[Portes Interdites 2] Terreur Hors du Temps
#10
Ce livre est la suite directe de l'Horreur dans la Vallée et en constitue un prolongement très étoffé qui explique bien des choses s'étant déroulées dans cette première aventure. Nous apprenons ainsi au fur et à mesure de ce LDVELH que le pyramidion caché dans l'Astrosaure ne s'y trouvait pas par hasard, qu'un agent des Forces du Mal, le baron Ausbach, se trouvait dans la vallée maudite en même temps que nous pour le rechercher, que les Forces du Mal sont en fait des divinités très
anciennes qui rappellent furieusement le panthéon monstrueux de Lovecraft... Si le tome 1 suggérait une influence du jeu de rôle l'Appel de Cthulhu chez les auteurs, ce second volet ne le confirme qu'avec encore plus de force. Les dieux maléfiques sont calqués (le Wendigo pour Ithaqa, Thet pour Nyarlathotep, etc...), l'aventure baigne dans une ambiance Egypte antique avec entre autres une pyramide souillée qui rappelle l'avatar de Nyarlathotep du Pharaon Noir, l'utilisation des nombreux objets magiques qui fait perdre de la Résistance Mentale... Ces références ressemblent cependant plus à un hommage de passionnés qu'à un manque d'inspiration, le bestiaire varié est d'ailleurs très différent de celui des nouvelles de Lovecraft.
Il en ressort au final une ambiance réussie, où le héros se retrouve confronté à des puissances infernales qui le dépassent. À partir d'un postulat de départ minimaliste (un vol puis une enquête), nous devenons l'ultime rempart de l'humanité contre une déesse destructrice et devons utiliser contre elle ses propres armes tout en sollicitant l'aide d'un dieu gardien bienveillant. C'est cette
mise en abîme qui ma le plus fortement impressionné, on n'agit plus à l'aveuglette comme dans le premier tome mais on bénéficie au contraire des explications régulières de notre vieil ami Petri-Smith, d'un autre allié humain inattendu au service des forces du bien puis, pour finir, de
celles d'un dieu protecteur. Notre ennemi récurrent contribue également à bien ancrer ce scénario assez complexe. Il est intelligent contrairement aux monstres ou mutants de la vallée, nous parle, nous défie, se gausse de nous tout en nous révélant ses projets. Ce jeu du chat et de la souris avec lui est un fil rouge qui contribue à rendre l'aventure plutôt passionnante. Nous avons également la possibilité de trouver et de consulter pas mal de documents écrits qui nous apportent des indices concernant les enjeux et les protagonistes.
L'aventure m'a évoqué une sorte de mission à la Indiana Jones métissée de surnaturel. Années 30, courses-poursuites, péripéties en avion, voyage en dirigeable, ennemi autrichien, visite de l'Egypte mais aussi créatures monstrueuses, expériences nécromantiques, objets maudits et magiques de l'époque des pharaons et enfin, passage dans une autre dimension. Tout ça est ambitieux, de haute volée mais malheureusement pas exempt de reproches.
Les transitions sont parfois abruptes ou sibyllines. Le pire étant celle du dirigeable au repaire d'Ausbach : quoique l'on fasse, que l'on réussisse à vaincre notre ennemi ou au contraire que l'on perde la partie, on se retrouve prisonnier on ne sait trop comment. Mais pas pour longtemps puisque l'on s'évade aisément et qu'on peut aussitôt retrouver le baron pour déjouer ses plans. Incompréhension totale pour ma part : pourquoi ne nous a-t-il pas tué? S'il nous voulait en vie, pourquoi ne pas nous avoir incarcéré sans possibilité de fuir? J'ai trouvé cette scène vraiment abusée, elle casse la crédibilité de l'ensemble qui jusque alors se tenait bien. Mais en plus des motivations douteuses du baron à notre égard, c'est l'enchaînement qui est maladroit et qui apporte pas mal de confusion au lecteur. Déjà que l'on passe trop rapidement de séquence en séquence. La construction même de l'aventure casse la bonne ambiance. Tout n'est qu'une suite de scènes développées, chacune très intéressante, mais les liaisons entre elles sans choix à faire et avec deux ou trois paragraphes successifs où Petri-Smith explique la suite des hostilités cassent le
rythme. Scène 1 : le musée - explications - Scène 2 : l'effraction dans la maison de campagne - explications - Scène 3 : l'avion, le dirigeable puis l'emprisonnement - explications - Scène 4 et enfin sans interruption : le dénouement dans les profondeurs de la pyramide.
Tout ça paraît très linéaire et pourtant, l'aventure est très agréable à refaire. Chaque combat est intéressant à jouer grâce aux nombreuses possibilités tactiques qui mangent un grand nombre de paragraphes mais qui sont à mes yeux les plus vivants que je connaisse dans les LDVELH
(encore plus que ceux de la Voie du Tigre). Hormis le tout départ dans le musée où les choix directionnels sont en trompe-l'oeil, il existe plusieurs passages à visiter comme dans la maison de campagne ou dans la pyramide. On a l'impression de progresser à chaque tentative car certains choix très judicieux permettent de se sortir facilement de certains combats ou d'éviter les pièges. Malheureusement, on reste trop tributaire du hasard et l'aventure est injustement difficile puisqu'on
perd trop souvent à cause d'un mauvais lancer de dés et non pas suite à un mauvais choix. Même si l'on oublie un MAT dans l'avion (test de Dextérité mortel), les adversaires sont si nombreux et certains si dangereux qu'on ne peut pas espérer terminer sans une Force correcte, un très bon Psychisme et une Dextérité maximale. C'est toujours dommage quand on est pris dans une aventure haletante de devoir arrêter parce qu'on a manqué de chance en tirant les caractéristiques initiales.
Cette mauvaise gestion du hasard et cette structure de l'histoire aux enchaînements approximatifs cassent la qualité globale du livre-jeu qui aurait sinon été excellent, pourvu qu'on adhère à ce genre d'histoire fantastique et baroque. Si l'on est fan de l'Appel de Cthulhu (ou de la pioche de Nyarlathotep ou du tamis de Shub-Niggurath Flèche), c'est encore mieux. Malgré le style moyen et les descriptions sans prétention, j'apprécie aussi la capacité des auteurs à procurer de la tension dans
certaines séquences où le temps semble s'écouler plus lentement. La visite nocturne dans la maison de campagne est ainsi très prenante, surtout si l'on croise le domestique. La scène dans l'avion est très marquante également. Enfin, la dernière partie qui ressemble plus à de l'aventure classique telle qu'on la connaît dans les LDVELH habituels avec son lot de combats, d'objets à récupérer, de pièges à déclencher est réussie. Quant au final contre Ausbach et sa déesse, je l'ai trouvé très bon.
Pour conclure sur une note plus légère, le tout dernier paragraphe m'a bien amusé. Vers le milieu de l'aventure, on a la possibilité de se retrouver sous l'effet d'une substance chimique qui nous fait perdre 2 points d'Endurance chaque fois que l'on arrive à un paragraphe suivi d'une astérisque. Hors, le 375 qui est le paragraphe victorieux est suivi d'une astérisque. Si ce c'est pas ce qu'on appelle du cynisme...
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[Portes Interdites] Terreur hors du Temps - par Fitz - 23/05/2012, 21:02



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