[30] Les Gouffres de la Cruauté
#1
Encore une fois, originellement posté par là.

Avec Les Gouffres de la Cruauté, trentième des Défis Fantastiques, on est encore dans ce que j'appelle le « ventre mou » de la série (je sais pas pourquoi je (re)lis particulièrement ces bouquins ces temps-ci) : les bons livres du début sont passés, mais les grandes réussites à venir sont encore loin. Il y a ainsi un ensemble de livres, grosso modo entre les tomes 20 et 40, qui ne sont pas tellement réputés pour leur qualité, et même s'ils ne sont pas parmi les plus répandus, c'est tout de même significatif. (Oui, je sais que La Créature venue du Chaos est le numéro 24. Toute règle a son exception.)

Dans Les Gouffres de la Cruauté, vous incarnez un simple domestique en cuisine. Mais le magicien Astragal (un Yaztromo-like, en moins bien, pour le continent de Khul) vous apprend que vous êtes l'héritier de Tancrède, le fondateur du royaume de Gorak. Et l'heure est grave pour qu'on ait eu besoin d'un descendant de Tancrède : le frère de ce dernier, le méchant Orghuz, vient de se réveiller et, flanqué de ses sept lieutenants, les Khuddams, il se prépare à conquérir le monde. La routine, quoi. Une seule chose l'en empêche encore : le Vrai Bouclier, un ancien artefact caché au fin fond des Gouffres Profonds, un gigantesque réseau souterrain peuplé par les gens de Gaddon, aussi appelé Sensitifs. Armé de l'Épée de Tancrède et aidé de Tabasha la Bazouk, une déesse chatte (?), vous allez devoir descendre dans les Gouffres, trouver le Bouclier, et découper Orghuz en rondelles après avoir éliminé autant de ses Khuddams que possible.

Dit comme ça, le background a l'air sympathique, détaillé, avec plusieurs indicateurs que le déroulement de l'aventure promet. Mais vous n'avez peut-être pas bien saisi ce qu'il implique : un livre-jeu de 400 paragraphes entièrement souterrain ! D'accord, je reconnais qu'il y a sans doute moyen de faire une aventure souterraine intéressante. Mais ce moyen, Luke Sharp ne l'a pas trouvé, hélas. Les Gouffres de la Cruauté se résume le plus souvent à choisir entre aller à gauche ou à droite, à choisir la fissure de droite ou la fissure de gauche (ou, parfois, soyons fous, la fissure du milieu), à grimper ou à descendre la paroi ; sans compter plusieurs mini-labyrinthes horripilants, constitués de paragraphes laconiques et de morts subites injustifiées (la tour d'Orghuz est insupportable de ce point de vue-là). Le style de Sharp est abrupt, laconique ; l'absence d'ambiance est affligeante. Les rares PNJ sont incroyablement creux et vides de personnalité : on croise peu de « Sensitifs », et ça ne dure jamais longtemps. Tabasha la Bazouk est largement sous-employée, sa présence ne nous étant rappelée quasiment que lorsqu'on a besoin d'elle. Les Khuddams auraient pu être un élément intéressant, mais leur apport à l'aventure se résume à attaquer le héros dans les moments les moins opportuns, tombant comme des cheveux sur la soupe. Sans compter qu'ils sont très peu décrits et donc fort pâlichons comme méchants, à la différence des Guerriers Fantômes de Stephen Hand, par exemple. Orghuz est un boss final plutôt décevant, mais ce n'est de toute façon pas le genre de personnage que j'apprécie plus que ça (à mon sens, une aventure peut être bonne sans qu'on ait à tuer quelqu'un à la fin).

La linéarité du livre est faible. Cela pourrait passer pour un bon point s'il fallait obligatoirement accomplir certaines actions et apprendre certaines informations pour réussir l'aventure. Ainsi, un élément que vous pouvez ou non découvrir au milieu de l'aventure conditionnera votre victoire finale. Si vous passez à côté, vous êtes morts, mais vous ne le savez pas encore. Si vous parvenez à emprunter le bon chemin, encore vous faudra-t-il survivre, chose rien moins que sûre. Les combats sont relativement peu fréquents, mais difficiles : par exemple, chaque Khuddam a Hab 10 et End 12, ce qui peut suffire à dégommer un personnage avec Hab 7. La véritable difficulté du livre provient plutôt de la prolifération des tests de Chance mortels en cas d'échec (j'en ai compté douze) et les mini-jeux mortels, technique apparemment inventée par Luke Sharp et que personne n'a reprise après lui (encore heureux) : il s'agit de lancer un dé pour un événement possiblement mortel et un dé pour vous, si les chiffres sont les mêmes, vous êtes mort. À noter que ce mini-jeu peut être répété plusieurs fois de suite. J'en ai compté cinq, en laissant de côté ceux qui ne font « que » faire perdre de l'Endurance.  En bref : ce livre est d'une difficulté stratosphérique.

