[Chroniques Crétoises 2] Le Labyrinthe du Roi Minos
#1
Trois auteurs sont mentionnés pour la série Chroniques Crétoises mais j'en suis à me demander si ce n'est pas un écrivain différent qui s'est chargé de chacun des épisodes. Ce deuxième volet est si différent du premier, tant au niveau du style littéraire, de la structure, du scénario, de la jouabilité que j'en suis presque persuadé. La relecture du troisième me le confirmera... ou non. Pour résumer l'histoire de celui-ci, il s'agit de la suite directe du premier chapitre qui nous voit arriver en Crète, officiellement pour négocier avec le roi Minos l'arrêt du traité sanglant qui voit les Athéniens envoyer chaque année en pâture au minotaure 14 jeunes gens, officieusement pour tuer le monstre du labyrinthe et repartir avec Ariane dans l'intention de l'épouser et d'avoir ainsi une possibilité de monter sur le trône de Crète en cas de succession au roi Minos. Mais deux factions politiques se déchirent à la cour de Knossos et il va falloir survivre à ces intrigues, entrer dans le dédale puis tuer la bête.
Si la Vengeance d'Althéos était agréable à lire pour son ambiance méditerranéenne et ses descriptions parfois bucoliques, le plaisir du jeu était encore plus grand, très équilibré et avec de nombreux chemins victorieux possibles. Ici c'est plutôt l'inverse. Le style est encore meilleur et très différent avec peu de descriptions physiques mais un accent mis sur les personnages, leur apparence mais surtout leur psychologie, à un point très rarement atteint dans les LDVELH. On trouve dans le texte presque plus de dialogues que de narration, c'est assez étonnant. D'autant plus que ceux-ci sont très bien écrits, sonnent très juste et que les différents protagonistes ont des attitudes, un sens de la répartie et une pertinence qui dénotent beaucoup de maturité de la part de l'auteur et dans le ton général du bouquin. Si l'on devait établir une sélection des LDVELH Gallimard les plus adaptés pour des adultes, celui-ci serait sans doute en tête de liste. Quel dommage que ça n'aille pas encore plus loin dans le machiavélisme, la cruauté et l'érotisme (même s'il est omniprésent bien que seulement à demi-mot) mais la collection Folio Junior a peut-être été la cause de coupes franches (je n'en sais rien).
La structure de l'histoire n'a également rien à voir avec le premier chapitre où nous pouvions sillonner la Grèce de maintes façons en vivant tout un tas d'aventures héroïques. Je trouve que la structure est ici le gros point faible du livre. Dans l'absolu, on peut séjourner 3-4 jours à la cour, converser avec plusieurs personnages intéressants, entretenir des relations variées avec chacun d'eux, faire même une escapade en mer ou visiter une charmante bourgade côtière, passer plusieurs paragraphes angoissants à s'évader d'une cellule puis à échapper aux gardes, se battre en pugilat selon des règles particulières, être le témoin d'amours passionnés ou vivre soi-même une relation charnelle ambiguë, apprendre des informations capitales sur les intrigues politiques en Crète (et ainsi gagner des points d'intelligence), retrouver le roi Minos vers la fin et en faire un otage... Voilà pour le domaine du possible. Dans la réalité, la probabilité la plus forte est de finir très rapidement emprisonné dès notre arrivée en Crète, de parler fugitivement à certains personnages, de sentir que quelque chose ne tourne pas rond à la Cour mais sans comprendre les tenants et les aboutissants, de ne pas saisir les remarques sibyllines des habitués du palais puis d'arpenter enfin pendant les deux tiers de l'aventure un labyrinthe totalement vide avant de subir le combat final, très ardu. Si l'on y survit, sortie du dédale et paragraphe final. Une aventure très courte où l'on a le sentiment de n'avoir pas fait grand chose, de s'être presque ennuyé et de ne pas comprendre comment il peut y avoir 540 paragraphes au total. C'est très très dommage, il ne faut pas s'arrêter à cette impression et il faut décortiquer le livre afin d'en voir sa richesse.
Niveau jeu, c'est également décevant comparé au premier épisode. Très peu de combats, très peu de possibilités de gagner en armement, les pertes et gains d'honneur ou de honte sont cette fois presque oubliés alors qu'ils constituaient le moteur du challenge dans la Vengeance d'Althéos (en plus de donner un avantage indispensable dans les combats). D'où là encore un gros doute sur l'identité de l'écrivain. Les divinités sont bien moins présentes (ceci est justifié dans le texte parce que les forces mystiques et anciennes de la Crète interfèrent... pffff, l'argument facile...) et la difficulté est mal dosée puisque réside essentiellement sur le combat avec le minotaure : quasi-impossible pour un lecteur prenant le profil type offert pour ceux n'ayant pas lu le tome 1. Personnellement, j'ai terminé l'aventure du premier coup, bien aidé par mon haut score d'Honneur et les armes magiques d'Héphaïstos acquises auparavant dans les Cyclades. Mon parcours fut le suivant : emprisonnement quasi-immédiat (j'avais perdu les lettres de mon père), promenade dans le dédale, minotaure occis, sortie grâce au fil d'Ariane, FIN. Passionnant!
Pour rebondir plus longuement sur le labyrinthe, il est vide dans le sens où il n'y a aucun danger, aucun combat. A sa décharge, c'est un vrai dédale, immense et aux carrefours innombrables. De plus, les fresques représentent de multiples scènes de la mythologie grecque et l'auteur les décrit avec brio et une certaine poésie. Le lecteur y gagne à coup sûr en culture tout en cheminant parmi ces couloirs silencieux et plongés dans la pénombre. Ceci dit, ces déambulations souterraines occupent bien les deux tiers de l'aventure si l'on a la malchance de ne pas durer longtemps à la Cour du roi donc ça blase un peu. Finalement, le traducteur de Gallimard s'est montré bien avisé en traduisant "At the Court of Minos" (titre VO) en "Le Labyrinthe du Roi Minos"...
Ce LDVELH est d'une incroyable originalité et d'une qualité littéraire réelle. C'est pourquoi je l'ai disséqué sous toutes les coutures pendant très longtemps après ma première lecture couronnée de succès, sans jouer mais juste en choisissant de nouvelles options. Les différents personnages m'ont enthousiasmé et j'étais parfois très surpris de certains passages bien dissimulés qui donnaient accès à de nouveaux et savoureux dialogues. Quel dommage qu'il faille accomplir certaines actions bien trop précises et peu intuitives pour réussir à les découvrir. Quel dommage que certaines options en annulent d'autres et nous privent ainsi de la possibilité d'effectuer d'un coup plusieurs options intéressantes (par exemple, on ne peut pas à la fois entretenir la relation avec Thaisia la servante et une amitié avec les courtisans Opris et Lactris). Enfin, quel dommage que l'on ne soit que spectateur de ces drames d'alcôve sans rien pouvoir changer au cours des évènements. Nos actions ont peu d'importance sur la lutte des clans rivaux et on finit de toute manière dans le labyrinthe...
Malgré tout, je retiens que j'ai passé beaucoup de temps à le lire et le relire sans jouer, ce qui m'arrive très rarement.

