07/03/2015, 22:21
je donne ici la critique du bloggeur Per Jorner, attendu qu’elle est meilleure que celle que j’aurais pu écrire moi-même. Per Jorner est l’auteur de romans de fantasy en suédois, je ne sais pas ce qu’ils valent et pour cause; il l’est aussi d’une assez intéressante AVH en anglais Mansion of Maleficence jouable en ligne et dont la traduction “Le Manoir aux Maléfices” fut le deuxième meilleur concurrent au yaz 2004; mais on n’avait pas inventé le yaz d’argent à l’époque. Il a aussi remporté le Windhammer 2009 avec The Bone Dogs. Je suis TRÈS loin d’être d’accord avec toutes ses critiques, mais celle-ci emporte mon adhésion. Je mettrai donc mes ajouts en italique.
Pour être exact, CELLES-CI emporteNT mon adhésion: la première est une critique de LDVH sur le modèle courant, la seconde une joyeuse parodie d’article universitaire.
La seule chose que je lui reprocherais, c’est sa passion excessive pour les pingouins.
• Voici le premier et unique DF de pirates, à moins de compter quelques apparitions épisodiques ( L’ïle du Roi Lézard et surtout Les Démons des Profondeurs ) [ ici une allusion à Bloodbones qui était encore dans les limbes à ce moment ]. De façon appropriée, le monde évoque plus la Méditerranée antique et les 1001 Nuits que les Antilles au 17° siècle. Vous jouez un capitaine de pirates qui vient de faire un pari à qui pillera le plus, et qui s’en va faire ce qu’il sait faire de mieux ( on présume ). J’ajoute que Chapman n’entendait pas placer le livre sur Titan mais dans un monde de sa création; il a écrit plusieurs romans qui s’y déroulent dont Ashkar the Magnificent où le capitaine de la Banshee/Terrifiante est un des deux méchants. Il s’appelle Starg, il porte une cape en peau humaine et tue ses marins quand ils violent des prisonnières vierges parce que les esclaves vierges se vendent beaucoup plus cher. Ça manque dans ce LDVH, je trouve.
Il y a de nouvelles règles pour gérer votre équipage, avec des valeurs de Combativité et de Force. C’est assez difficile de comprendre à quoi elles correspondent, vu qu’apparemment toutes deux sont des mesures abstraites de la qualité et du moral de l’équipage. La Force descend quand vous prenez des pertes et remonte quand vous engagez de nouveaux marins ( ou que vous trouvez de l’alcool ! ). La Combativité, en revanche, ne change jamais même quand il ne vous reste que quelques points de Force; le commandement et l’entraînement comptent plus que le nombre, il faut croire. NB la différence entre combats individuels et batailles à grande échelle: votre équipage ne peut Fuir qu’en remportant d’abord un assaut. Mais bon, qui est-ce qui Fuit dans ces livres ?
La règle de restauration de l’Endurance avec le temps qui passe est franchement ambigüe. On peut comprendre qu’on regagne 1 point d’Endurance par jour - mais on peut comprendre aussi qu’il faut sacrifier un jour pour récupérer 1 point d’Endurance et qu’on ne regagne rien si on voyage. La deuxième version rendant le livre ingagnable vu les contraintes de temps, je m’en suis tenu à la première.
Je dirai tout de suite que je n’ai pas trouvé Défis Sanglants particulièrement fascinant ou excitant. Les événements se succèdent souvent de façon aléatoire, schématique ou mécanique, et les différents niveaux de construction conspirent à faire de vous tout autre chose qu’un des plus grands pirates, renommé et plein de ressources. Par exemple…
- Il y a de très nombreuses chasses au dahu et autres endroits où vous ne trouvez que la mort, ou rien. C’est peut-être réaliste, mais ça ne motive pas. Cette aventure est une chasse au trésor: triompher d’obstacles importants ou utiliser un objet pour ne rien gagner est tout simplement décevant. De petites choses comme une perle cachée sous un rocher donneraient au joueur un sentiment de succès de temps à autre ( il y a bien un anneau au §320, mais il est semble dépourvu de valeur marchande )
- Explorez, et vous serez presque toujours puni. Les joueurs de LDVH sont conditionnés à tirer des leviers, ouvrir des trappes etc et Chapman exploite ce trait pour les massacrer encore et encore. Beaucoup d’échecs sont excessivement sévères, imprévisibles ou même ridicules, faisant passer votre personnage et son équipage pour des idiots. Je compte 40 PFAs sans même inclure la défaite par manque d’or ou par retard; soit 1/10° du total des paragraphes.
