[15] Les Combattants de l'Ombre
#1
Ayant visité le stand de Scriptarium à Cannes, j'en ai profité pour me procurer un des quelques Histoires à Jouer que je n'avais pas. Ayant lu quelque part de bons rapports sur les Combattants de l'Ombre, je me suis procuré mon premier LDVELH Posidonia. L'édition est de qualité. La couverture dans les tons blancs rend très bien, est plus moderne que le rouge et jaune flashy de l'époque.

Pierre Rosenthal est l'auteur, une petite personnalité du monde du jeu de rôle français. Niveau LDVELH, il a écrit le Prisonnier (pas encore lu) et un autre Histoires à Jouer que j'aime beaucoup : Perceval le Gallois. Celui-ci est à mon sens moins réussi, mais pas inintéressant quand même.

Direction Paris en 1941. La France est fraîchement occupée par les nazis. Nous jouons un jeune homme qui va devoir répondre à l'appel de travail forcé en Allemagne et tout commence par une décision cruciale : accepter ou devenir un résistant? Le début est très détaillé, avec de nombreuses pistes bien différentes. Certaines séquences rythmées comme la scène du métro, la rencontre avec nos amis d'enfance ou l'interrogatoire musclé.
La suite peut se dérouler aussi bien en Allemagne que dans la Résistance française, en province. Elle va s'étirer jusqu'à la libération 4 ans plus tard et est donc plus décousue. Cette longue période est entrecoupée de péripéties telles que grande évasion ou actions de sabotage. Des moments intéressants mais un peu trop brefs, avec des transitions temporelles qui cassent pas mal l'immersion. Pas facile de faire tenir 4 années en 300 paragraphes! D'autant plus que ce nombre est gonflé par des passages redondants, des copier-coller pour des situations parallèles.

Il existe plusieurs conclusions, plus ou moins heureuses. Mais les seules véritablement satisfaisantes, celles que je considère comme des succès, sont celles où l'on a participé activement à la résistance et à la lutte dans le maquis. Les autres tournent court et nous voient trop passifs.
Atteindre ces sections de victoire n'est pas très compliqué, assez facile même. Ma première tentative m'a vu finir prisonnier des SS puis exécuté. Ma 2ème tentative a été plus tranquille. J'ai passé la guerre à bosser en Allemagne et suis rentré en France vivant, libre mais un peu frustré quand même. Victoire à la 3ème avec un passage dans l'émission Apostrophes (so eighties) sur mes vieux jours, lol.

Mon parcours victorieux a été émaillé d'un nombre très important de tests de Communication. J'avais le maximum et les ai donc réussis haut la main. Il suffisait de faire les bons choix, de se montrer un peu psychologue et diplomate et j'ai pu bien oeuvrer pour la résistance, sans avoir à livrer un seul combat chiffré ni même à effectuer une épreuve manuelle ou physique. J'ai trouvé ça un peu raté comme système de jeu, d'autant plus qu'il existe des règles spéciales pour le tir.
En relisant ensuite avec un autre chemin, j'ai vu qu'il existait une voie bien plus action, avec des occasions de forcer des barrages routiers, de tirer à l'arme à feu contre les nazis, d'effectuer des tests physiques ou manuels pour s'évader de prison... Mais bon sang, que cette voie-là semble difficile! Statistiquement, les ennemis sont plus nombreux, au moins aussi bons combattants, voire meilleurs que nous, et les échecs ne pardonnent pas.
Bref, ce n'est pas un livre où il faut se montrer très héroïque, c'est un livre réaliste. Mais après tout, c'est bien le principe de cette série que de nous faire vivre l'Histoire de manière ludique, et non pas une aventure fantasy avec un héros gonflé de testostérone et de faveurs divines...

Le jeu est donc poussif, assez frustrant. La structure n'est pas géniale car elle empêche l'auteur de laisser libre cours à tout son talent littéraire. Par moments, on sent qu'il en a sous la pédale mais qu'il est obligé de faire court, d'être concis dans ses descriptions pour aller à l'essentiel de son histoire.
Et ce que veut l'auteur, comme il l'explique en préambule en faisant référence à ses aïeux résistants, c'est nous faire vivre de près cette période historique, peut-être pas si connue que ça finalement. Pour ma part, j'ai découvert beaucoup de choses donc l'objectif est rempli!
La vie des Français sous l'occupation, la collaboration, les milices françaises au service des nazis, la guérilla, le sentiment de paranoïa vis-à-vis de la délation, les méthodes des SS, les objets et armes de l'époque, le petit blanc sec, les parties de 421... L'ambiance historique est plutôt réussie et donc, ce LDVELH est un véritable outil pédagogique.

