Se réinventer. Ou pas.
#1
Sujet qui, selon moi, peut s'appliquer à toutes les formes de création. Mais concentrons-nous sur l'écriture.

Il y a parmi nous certains qui ont écrit de nombreuses AVH et qui ont ainsi imprimé à leurs textes un style, une "patte", des textes dont on reconnaît assez rapidement l'auteur. Avec ses qualités et ses défauts. Ce qui nous amène à ce sujet :
Faut-il chercher à se réinventer ?

Faut-il chercher à aller au-delà de ce que l'on appelle souvent "sa zone de confort" ? Corriger ses points faibles, tenter un autre genre, faire quelque chose de différent et, pourquoi pas, surprendre. Eviter de stagner, de rester dans son petit confort, avec la crainte de lasser, de faire plus ou moins toujours la même chose. Mais aussi au risque de se planter... De déconcerter, de décevoir.
Sous un autre angle, ne serait-ce pas aussi se renier, se trahir ? L'important n'est-il pas de rester fidèle à soi-même ? Peut-on reprocher à un VS de faire du VS, à un Outremer de faire du Outremer, à un Grattepapier de faire du Grattepapier (exemples pris au hasard sans intention particulière) ?

Se réinventer, oser, peut s'avérer un challenge excitant mais peut aussi devenir rapidement très casse-gueule.
Est-il possible de se réinventer sans se trahir ? De proposer quelque chose de différent tout en restant fidèle à soi-même ?
Anywhere out of the world
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#2
Changer de genre ça me semble relativement "facile", en tout cas si on est intéressé par plusieurs domaines on va par exemple écrire Nils Jacket et Loup Maudit, pour prendre des exemples récents. Ou se lancer dans un autre support comme la BDVH (ce n'est pas ici que manquent les exemples d'auteurs concernés!).
Mais vraiment changer de style, c'est une toute autre affaire! Même pour ceux qui se sont déjà confrontés à différents supports qui nécessitent d'écrire différemment. Je dirai qu'ils auront un style pour chaque support, mais qu'on retrouvera souvent la même "patte" pour un même support.
Dans la Horde du Contrevent, Damasio tente de "s'affranchir de son style" - avec une certaine réussite - en faisant parler différents personnages, qui ont chacun une manière de s'exprimer bien spécifique. Mais je n'ai jamais rien vu qui soit aussi radical que quelqu'un qui pourrait écrire comme Hemingway un jour, puis comme Balzac le lendemain.
Si ça existe, je suis intéressé de lire les œuvres d'une telle personne!
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#3
Comme je comprends ta question, ça me donne l'impression d'un matin : "Aujourd'hui, je fais complètement autre chose, une chose que je n'ai jamais essayé, voire été ! "

Je crois que l'écriture est toujours "en devenir", qu'elle change au fur et à mesure de soi-même. Pour autant, il est vrai que ce changement devient de plus en plus lent, et cela devient un style, une patte comme tu le dis.

Aussi, le faut-il ? Cad, si je comprends bien, ne pas laisser le temps s'en occuper, mais bien produire un acte de volonté.

Ben, je crois que c'est très difficile (comme tout acte de volonté qui lutte contre l'enclin) .

En effet, on peut se dire que l'auteur reformule encore et encore jusqu'à être satisfait de sa phrase ou de son paragraphe; et que là, volontairement, il changerait son point de vue, ses critères de satisfaction... Franchement, je ne m'y projette pas du tout. C'est comme si je me disais : "Aller ! Courage !  Écris de longues descriptions !"
Non, même pas en rêve.

Par contre, je pense qu'il peut-être sain de se laisser tenter par de petits projets qui stylistiquement sont en-dehors de son habitude. Une pièce de théâtre par exemple. Wink

Ainsi, je ne pense pas qu'il faille se réinventer, mais peut-être tenter de s'enrichir par des petits pas de côté, des extravagances.

https://www.quefaitesvous.com
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#4
Voici un sujet intéressant, mais je ne pense pas qu'il y ait de réponse tranchée.

