illustrer un PFA (c'était le cas dans la V1).
Le fin du fun aurait été de trouver une petite bio ou interview de David Walters, histoire d'en savoir davantage sur la "réformateur" et continuateur de la "Voie du Tigre".
Question traduction, le rendu est très bon (on se rappelle que j'avais marmonné ailleurs pour une autre VF), je n'ai trouvé aucun coquille, le style est précis et évocateur, nickel ! La traduction est signée Thomas Pereira & Mikaël Louys.
L'HISTOIRE / LE JEU
La réécriture menée par Dave Morris & David Walters a détaché le livre du cadre médiéval-fantastique pour le raccrocher à une fin de Moyen Âge / début Renaissance peuplée de monstres gothiques. Les créatures trop codées méd-fan ont été travesties : l'Elfe Archer du début devient une sorte de Mousquetaire, le Barbare est un Cosaque... Mais les illustrations sont inchangées, ce qui provoque une sorte de comique involontaire...
Les ajouts au jeu : un nouveau parcours différents à partir du milieu des Cryptes, et des personnages ou salles additionnelles par-ci par-là. Enfin une cuisine, par exemple, histoire de faire manger les monstres. La Bibliothèque et ses grimoires servent enfin à quelque chose dans l'histoire (une déception qui me restait de la V1). Les apparitions du Vampire au fil de l'aventure, ou de ses sbires qui surveillent la progression de l'aventurier, sont plus fréquentes. Le premier étage du château, vide dans la V1, gagne un tout petit peu en épaisseur dans la V2 : on y trouve un atelier de peintre abstrait. Il faut bien que les portraits de la galerie viennent de quelque part, non ? L'aventure reste courte et facile (voir la critique de Fitz ci-dessus) malgré le texte additionnel.
Le système de combat conserve ses spécificités :
1°) c'est simple, un seul jet de dés indique l'issue de l'assaut. Les duels se règlent en 3 ou 4 lancers sans modificateurs. J'aime.
2°) les gros monstres peuvent être vaincus par l'usage judicieux d'un objet du décor. Parfois avec ces astuces un peu enfantines qui donnent leur sel à la série, je trouve ! Utiliser le Pot de Poivre Noir sur un monstre invisible et taper là où ça fait « Atchoum »... Trouver du courage au fond du Bock de Bière pour affronter sans crainte un Revenant... Jeter un no-nosse au gentil Molosse à sa maman...
Si vous ne me croyez pas pour le côté enfantin, gentillet, naïf, rappelez-vous la couverture US des années 80...
Quelques trucs intéressants dans le déroulé de l'intrigue, là encore des choses simples mais étonnamment efficaces :
au moins deux possibilités de voyager dans le Temps. Le héros est ramené aux portes du château ou projeté dans le combat final.
le combat final, à exécuter à la manière bourrin (pour perdre, probablement) ou en finassant : on peut fuir et
Morris récidivera dans Le Dieu perdu, rappelez-vous
Et l'astuce qu'il a révélée récemment sur son blog, sur la manière de vaincre le Double du Miroir.
OBJETS
l'inventaire d'Hosanange s'est élargi, on peut lui acheter des potions et des gris-gris, l'or sert enfin à quelque chose !
l'objet le plus utile de tous semble être le
donné par Hosanange, mais il y en a un autre dans la dernière partie des Cryptes.
des objets servent de "jokers" dans diverses situations désespérées, mais ne servent qu'une fois :
IMPRECISIONS
Pistolet, balle... quid de la poudre ?
Le Cosaque/Barbare conserve une quantité impressionnante de bouffe (jusqu'à du Poivre Noir pour donner du goût et de la Bière pour faire passer tout ça) et on ne peut même pas manger pour regagner de l'ENDURANCE ? La tradition des Repas +4 END se perd...
Le PSI est supposé impossible à augmenter, mais on nous propose parfois de gagner +1 PSI alors qu'on n'en a pas perdu. J'ai considéré que le PSI (la sensibilité au surnaturel) pouvait augmenter et donc pris ces bonus.
ARRIERE-PLAN
Le background gagne en cohérence, les Ténébron deviennent une vraie famille :
la famille a désormais un blason, évoqué dans la dernière partie des Cryptes.
un prêcheur itinérant nous donne quelques infos sur les autres branches "saines" de la lignée, façon Rougon-Macquart.
le mausolée du premier Baron issu de la branche dévoyée, peut être visité. Donnant enfin un sens au titre français...
Par contre, la suppression de l'intro avant le 1 fait perdre un peu de sa saveur au début de l'histoire, si classique soit-elle : un soldat / aventurier / mercenaire fatigué, une nuit sans lune, un raccourci que jamais il ne trouva.... David Vincent les a vus, les Env...