- Selon moi, un livre qui demande beaucoup de gestion doit infliger peu de morts subites, parce que cela revient à un dans ta face au lecteur. Défis Sanglants est agaçant. En raison de sa difficulté, vous jouerez de nombreuses parties où vous amasserez de l’or et des esclaves avant de mourir sans savoir si vous vous débrouilliez bien ou non. Trouver de nouveaux butins est une satisfaction, mais en retrouver qu’on connaissait déjà ne signifie rien: vous devrez probablement gommer votre feuille d’aventure dans quelques paragraphes… Et cependant il y a peu de choix de négliger un lieu pour aller vers des endroits inexplorés.
- Il est vital d’avoir de bons scores de départ. Peut-être survivrez vous avec 10 en habileté, mais 11 en Combativité est un minimum vu qu’il y a plusieurs adversaires de valeur 9 ou 10 devant qui vous ne pouvez pas vous permettre de perdre plus de quelques points de Force. Comme il vous faut un bon total de Force à la fin pour espérer gagner, si votre total de départ est bas vous avez déjà perdu. Même avec avec de bons totaux un mauvais test d’Habileté, de Chance ou de Force d’Équipage peut vous coûter la partie.
- Le temps et la distance sont quelque peu aléatoires. Il y a deux endroits où vous passez des jours à remonter un fleuve et où le descendre se fait instantanément. Aller à Shurrupak prend autant de temps que vous passiez par l’est ou par l’ouest de l’Île des Volcans. Au 238, si vous « mettez le cap au large vers l’île de Nippour » au lieu de caboter il vous faut deux jours de plus pour vous y rendre.
C’est triste à dire, mais ce n’est pas que du point de vue technique que Défis Sanglants déçoit: il est mal écrit. Son style est terne, il ne montre ni imagination ni cohérence, et de nombreuses occasions de faire quelque chose de bien ont été perdues. Par exemple…
- Vous n’avez pas la moindre idée de ce qui vous attend dans la plupart des endroits où vous vous rendez. Mais pourquoi ? Pourquoi devriez-vous ignorer s’il y a ou non des villes au-delà des Rivières de la Mort ? Pourquoi ne savez-vous pas qui règne sur Trysta ? Pourquoi n’avez-vous pas, au moins, une idée de ce qu’on peut trouver sur les plus grandes îles de la Mer du Sud ? Aux dernières nouvelles, ça fait des années que vous pillez cette région.
- On vous donne à un endroit le choix de tirer des flèches enflammées sur le monastère. Bon. Si vous n’en faites rien, jugeant que cela interférerait avec le pillage, ou si le choix n’a pas été offert, vos hommes brûlent tout de toute façon et vous perdez le gros du butin espéré. Dites, cet équipage, vous l’avez trouvé où ?
- Vous grimpez en haut d’un volcan jusqu’au nid du Roc fabuleux. Qu’y trouvez-vous ? Des bébés rocs ? Des squelettes d’éléphants avec leurs défenses ? Des rubis de la taille de melons ? Des melons de la taille de pamplemousses ? Non, l’entrée d’un mini-donjon bien nul.
- Vous et votre équipage livrez un combat titanesque contre une créature terrifiante. Vous le remportez, et le paragraphe suivant c’est « vous dirigez-vous vers X ou vers Y ? » Pas UN mot pour décrire notre victoire ou évoquer ses conséquences.
