Valefor alias Jehan a écrit :
Valefor prend la parole. Son sourire s’est effacé. Son visage est grave.

« Merci, Messeigneurs, de me prêter votre attention.

La proposition que je vous soumets est en soi des plus simples : une trêve de cinq ans entre les forces du Bien et du Mal.

Laissez-moi maintenant vous exposer les raisons qui m’ont poussé à vous faire cette proposition.

Dieu est mort.

La disparition de notre Créateur est l’événement le plus important, le plus fondamental qui soit arrivé depuis la Création elle-même. Ce sur quoi se basent nos existences, nos valeurs, le sens de nos luttes… n’est plus.

Or, je ne crois pas que nous ayons le recul suffisant pour prendre la mesure de ce bouleversement. On ne prend pas de décisions à la hâte quand on se retrouve dans un état de sidération suite à un choc traumatique. En particulier quand l’une ou l’autre de ces décisions implique des actions irréversibles.

Nos âges se comptent en siècles, pour ne pas dire en millénaires. À notre échelle, cinq années représentent à grand-peine cinq minutes. Cinq petites minutes, juste le temps nécessaire pour récupérer du choc que nous avons subi. Un choc si violent que Lucifer lui-même ne s’en est pas encore remis.

Voilà la première raison qui me pousse à vous proposer cette trêve. Prendre le temps de la réflexion, tout simplement.

Au bout de ces cinq années, chacun de nous y verra plus clair, et il sera alors temps d’évaluer les suites à donner au conflit qui oppose les anges et les démons depuis la nuit des temps. Nous aurons eu matière à y réfléchir un minimum et à nous préparer, en fonction de l’issue des propositions de Monseigneur Baal et de Monseigneur Dominique.

Maintenant, permettez-moi de vous donner une deuxième raison incitant à la temporisation.

Dieu est mort, et personne ne sait, vraiment, dans quelles circonstances.

Quelqu’un a-t-il abaissé cette manette ? Était-ce un accident ?

Ou bien…

Serait-ce une mise en scène ?

Le prince de la guerre a demandé, tout à l’heure, si quelqu’un avait vu le corps. Or, comme me l’a un jour dit mon vieil ami Maurice Leblanc : S’il n’y a pas de corps, comment prouver qu’il y a eu crime ?

Et si tout ceci n’était qu’une mise à l’épreuve du Tout Puissant ? Une façon pour Lui de nous juger, de juger de nos réactions dans ces circonstances absolument inimaginables ?

Je crois que, si nous voulons prendre la meilleure décision, il nous faut d’abord prendre le temps d’éclaircir le mystère de Sa disparition.

Car même s’il s’avère que Dieu est bel et bien mort, je ne doute pas que le coupable n’attend qu’une chose : que nous nous précipitions. Plus hâtives seront nos décisions, plus aisément le responsable de cette situation, quel qu’il soit, parviendra à les manipuler. »

Valefor s’incline.

« Merci de m’avoir écouté. J’espère que mes paroles résonneront dans vos âmes et consciences. »