En parlant arrière-plan, je n'avais jamais fait attention à quel point Le Tombeau du Vampire lorgnait du côté du Sorcier de la Montagne de Feu. Le Molosse de Feu avant le duel final // le Dragon avant Zagor). Le Vieillard à l'Echiquier // le Maître du Labyrinthe. L'intro de la V1 // l'intro du Sorcier. Normal : tout était largement à faire (en 1984), Le Sorcier était le prototype du genre ; difficile pour un nouvel auteur de s'en détacher dès son premier livre. Car comme Dave Morris le rappelle, c'est là son premier opus, après une période à jouer les petites mains dans le domaine du jeu vidéo et du JDR.
Trente ans après, c'est avec plaisir que j'ai reparcouru les couloirs et les cavernes sous le Château Ténébron, muni du plan d'Alnaro et d'une paire de dés - la même depuis le premier livre-jeu que j'aie lu.
Ah, que de souvenirs.
Promis, l'une de mes prochaines critiques sera sur une AVH bien de chez nous. Soit Nils Jacket soit Exil vers Kelan-Cha. Soit On verra bien mon gars !
La grisaille d'une après-midi d'hiver. Le vent qui siffle dans les arbres, sur les pans de la montagne. Une bibliothèque chichement éclairée par deux appliques. Sur le plateau de bois nu de la table de travail : une paire de dés et Le Tombeau du Vampire de Dave Morris, version 2.0.
Vous avez compris que je me mets dans l'ambiance avant de jouer...!
RETOUR VERS UNE MADELEINE DE PROUST
Ah, la série "Dragon d'Or" ! Le trait rond, naïf et pourtant puissant de Léo Hartas. Les intrigues simples, du donjon crawling basique avec des situations aisément dénouées, mais avec pourtant une capacité d'évocation qui laisse durablement des images dans la tête. Du patrimoine, quoi ! Le PDVELH de Xav&Fred m'a récemment convaincu de sauter le pas et de commander le tome revu par David Walters, avec 102 nouveaux paragraphes et (fin du fin) des illustrations colorisées.
L'OBJET LIVRE
Les images en couleurs de Léo Hartas m'ont soufflé. D'habitude je n'aime pas ce genre de retape ; mais là, elles gagnent un côté glauque (au propre comme au figuré : couleur vert-gris / ambiance sinistre) qui n'est pas sans rappeler l'image des films Hammer... plutôt caractérisée par le rouge si particulier du studio, dans ses films de vampires. La filiation est d'ailleurs revendiquée par Dave Morris dans une préface. Il nous éclaire sur les conditions de production des premiers livres-jeu, dans les années 80 (y compris la question des contrats et de l'argent). Laissez-moi vous dire qu'il envoie du bois, et que Games Workshop se prend quelques buches dans le mou au passage : un mythe qui tombe !
La préface rappelle que l'éditeur originel était Dragon Books, d'où (je suppose) le nom de la série "Dragon d'Or". On apprend aussi que l'un des tableaux de la galerie de portraits représentait le propre père de Léo Hartas (de là à dire que la femme qui apparaît sur un autre tableau, dans une des illustrations additionnelles, serait, serait... devinez !). J'ajoute que le Barbare du 237 ressemble furieusement à Schwarzie / Conan.
Le travail intérieur est du Megara nouvelle période. Travail soigné, à un important détail près : les illustrations sont souvent situées à la page qui suit le paragraphe illustré, au lieu d'être en vis-à-vis. Il aurait suffi d'une page blanche entre les règles et le 1 pour régler le problème. Ah, deuxième détail : l'illustration du combat final, étalée sur deux pages dans la V1 (quel choc à mon premier feuilletage du vieux livre, ce personnage qui plonge son regard dans le mien) est ici réduite sur une seule page. C'est dommage. Reste le côté ensorcelant de cette image colorisée ! Et le fait qu'ici, elle illustre l'avant-duel, plutôt que gaspillée pour illustrer un PFA (c'était le cas dans la V1).
Le fin du fun aurait été de trouver une petite bio ou interview de David Walters, histoire d'en savoir davantage sur la "réformateur" et continuateur de la "Voie du Tigre".
Question traduction, le rendu est très bon (on se rappelle que j'avais marmonné ailleurs pour une autre VF), je n'ai trouvé aucun coquille, le style est précis et évocateur, nickel ! La traduction est signée Thomas Pereira & Mikaël Louys.
L'HISTOIRE / LE JEU
La réécriture menée par Dave Morris & David Walters a détaché le livre du cadre médiéval-fantastique pour le raccrocher à une fin de Moyen Âge / début Renaissance peuplée de monstres gothiques. Les créatures trop codées méd-fan ont été travesties : l'Elfe Archer du début devient une sorte de Mousquetaire, le Barbare est un Cosaque... Mais les illustrations sont inchangées, ce qui provoque une sorte de comique involontaire...