- Une fois arrivé à Nippur, on doit gravir la montagne au sommet de laquelle Abdul est censé nous attendre. Et là il faut affronter un cyclope pour franchir un mur. Mais pourquoi ? C’est quoi, ce mur ? Qui l’a bâti ? Pourquoi ne pouvez-vous pas attendre Abdul sur la plage ? Pas de réponse. J’ajoute ma question : Et Abdul, il a dû battre un autre cyclope pour monter ?
- Quand vous avez fini de compter l’or, le résultat c’est « Abdul pleure. Vous avez gagné. » ou « Abdul rigole. Vous avez perdu. » Bleh.
Au niveau des points positifs, rien de très marquant, en fait. La couverture est cool. Il y a un moyen d’améliorer votre Combativité initiale que je trouve un peu amusant. Le combat contre le Cyclope est une idée correcte et assez excitante la première fois, même si je ne pense pas qu’il vale 32 paragraphes; comme beaucoup d’autres rencontres, il aurait pu être vraiment bien s’il avait été mis en scène et traité avec couleur et vigueur ( le combat contre les 7 chats est une autre bonne idée insuffisamment exploitée ).
Je pense que le concept de base, la grande chasse au butin, est bon. Mais puisqu’on cherche de l’or en général et non tel ou tel trésor en particulier, il aurait fallu permettre de nombreux chemins vers la victoire; là le livre devient dans la pratique une quête à tels et tels trésors en particulier, et sa solution tourne au problème de maths.
En fait, c’est assez incroyable que nous soyons un des deux meilleurs pirates de notre époque vu la nullité de notre équipage et notre tendance marquée à périr d’une mort honteuse. C’est Abdul qui mérite ce titre – LUI arrive toujours à Nippur, avec de l’avance sur nous et des masses de butin ! ( ou alors il nous a honteusement trompé en cachant son trésor sur Nippur à l’avance… ). Un point de la note pour l’idée et zéro pour les pingouins vu qu’il n’y en a pas un seul. On a un énorme iceberg où on pourrait les disposer, mais nooon, pas question d’inclure des oiseaux antarctiques pour ajouter un peu d’intérêt à une histoire barbante.
Per Jorner donnait 4/10 ( et il serait allé jusqu’à 8 s’il y avait eu des pingouins ), c’est à mon sens une indulgence coupable et qui contredit le sens de la critique, à savoir que ce LDVH n’est qu’une triste bouse. Je mets, fermement, 2/20
Maintenant, la critique pour montrer aux universitaires que les LDVH sont un sujet sérieux.
Quand Défis atteignit les étals des libraires, les Défis Fatastiques en tant que série traversaient une quête purgatorienne de leur soi intégral que l’on peut aisément identifier avec le recul ( l’enchaînement des n° 8-12-14-23 étant à la fois un des plus évidents et des plus éloquents; pour une première discussion de ce phénomène, voyez mon article sur ce sujet [1] ). Les influences modernistes tardives de l’école allemande déclinaient alors dans les cercles de la mode contemporaine au profit d’une prise de conscience croissante de la perception et du pouvoir comme les fondamentaux sous-jacents du processus historique. Entrèrent alors en scène Andrew Chapman et son épopée quasi-épique, solidement bâtie sur un terreau homérique et arrosée de plus d’une allusion à l’Iliade, qui devait bientôt être reconnue comme la pierre d’aimant de son époque à laquelle toutes les tentatives ultérieures de la même veine pourraient être comparées si on s’en sentait l’inclination.
D’un côté, certains n’ont pas dit que les batailles de Défis Sanglants sur l'Océan sont trop dures, et de l’autre, d’autres n’ont pas nié qu’elles soient trop faciles. Je tends à croire que les deux groupes ont raison, même si nous contemplons là deux paradigmes incongruents. Quant à la Chance, je n’aime pas l’usage que Chapman en a fait, même si je puis sympathiser avec son essai multidirectionnel tel qu’il se manifeste dans la progression linéaire des thêmes [2]. L’eau, sous toutes ses formes ( à l’exception des non-fluides ), porte le sous-texte essentiel dans l’ensemble de l’œuvre.