Aventure ennuyeuse, style laconique, difficulté infernale : le cocktail Gouffres de la Cruauté a un vilain goût de mauvais LDVH, en dépit des quelques gouttes de bonnes idées qu'il contient. Le livre a beau être assez court, j'ai dû me faire violence pour le finir, et il m'a paru démesurément long et plat. À éviter.
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#2
Tout à fait d'accord, à éviter.
L'un des plus mauvais DF.


Sinon, j'objecte que Les Esclaves de l'Eternité ont le n°32 et c'est une bombe géniale.
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#3
J'ai dit « grosso modo ». J'aime bien Le Vampire du Château Noir (n° 35) aussi Smile
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#4
Nouvelle bonne critique et globalement, je suis du même avis que toi. Toutefois, lors de ma critique, j'eu tendance à être moins sévère que toiWink En fait, j'essayais de lui trouver de bonnes qualités dans toutes ces mauvaises choses que tu as décrites. Je crois que j'avais mis à ce livre une assez bonne note, je pense que je vais le rejouer (une fois que j'aurais terminé la lecture de la série l'Épée de Légende) histoire de m'en faire une nouvelle opinion.
Continue tes critiques en tout cas!
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#5
Je suis sentimentalement attaché aux "Gouffres de la Cruauté" parce que c'est le premier DF auquel j'ai joué. Mais, objectivement, il est certain qu'il n'est pas terrible. On y trouve de bonnes idées (Tabasha la Bazouk, les Sensitifs...) mais elles ont été mal développées. Il est vraiment très regrettable que l'atmosphère du monde souterrain soit si transparente.
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#6
(10/05/2007, 18:40)Meneldur a écrit : les mini-jeux mortels, technique apparemment inventée par Luke Sharp et que personne n'a reprise après lui (encore heureux) : il s'agit de lancer un dé pour un événement possiblement mortel et un dé pour vous, si les chiffres sont les mêmes, vous êtes mort. À noter que ce mini-jeu peut être répété plusieurs fois de suite.

Je viens de me faire tuer de la même manière dans Bloodbones...
Le technique a fait un émule...
Au petit matin, le dernier des deux fois nés était deux fois mort...
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#7
Un livre-jeu qui comptait parmi mes préférés étant jeune ado. Je m'y suis replongé et là, quelle déception... Un sentiment de "bonnes idées mais ça ne va pas au bout", comme certains rédactions d'élèves.

LES PLUS
- intro originale. J'aimais bien ce magicien Astragal, et le fait d'être déniché au fond des cuisines pour être sacré aspirant héros. Curieusement, le troisième assistant dépeceur que nous sommes manie l'épée comme un duelliste entraîné dès l'enfance... Ça ne m'avait pas frappé plus que cela autrefois, mais maintenant...
- exploration en sous-sol. J'avais déjà bien aimé l'exploration subaquatique dans Les Démons des Profondeurs. Les illustrations de Nicholson font vivre ce milieu. La couverture de Les Edwards est géniale aussi d'ailleurs.
- Feuille d'Aventure originale : les 9 cases à cocher pour Tabasha la Bazouk, la liste des Khudamms... (elle est bien plus austère en VO).
- quête épique, on peut s'améliorer en acquérant l'art du combat sensitif, des codes sensitif, etc. Elle est non linéaire, à chaque lecture je découvrais des choses neuves. Du coup j'aimais relire ce bouquin de loin en loin quand j'étais jeune.

LES MOINS
- intro originale mais torchée. On aimerait d'autres extraits de chroniques historiques en exergue pour en savoir plus sur les frères Tancrère et Orghuz, sur les Khuddams...
- beaucoup de regains de CHANCE mais très peu pour l'ENDURANCE. La règle des Combustibles n'est appliquée qu'au début, semble-t-il.
- une première moitié facile (jusqu'au 203 où on communie avec l'esprit de notre ancêtre, Tancrède) mais ensuite que de difficultés artificielles ! Les épreuves au camp Xokusai, les stalactites qui te tombent dessus sur un mauvais jet de dés, les PFA à répétition dans certains labyrinthes...
- Tabasha la Bazouk sert fort peu. Pourtant un personnage (animal) qu'il aurait été sympa de voir agir plus souvent.
- une intrigue peu claire quant au Bouclier, au traître...
- on a de bonnes chances de boucler l'aventure sans avoir croisé un seul Khuddam. Je me rappelle de mes lectures précédentes n'en avoir jamais combattu plus de deux ou trois dans une même partie de jeu.
- la Tour d'Orghuz, dont l'exploration est d'une difficulté élevée au point d'être ridicule. Dommage car son contenu est riche.

C'est à cette relecture que je me suis aperçu, en (re)faisant le plan du périple dans les Grottes de Minosaddurr, que ce mini-laby a la forme d'un coeur, en gros. Logique, on y cherche le... Coeur de Flammes de Minosaddurr.
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