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#2
Ton point de vue est essentiellement le mien, mis à part le fait que j'ai rarement été emprisonné (j'ai découvert ce livre longtemps avant le précédent et on n'a qu'une chance sur six d'avoir perdu la lettre de notre père dans ce cas).

La richesse des personnages et l'atmosphère chargée d'intrigues de la cour sont des qualités remarquables, mais on ne peut vraiment les apprécier qu'en épluchant le livre. La structure de la première moitié de l'aventure ne les met pas correctement en valeur. Il y a beaucoup trop de possibilités qui s'excluent les unes les autres. Autre problème : notre héros est souvent passif et beaucoup de ses choix n'ont en fin de compte que peu ou pas d'effet (d'un point de vue purement utilitaire, la meilleure chose à faire est de se concentrer sur les moyens d'augmenter notre Endurance et d'ignorer le reste).

Quant au labyrinthe, ses salles sont suffisamment bien décrites pour lui donner un certain intérêt, mais il est tout de même trop vaste par rapport à son contenu. Le combat contre le Minotaure est sympathique et intense (même avec le meilleur équipement, il va falloir claquer beaucoup de points d'Honneur pour le vaincre). Ressortir du labyrinthe est raisonnablement intéressant.

Je n'avais pas réfléchi à la possibilité que chacun des trois auteurs ait écrit l'un des livres. C'est sans doute une explication. "L'Odyssée d'Althéos" ressemble au premier livre par certains aspects, mais il y a des différences importantes. A sa manière (mais pour des raisons différentes), c'est un livre au moins aussi étrange que "Le labyrinthe du roi Minos". Beaucoup de joueurs semblent ne pas l'apprécier, mais je le trouve vraiment intéressant (par contre, il faut être prêt à y passer du temps, parce que c'est un LDVH très long).
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#3
Mon avis rejoint les vôtres :

http://rdv1.dnsalias.net/forum/thread-501.html
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#4
Le texte est d'une grande densité avec des dialogues extrêmement bien travaillés, qui donnent de la cohérence et de la profondeur à l'histoire. Je pense par exemple à nos possibilités de discussions avec Minos, notamment quand il nous explique comment il a piégé Dédale en organisant un concours d'ingéniosité si difficile que lui seul pouvait le remporter... En outre, les chemins, quoi qu'en dise Fitz, sont très variés, à la fois à notre arrivée en Crète (avant d'entrer dans le labyrinthe) et pour fuir la Crète (après la destruction du labyrinthe). Je ne me suis jamais senti prisonnier des intentions de l'auteur. Enfin, le labyrinthe est magnifiquement décrit : parvenir à raconter, sans être ennuyeux, nos déambulations dans ce labyrinthe presque entièrement vide est une vraie performance d'écriture.
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#5
Un très bon potentiel pour ces histoires d'intrigues de cour, dommage que l'idée ne soit pas correctement exploitée (ou pas assez?), qu'effectivement on ne puisse pas vraiment exercer d'influence forte, et qu'on soit obligé de manquer certains passages en fonction du parcours emprunté. Pour moi aussi c'est malgré tout un LDVELH que j'aime lire, sans le jouer.
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#6
(20/03/2012, 16:06)AlvEric a écrit : En outre, les chemins, quoi qu'en dise Fitz, sont très variés, à la fois à notre arrivée en Crète (avant d'entrer dans le labyrinthe) et pour fuir la Crète (après la destruction du labyrinthe). Je ne me suis jamais senti prisonnier des intentions de l'auteur.

J'ai du mal m'exprimer car je suis tout à fait d'accord avec toi.
(19/03/2012, 22:29)Outremer a écrit : (par contre, il faut être prêt à y passer du temps, parce que c'est un LDVH très long).

Je pense effectivement que ça va être très long : mon premier essai vient de s'achever en seulement quelques paragraphes dans le ventre d'une baleine!
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#7
(20/03/2012, 16:06)AlvEric a écrit : comment il a piégé Dédale en organisant un concours d'ingéniosité si difficile que lui seul pouvait le remporter...

Dans la mythologie, Minos utilise effectivement le coup du fil et du coquillage pour réussir à retrouver Dédale, mais les choses ne tournent pas si bien ensuite pour lui : Dédale (ou le prince chez qui celui-ci s'était réfugié, selon les versions) s'arrange pour le faire ébouillanter dans son bain.

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