Cette fois, gagner requiert non seulement la chance et le courage du héros ordinaire de cape et d’épée, mais également une déstructuration de l’abnégation inhérente au leadership naval et à l’usage des armes ( à ne pas confondre avec la novélisation du Mercenaire de l’Espace par Banks ). Le milieu du livre suce des lapins morts à travers une paille. La fin équivaut à une apothéose voilée en termes du choc entre l’idéal et l’ordinaire, seulement déparé par une absence profonde ( évidente, et donc prégnante de symbolisme ) de pingouins. C’est dommage, parce qu’une horde de pingouins équipés de bandeaux sur l’œil, de coutelas et d’adorables petites barques montant à l’abordage, ça aurait vraiment été drôle, d’une façon terrifiante ( et postmoderne ). Nul autre DF à ma connaissance n’a jamais relevé le non-sujet des pingouins sur Titan par la suite.
Petites notes érudites : le §127 représente évidemment la lie de la coupe de la pensée néoscolastique asséchée par Popper, et je ne commenterai pas davantage ce qui est assez éloquent en soi. Plus réjouissant, le progrès rythmique des paragraphes qui marque certaines séquences comme particulièrement signifiantes, une technique que les auteurs ultérieurs n’utiliseraient pas avec autant d’effet ; si une reconnaissance des schémas patriarcaux de la création de jeux est naturellement un premier pas, percevoir et permuter restent deux verbes différents ( mais voyez [3] pour une discussion des chemins possibles pour sortir de ce dilemme). Les dessins sont pas mal, je suppose.
Je laisse la biographie en anglais puisqu’après tout ces ouvrages n’ont jamais été traduits
[1] Jorner, P, 1985, "Intersubstantialism in Mid-early FF: What Is Lost to Us and Do We Care ?", Warlock 4, pp16-17.
[2] Ibid.
[3] Jorner, P, 1986, "Orcs and Contextual Latency", Warlock 9, pp 36-38.
Également recommandés:
Jorner, P, 1991, "Bipolar X-ray Refraction in Scintillating Media (and Orcs)", Nature vol. 471, p 966.
Xcrypowizc, G (trans. A. Edenbaum), 1965, "What Is Up with Homer and the Words "Turn to" Anyway", Birmingham.
Granger, J, 1971, "No Evidence for Neolithic Game Books and Prof. Xcrypowizc Is a Big Fat Jerk", Monthly Notes of the Archaeological Society (Aug), p 4.
Pour être exact, CELLES-CI emporteNT mon adhésion: la première est une critique de LDVH sur le modèle courant, la seconde une joyeuse parodie d’article universitaire.
La seule chose que je lui reprocherais, c’est sa passion excessive pour les pingouins.
• Voici le premier et unique DF de pirates, à moins de compter quelques apparitions épisodiques ( L’ïle du Roi Lézard et surtout Les Démons des Profondeurs ) [ ici une allusion à Bloodbones qui était encore dans les limbes à ce moment ]. De façon appropriée, le monde évoque plus la Méditerranée antique et les 1001 Nuits que les Antilles au 17° siècle. Vous jouez un capitaine de pirates qui vient de faire un pari à qui pillera le plus, et qui s’en va faire ce qu’il sait faire de mieux ( on présume ). J’ajoute que Chapman n’entendait pas placer le livre sur Titan mais dans un monde de sa création; il a écrit plusieurs romans qui s’y déroulent dont Ashkar the Magnificent où le capitaine de la Banshee/Terrifiante est un des deux méchants. Il s’appelle Starg, il porte une cape en peau humaine et tue ses marins quand ils violent des prisonnières vierges parce que les esclaves vierges se vendent beaucoup plus cher. Ça manque dans ce LDVH, je trouve.
Il y a de nouvelles règles pour gérer votre équipage, avec des valeurs de Combativité et de Force. C’est assez difficile de comprendre à quoi elles correspondent, vu qu’apparemment toutes deux sont des mesures abstraites de la qualité et du moral de l’équipage. La Force descend quand vous prenez des pertes et remonte quand vous engagez de nouveaux marins ( ou que vous trouvez de l’alcool ! ). La Combativité, en revanche, ne change jamais même quand il ne vous reste que quelques points de Force; le commandement et l’entraînement comptent plus que le nombre, il faut croire. NB la différence entre combats individuels et batailles à grande échelle: votre équipage ne peut Fuir qu’en remportant d’abord un assaut. Mais bon, qui est-ce qui Fuit dans ces livres ?