Si tu prends l'exemple du cinéma, certains réalisateurs n'ont jamais été aussi bons que quand ils sont revenus à leur genre de prédilection pour creuser inlassablement le même sillon. Par exemple John Ford avec le western, Scorsese avec les films de gangsters...
D"autres réalisateurs tentent de se réinventer (avec plus ou moins de succès) à chaque fois. Je pense à Coppola qui disaient qu'il essayait de réapprendre à faire du cinéma à chaque nouveau film qu'il tournait.

alors, j'ai envie de te dire : "écoute toi !" ... mais aussi te faire remarquer que le seul fait que tu te poses la question de "sortir de ta zone de confort" montre qu'une partie de toi en a envie !
Après, tu n'ais pas oublié de tout changer (le genre, le style, les régles...).
Tu peux te poser un petit défi à chaque fois :
- je fais comme d'habitude mais je change d'univers (il semble que pour toi c'est déjà fait)
- je fais comme d'habitude mais je change de genre : je passe de la Fantasy à la SF (là aussi il semble que pour toi c'est déjà fait)
- je fais comme d'habitude mais je propose des règles sans lancé de dés
- je fais comme d'habitude mais je propose une histoire plus courte
- je fais comme d'habitude mais je propose un personnage plus original ou plus clivant
- je fais comme d'habitude mais j'alterne les points de vue avec plusieurs personnages
- je fais comme d'habitude mais je change mon style en proposant des phrases plus sèches, plus courtes, plus neutres (ça peut se justifier si par exemple le personnage principal est un robot)

Bref tout ça pour dire que je suis impatient de lire ton AVH de SF "A la dérive" !
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#5
Comme Tholdur l'a souligné, on pourrait difficilement demander à un Hemingway d'écrire du Balzac.

Le changement dont je parlais reste sur la forme on va dire. Par exemple, un auteur d'AVH qui n'écrirait que des histoires de Fantasy depuis toujours et qui tenterait d'écrire une histoire de SF ou de Cyberpunk. Ou qui innoverait avec un système de règles différent, original. Ou qui, habitué aux pavés comme moi, tenterait une mini-AVH limitée à 50 paragraphes.

Ce sujet m'est venu après un fil sur La Taverne où l'on parlait des nouveaux Ian Livingstone et où il semble que, après tout ce temps, Livingstone fait toujours du Livingstone, reprenant le même univers, bestiaire, le même ton, la même ambiance... Bref, n'apportant rien de neuf.
N'est-ce pas là le risque ? De finir par tourner en rond, par lasser. 

Je fais un parallèle avec la musique : fan de ZZTOP, j'avais été interpellé par les critiques de leur dernier album où beaucoup disaient que c'était bien mais sans surprise et que ZZTOP faisait du ZZTOP, point barre. Faut-il, comme David Bowie, tenter de nouveaux trucs, au risque de se planter ?
Pareil pour les jeux-vidéos : la saga des Assassin's Creed n'offre plus rien de nouveau ou quasiment, il y a juste le lieu et l'époque qui change maintenant.

Pour en revenir aux AVH, j'y ai réfléchi pour ma saga des Fils du Soleil. Et c'est pourquoi j'ai décidé de la raccourcir, de supprimer des opus et de les fusionner avec d'autres. J'étais parti sur 8 ou 9 tomes, je m'arrêterai sans doute à 6. Même si le lieu et le héros changent à chaque fois, même si j'ajoute une ou deux petites modifications aux règles, j'ai peur de finir par lasser au bout d'un moment. J'ai toujours en tête Loup Solitaire : j'adore cette saga mais il y a un moment où j'ai décroché, où j'avais l'impression de tourner en rond, une impression de répétition, de déjà-vu.
Ou alors, dans le cas d'une saga, à défaut de se réinventer, d'innover, savoir s'arrêter à temps ? 
C'est un autre débat.
Anywhere out of the world
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#6
Je trouve que se réinventer est assez dur, d'une manière générale. Si je prends mon exemple, même lorsque je veux faire quelque chose de très sérieux, il y a tout de même un moment où je mets de l'humour, même si c'est très léger. Je ne peux pas m'en empêcher et je me suis interroger dessus il y a quelques mois. Ma conclusion: tant pis.
J'admire ceux qui peuvent changer de style d'écriture, je leur tire mon chapeau.
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#7
Réponse de Normand : oui et non.

Comme toujours, il s'agit de nuances et de détails, il n'y a pas de réponse vraiment tranchée.
On peut perdre son identité en essayant de "forcer le changement". On peut devenir répétitif et ennuyeux en refaisant toujours la même chose. On peut se renouveler tout en restant dans le même style. On peut s'enrichir en sortant de sa zone de confort.
Cela ne dépend même pas que de l'auteur : un ouvrage original et intéressant dans un contexte, peut être perçu comme cliché et ennuyeux dans un autre contexte (j'ai découvert certains styles d'animes à une époque, que j'ai énormément apprécié ; d'autres animes exactement du même style que j'ai vu plusieurs années plus tard, m'ont lassé parce que j'étais déjà habitué aux conventions de leur genre ; si j'avais vu les seconds avant les premiers, ce sont les seconds que j'aurais trouvé très bien et les premiers qui m'auraient lassés rapidement).