J'ai aussi aimé que le point de vue soit nuancé, malgré l'avertissement initial comme quoi l'auteur admire son grand-père résistant. Disons que ça ne sombre pas dans le machiavélisme. On a bien droit à quelques "un infâme collaborateur" mais globalement, le ton n'est pas trop partisan. On se sent très libre dans nos décisions. Et si on s'avère très lâche ou même traître à la nation, les conséquences (néfastes) ne sont pas assénées sous une forme culpabilisante.
J'ai en particulier beaucoup aimé le passage où l'on cherche à faire croire aux Allemands que l'on est complètement soumis afin qu'ils nous envoient travailler dans un endroit ultra secret où nous pourrons faire de l'espionnage industriel au bénéfice de nos amis de la Résistance en France. Parmi plusieurs possibilités, on peut être le seul à bosser pendant un mouvement de grève dans le camp de travailleurs. Le soir venu, on se fait tabasser par nos collègues français pour notre traîtrise (-8 points de Vie, ouch!). Mais le résultat est là et on est transféré par les Allemands qui nous font confiance. C'est un bel exemple des relations humaines complexes qui se tramaient pendant cette difficile période.
Répondre
#2
Il me semble qu'il existe un sujet similaire avec [Histoires à jouer], mais c'est la réédition ici.

J'ai toujours apprécié le tableau brossé par l'auteur de cette période, tellement exhaustif en si peu de paragraphes c'est un exploit car il y a plein de choses à faire (dans la liste que tu cites il y a aussi l'exfiltration d'aviateurs anglais, la fuite dans le métro ou encore la souricière allemande pour chopper le réseau de résistance). Mais effectivement on peut facilement passer à côté et chaque moment est trop court. Avec un total de 400 sections je suis certain qu'on aurait le meilleur LDVELH historique sur la période. Ce qui m'avait marqué c'est l'interrogatoire par la Gestapo. On sent bien qu'on n'est pas un super-héros!

Il me semble qu'il y avait un bug avec les noms Simon Thierry et Thierry Simon, mais cela a sans doute été rectifié dans la réédition.
Répondre
#3
Ce n'est pas un bug, ce sont justement les Allemands qui confondent à un moment un certain Thierry SIMON avec un Simon THIERRY (on les comprend...) et on peut d'ailleurs en profiter.

J'ai bien lu les autres péripéties que tu cites mais n'ai pas été exhaustif dans mon descriptif.
Répondre
#4
Pour les noms et prénoms il me semble que dans la première version cela se produit à deux moments différents dans l'aventure, et qu'on peut se retrouver avec un texte qui ne correspond plus à la bonne situation. Il faudrait que je consulte mon exemplaire pour vérifier.
Il y a tellement de passages que c'est difficile de tout citer. Les anglais m'avaient marqué avec leur propension à se comporter n'importe comment. De vraies têtes à claque tant et si bien qu'on est vraiment content de ne plus avoir à s'en occuper!
Répondre
#5
J'ai enfin lu cet ouvrage dont on me dit du bien depuis si longtemps.

Ce qui ne m'a pas empêché de partir avec un apriori légèrement négatif. Le sujet est complexe, l'ouvrage destiné à un public jeune, les images d'Épinal semblaient prêtes à tomber en rafales.

Et bien pas du tout. Certes, des concessions ont été faites, par exemple la faible longueur des sections et un vocabulaire simple (au point de sous-titrer les patois locaux), mais l'aventure ne se gêne pas pour nous enfermer dans une ambiance sombre et pesante. Notre personnage n'a au départ rien d'héroïque, jeune ouvrier ne se réveillant que lorsque le STO s'en prend personnellement à lui, la tentation de la collaboration est partout, y compris en nous, nos alliés ne sont pas forcément des anges, la prison, la torture, la mort, nous attendent à chaque tournant.

S'il n'a pas le temps de les creuser, le livre se permet même d'aborder un certain nombre de sujets pas forcément en première ligne dans l'imaginaire collectif comme la Milice ou la "reprise en main" des maquisards par les gaullistes.

Quelques passages laissent même suggérer que l'auteur en avait encore pas mal sous le coude mais qu'il a dû couper pour que tout rentre en un seul livre.

Bref, pour son époque et son public cible, un très bon cru.

Et avec un désagréable arrière-goût d'actualité, l'accent n'étant pas tant mis sur les atrocités propres aux nazis qu'au quotidien sous un régime totalitaire, lesquels n'ont pas exactement disparus en 1945.
Répondre




Utilisateur(s) parcourant ce sujet : 5 visiteur(s)