La règle de restauration de l’Endurance avec le temps qui passe est franchement ambigüe. On peut comprendre qu’on regagne 1 point d’Endurance par jour - mais on peut comprendre aussi qu’il faut sacrifier un jour pour récupérer 1 point d’Endurance et qu’on ne regagne rien si on voyage. La deuxième version rendant le livre ingagnable vu les contraintes de temps, je m’en suis tenu à la première.
Je dirai tout de suite que je n’ai pas trouvé Défis Sanglants particulièrement fascinant ou excitant. Les événements se succèdent souvent de façon aléatoire, schématique ou mécanique, et les différents niveaux de construction conspirent à faire de vous tout autre chose qu’un des plus grands pirates, renommé et plein de ressources. Par exemple…
- Il y a de très nombreuses chasses au dahu et autres endroits où vous ne trouvez que la mort, ou rien. C’est peut-être réaliste, mais ça ne motive pas. Cette aventure est une chasse au trésor: triompher d’obstacles importants ou utiliser un objet pour ne rien gagner est tout simplement décevant. De petites choses comme une perle cachée sous un rocher donneraient au joueur un sentiment de succès de temps à autre ( il y a bien un anneau au §320, mais il est semble dépourvu de valeur marchande )
- Explorez, et vous serez presque toujours puni. Les joueurs de LDVH sont conditionnés à tirer des leviers, ouvrir des trappes etc et Chapman exploite ce trait pour les massacrer encore et encore. Beaucoup d’échecs sont excessivement sévères, imprévisibles ou même ridicules, faisant passer votre personnage et son équipage pour des idiots. Je compte 40 PFAs sans même inclure la défaite par manque d’or ou par retard; soit 1/10° du total des paragraphes.
- Selon moi, un livre qui demande beaucoup de gestion doit infliger peu de morts subites, parce que cela revient à un dans ta face au lecteur. Défis Sanglants est agaçant. En raison de sa difficulté, vous jouerez de nombreuses parties où vous amasserez de l’or et des esclaves avant de mourir sans savoir si vous vous débrouilliez bien ou non. Trouver de nouveaux butins est une satisfaction, mais en retrouver qu’on connaissait déjà ne signifie rien: vous devrez probablement gommer votre feuille d’aventure dans quelques paragraphes… Et cependant il y a peu de choix de négliger un lieu pour aller vers des endroits inexplorés.
- Il est vital d’avoir de bons scores de départ. Peut-être survivrez vous avec 10 en habileté, mais 11 en Combativité est un minimum vu qu’il y a plusieurs adversaires de valeur 9 ou 10 devant qui vous ne pouvez pas vous permettre de perdre plus de quelques points de Force. Comme il vous faut un bon total de Force à la fin pour espérer gagner, si votre total de départ est bas vous avez déjà perdu. Même avec avec de bons totaux un mauvais test d’Habileté, de Chance ou de Force d’Équipage peut vous coûter la partie.
- Le temps et la distance sont quelque peu aléatoires. Il y a deux endroits où vous passez des jours à remonter un fleuve et où le descendre se fait instantanément. Aller à Shurrupak prend autant de temps que vous passiez par l’est ou par l’ouest de l’Île des Volcans. Au 238, si vous « mettez le cap au large vers l’île de Nippour » au lieu de caboter il vous faut deux jours de plus pour vous y rendre.
C’est triste à dire, mais ce n’est pas que du point de vue technique que Défis Sanglants déçoit: il est mal écrit. Son style est terne, il ne montre ni imagination ni cohérence, et de nombreuses occasions de faire quelque chose de bien ont été perdues. Par exemple…
- Vous n’avez pas la moindre idée de ce qui vous attend dans la plupart des endroits où vous vous rendez. Mais pourquoi ? Pourquoi devriez-vous ignorer s’il y a ou non des villes au-delà des Rivières de la Mort ? Pourquoi ne savez-vous pas qui règne sur Trysta ? Pourquoi n’avez-vous pas, au moins, une idée de ce qu’on peut trouver sur les plus grandes îles de la Mer du Sud ? Aux dernières nouvelles, ça fait des années que vous pillez cette région.