Je pense qu'il est important de s'améliorer/s'affiner/progresser, mais que cela peut se faire tout en restant dans le même style. En même temps, je pense que c'est bien d'essayer d'au moins essayer de nouvelles choses, ne fut-ce que pour savoir si elles nous conviennent ou pas.
La violence n'est pas la bonne réponse !
La violence est la question. La bonne réponse est "oui".
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#8
A mon avis c'est une question qui dépasse l'écriture. Quand on écrit, on donne toujours une partie de soi-même. Donc je ne me pose pas la question de savoir si je dois me réinventer en tant qu' "écrivain" (le bien grand mot). Si j'ai envie de faire du steampunk, la question que je me pose c'est dans quelle mesure cet univers trouve une résonance avec ce que j'ai envie de raconter, qu'est-ce que je peux y mettre de moi ? A priori rien n'est exclu si je trouve un angle d'attaque qui me convient.
Après se pose la question de savoir si je me réinvente en tant qu'être humain. Ce que je pouvais écrire il y a 25 ans est très différent de ce que j'écris aujourd'hui (et je ne pense pas que je serais capable d'écrire comme à l'époque). J'ai évolué, j'ai mûri, je n'ai pas la même manière de ressentir les choses, même si j'imagine qu'un lecteur extérieur trouvera certainement une paenté.Cela dit, vu mon âge aujourd'hui je pense que je vais moins évoluer maintenant d'ici ma rencontre finale avec le paragraphe 14... mais qui sait ?
[+] 1 personne remercie gynogege pour ce message !
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#9
C'est un peu pourquoi la série Loup Maudit m'a fait beaucoup de bien, avant de réattaquer Nils Jacket 6 : ça m'a permis de tester d'autres choses (genre, style, règles), de me changer les idées et de retrouver la flamme.

Après, dans Nils Jacket, j'essaie à chaque fois des choses différentes : polar, espionnage, horreur, prison... Mais me lancer dans autre chose m'a ressourcé.

Après, les lecteurs de Loup Maudit me diront s'ils reconnaissent la "patte".
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#10
Par défaut, c'est à dire pour la création non (ou peu) rémunérée, je considère ça comme relevant d'un choix très personnel, lié à la motivation et au sentiment d'accomplissement : est-ce que je dois modifier ma façon de travailler pour avoir encore l'énergie de créer ? est-ce que mes créations actuelles nourrissent mon "être" Big Grin ?

Ensuite, lorsqu'il y a vraiment de l'argent en jeu et que la création est aussi un métier, d'autres considérations peuvent entrer en jeu (pas toujours mais souvent). Plus ou moins s'adapter aux modes, aux envies du public... Je pense qu'on peut facilement trouver des groupes de musiques critiqués par des fans parce qu'ils font tout le temps pareil, et d'autres groupes être critiqués par des fans parce qu'ils ont changé (voire les deux réactions pour un même groupe LOL ). L'équilibre peut être délicat à trouver ! (et miner la motivation, comme ça a pu arriver chez des youtubeurs qui se sont laissé bouffer par les attentes, réelles ou supposées, du public et de la plateforme)
Blog jeux : http://www.feldo.fr
Blog nouvelles : http://www.enkidoux.fr
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#11
Pour l'exemple sur la musique, entièrement d'accord.
Autant j'adore le U2 des années 1980, autant je déteste ce qu'ils ont fait par la suite en essayant d'autres genres. On peut aussi parler de Madonna qui, à force de vouloir se renouveler ne sait plus très bien où elle en est la pauvre. Les critiques qui disent que ZZTOP fait du ZZTOP, je leur dit que ben oui, ils font du ZZTOP et tant que c'est toujours du bon, ça me dérange pas. Si je vais voir les Stones en concert, c'est pour entendre les Stones, pas un concerto classique.
Ou alors, il faut être un "touche à tout" comme Prince ou Stevie Wonder mais ils ne sont pas nombreux.

Je dirais qu'au final, il faut savoir renouveler la forme mais sans toucher au fond.
On peut, on doit garder ce qui fait le fond (le style, le ton, le son, la "marque" qui rend l'auteur tout de suite identifiable) mais pourquoi pas broder sur la forme (changer de genre, faire plus court, plus long, modifier les règles en ajoutant ou retranchant certaines choses).

Pour faire une analogie avec la haute couture, un tailleur Chanel garde des bases, des incontournables, qui font que c'est un Chanel. Après, on peut en changer la couleur, rajouter des accessoires, des motifs...
Anywhere out of the world
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#12
Tant que les ZZTop ne se rasent pas la barbe, le monde a encore un sens Smile
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