Les ajouts au jeu : un nouveau parcours différents à partir du milieu des Cryptes, et des personnages ou salles additionnelles par-ci par-là. Enfin une cuisine, par exemple, histoire de faire manger les monstres. La Bibliothèque et ses grimoires servent enfin à quelque chose dans l'histoire (une déception qui me restait de la V1). Les apparitions du Vampire au fil de l'aventure, ou de ses sbires qui surveillent la progression de l'aventurier, sont plus fréquentes. Le premier étage du château, vide dans la V1, gagne un tout petit peu en épaisseur dans la V2 : on y trouve un atelier de peintre abstrait. Il faut bien que les portraits de la galerie viennent de quelque part, non ? L'aventure reste courte et facile (voir la critique de Fitz ci-dessus) malgré le texte additionnel.
Le système de combat conserve ses spécificités :
1°) c'est simple, un seul jet de dés indique l'issue de l'assaut. Les duels se règlent en 3 ou 4 lancers sans modificateurs. J'aime.
2°) les gros monstres peuvent être vaincus par l'usage judicieux d'un objet du décor. Parfois avec ces astuces un peu enfantines qui donnent leur sel à la série, je trouve ! Utiliser le Pot de Poivre Noir sur un monstre invisible et taper là où ça fait « Atchoum »... Trouver du courage au fond du Bock de Bière pour affronter sans crainte un Revenant... Jeter un no-nosse au gentil Molosse à sa maman...
Si vous ne me croyez pas pour le côté enfantin, gentillet, naïf, rappelez-vous la couverture US des années 80...
Quelques trucs intéressants dans le déroulé de l'intrigue, là encore des choses simples mais étonnamment efficaces :
au moins deux possibilités de voyager dans le Temps. Le héros est ramené aux portes du château ou projeté dans le combat final.
le combat final, à exécuter à la manière bourrin (pour perdre, probablement) ou en finassant : on peut fuir et
Morris récidivera dans Le Dieu perdu, rappelez-vous
OBJETS
l'inventaire d'Hosanange s'est élargi, on peut lui acheter des potions et des gris-gris, l'or sert enfin à quelque chose !
l'objet le plus utile de tous semble être le
des objets servent de "jokers" dans diverses situations désespérées, mais ne servent qu'une fois :
IMPRECISIONS
Pistolet, balle... quid de la poudre ?
Le Cosaque/Barbare conserve une quantité impressionnante de bouffe (jusqu'à du Poivre Noir pour donner du goût et de la Bière pour faire passer tout ça) et on ne peut même pas manger pour regagner de l'ENDURANCE ? La tradition des Repas +4 END se perd...
Le PSI est supposé impossible à augmenter, mais on nous propose parfois de gagner +1 PSI alors qu'on n'en a pas perdu. J'ai considéré que le PSI (la sensibilité au surnaturel) pouvait augmenter et donc pris ces bonus.
ARRIERE-PLAN
Le background gagne en cohérence, les Ténébron deviennent une vraie famille :
la famille a désormais un blason, évoqué dans la dernière partie des Cryptes.
un prêcheur itinérant nous donne quelques infos sur les autres branches "saines" de la lignée, façon Rougon-Macquart.
le mausolée du premier Baron issu de la branche dévoyée, peut être visité. Donnant enfin un sens au titre français...
Par contre, la suppression de l'intro avant le 1 fait perdre un peu de sa saveur au début de l'histoire, si classique soit-elle : un soldat / aventurier / mercenaire fatigué, une nuit sans lune, un raccourci que jamais il ne trouva.... David Vincent les a vus, les Env...
En parlant arrière-plan, je n'avais jamais fait attention à quel point Le Tombeau du Vampire lorgnait du côté du Sorcier de la Montagne de Feu. Le Molosse de Feu avant le duel final // le Dragon avant Zagor). Le Vieillard à l'Echiquier // le Maître du Labyrinthe. L'intro de la V1 // l'intro du Sorcier. Normal : tout était largement à faire (en 1984), Le Sorcier était le prototype du genre ; difficile pour un nouvel auteur de s'en détacher dès son premier livre. Car comme Dave Morris le rappelle, c'est là son premier opus, après une période à jouer les petites mains dans le domaine du jeu vidéo et du JDR.
Trente ans après, c'est avec plaisir que j'ai reparcouru les couloirs et les cavernes sous le Château Ténébron, muni du plan d'Alnaro et d'une paire de dés - la même depuis le premier livre-jeu que j'aie lu.
Ah, que de souvenirs.
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Promis, l'une de mes prochaines critiques sera sur une AVH bien de chez nous. Soit Nils Jacket soit Exil vers Kelan-Cha. Soit On verra bien mon gars !