- On vous donne à un endroit le choix de tirer des flèches enflammées sur le monastère. Bon. Si vous n’en faites rien, jugeant que cela interférerait avec le pillage, ou si le choix n’a pas été offert, vos hommes brûlent tout de toute façon et vous perdez le gros du butin espéré. Dites, cet équipage, vous l’avez trouvé où ?
- Vous grimpez en haut d’un volcan jusqu’au nid du Roc fabuleux. Qu’y trouvez-vous ? Des bébés rocs ? Des squelettes d’éléphants avec leurs défenses ? Des rubis de la taille de melons ? Des melons de la taille de pamplemousses ? Non, l’entrée d’un mini-donjon bien nul.
- Vous et votre équipage livrez un combat titanesque contre une créature terrifiante. Vous le remportez, et le paragraphe suivant c’est « vous dirigez-vous vers X ou vers Y ? » Pas UN mot pour décrire notre victoire ou évoquer ses conséquences.
- Une fois arrivé à Nippur, on doit gravir la montagne au sommet de laquelle Abdul est censé nous attendre. Et là il faut affronter un cyclope pour franchir un mur. Mais pourquoi ? C’est quoi, ce mur ? Qui l’a bâti ? Pourquoi ne pouvez-vous pas attendre Abdul sur la plage ? Pas de réponse. J’ajoute ma question : Et Abdul, il a dû battre un autre cyclope pour monter ?
- Quand vous avez fini de compter l’or, le résultat c’est « Abdul pleure. Vous avez gagné. » ou « Abdul rigole. Vous avez perdu. » Bleh.
Au niveau des points positifs, rien de très marquant, en fait. La couverture est cool. Il y a un moyen d’améliorer votre Combativité initiale que je trouve un peu amusant. Le combat contre le Cyclope est une idée correcte et assez excitante la première fois, même si je ne pense pas qu’il vale 32 paragraphes; comme beaucoup d’autres rencontres, il aurait pu être vraiment bien s’il avait été mis en scène et traité avec couleur et vigueur ( le combat contre les 7 chats est une autre bonne idée insuffisamment exploitée ).
Je pense que le concept de base, la grande chasse au butin, est bon. Mais puisqu’on cherche de l’or en général et non tel ou tel trésor en particulier, il aurait fallu permettre de nombreux chemins vers la victoire; là le livre devient dans la pratique une quête à tels et tels trésors en particulier, et sa solution tourne au problème de maths.
En fait, c’est assez incroyable que nous soyons un des deux meilleurs pirates de notre époque vu la nullité de notre équipage et notre tendance marquée à périr d’une mort honteuse. C’est Abdul qui mérite ce titre – LUI arrive toujours à Nippur, avec de l’avance sur nous et des masses de butin ! ( ou alors il nous a honteusement trompé en cachant son trésor sur Nippur à l’avance… ). Un point de la note pour l’idée et zéro pour les pingouins vu qu’il n’y en a pas un seul. On a un énorme iceberg où on pourrait les disposer, mais nooon, pas question d’inclure des oiseaux antarctiques pour ajouter un peu d’intérêt à une histoire barbante.
Per Jorner donnait 4/10 ( et il serait allé jusqu’à 8 s’il y avait eu des pingouins ), c’est à mon sens une indulgence coupable et qui contredit le sens de la critique, à savoir que ce LDVH n’est qu’une triste bouse. Je mets, fermement, 2/20
Maintenant, la critique pour montrer aux universitaires que les LDVH sont un sujet sérieux.
Quand Défis atteignit les étals des libraires, les Défis Fatastiques en tant que série traversaient une quête purgatorienne de leur soi intégral que l’on peut aisément identifier avec le recul ( l’enchaînement des n° 8-12-14-23 étant à la fois un des plus évidents et des plus éloquents; pour une première discussion de ce phénomène, voyez mon article sur ce sujet [1] ). Les influences modernistes tardives de l’école allemande déclinaient alors dans les cercles de la mode contemporaine au profit d’une prise de conscience croissante de la perception et du pouvoir comme les fondamentaux sous-jacents du processus historique. Entrèrent alors en scène Andrew Chapman et son épopée quasi-épique, solidement bâtie sur un terreau homérique et arrosée de plus d’une allusion à l’Iliade, qui devait bientôt être reconnue comme la pierre d’aimant de son époque à laquelle toutes les tentatives ultérieures de la même veine pourraient être comparées si on s’en sentait l’inclination.
D’un côté, certains n’ont pas dit que les batailles de Défis Sanglants sur l'Océan sont trop dures, et de l’autre, d’autres n’ont pas nié qu’elles soient trop faciles. Je tends à croire que les deux groupes ont raison, même si nous contemplons là deux paradigmes incongruents. Quant à la Chance, je n’aime pas l’usage que Chapman en a fait, même si je puis sympathiser avec son essai multidirectionnel tel qu’il se manifeste dans la progression linéaire des thêmes [2]. L’eau, sous toutes ses formes ( à l’exception des non-fluides ), porte le sous-texte essentiel dans l’ensemble de l’œuvre.
Cette fois, gagner requiert non seulement la chance et le courage du héros ordinaire de cape et d’épée, mais également une déstructuration de l’abnégation inhérente au leadership naval et à l’usage des armes ( à ne pas confondre avec la novélisation du Mercenaire de l’Espace par Banks ). Le milieu du livre suce des lapins morts à travers une paille. La fin équivaut à une apothéose voilée en termes du choc entre l’idéal et l’ordinaire, seulement déparé par une absence profonde ( évidente, et donc prégnante de symbolisme ) de pingouins. C’est dommage, parce qu’une horde de pingouins équipés de bandeaux sur l’œil, de coutelas et d’adorables petites barques montant à l’abordage, ça aurait vraiment été drôle, d’une façon terrifiante ( et postmoderne ). Nul autre DF à ma connaissance n’a jamais relevé le non-sujet des pingouins sur Titan par la suite.
Petites notes érudites : le §127 représente évidemment la lie de la coupe de la pensée néoscolastique asséchée par Popper, et je ne commenterai pas davantage ce qui est assez éloquent en soi. Plus réjouissant, le progrès rythmique des paragraphes qui marque certaines séquences comme particulièrement signifiantes, une technique que les auteurs ultérieurs n’utiliseraient pas avec autant d’effet ; si une reconnaissance des schémas patriarcaux de la création de jeux est naturellement un premier pas, percevoir et permuter restent deux verbes différents ( mais voyez [3] pour une discussion des chemins possibles pour sortir de ce dilemme). Les dessins sont pas mal, je suppose.
Je laisse la biographie en anglais puisqu’après tout ces ouvrages n’ont jamais été traduits
[1] Jorner, P, 1985, "Intersubstantialism in Mid-early FF: What Is Lost to Us and Do We Care ?", Warlock 4, pp16-17.
[2] Ibid.
[3] Jorner, P, 1986, "Orcs and Contextual Latency", Warlock 9, pp 36-38.
Également recommandés:
Jorner, P, 1991, "Bipolar X-ray Refraction in Scintillating Media (and Orcs)", Nature vol. 471, p 966.
Xcrypowizc, G (trans. A. Edenbaum), 1965, "What Is Up with Homer and the Words "Turn to" Anyway", Birmingham.
Granger, J, 1971, "No Evidence for Neolithic Game Books and Prof. Xcrypowizc Is a Big Fat Jerk", Monthly Notes of the Archaeological Society (Aug), p 4.
" Ashimbabbar m'a donné une dague et une épée et m'a dit
: Transperces-en ton corps; elles furent forgées pour toi."
Poème d'Enheduanna
: Transperces-en ton corps; elles furent forgées pour toi."
Poème d'Enheduanna