Soirée Enquête "Dieu est mort" (salle de jeu)

Régis compte du regard les différents votes.

« Il est temps d'annoncer le résultat. 2 votes "oui", 5 votes "non" et 2 abstentions.
Les "non" ont la majorité absolue. Je déclare la proposition n°3 rejetée. Navré pour vous, Monseigneur Dominique. »

Régis marque un temps d'arrêt, comme pour réunir ses pensées...

«  Je résume les décisions qui ont été votées ce soir :

Proposition n° 1 : une trêve de cinq ans dans la lutte entre les Forces du Bien et les Forces du Mal. Acceptée.
Pendant cinq ans, les Anges et les Démons incarnés sur terre ne se feront plus la guerre : plus de combats, plus d'intrigues, plus de missions d'espionnage ou de sabotage, plus de tentatives d'influence des mortels. Pendant cinq ans, les humains seront livrés à eux mêmes, et nous verrons comment ils évoluent sans les Forces du Bien et les Forces du Mal pour les guider. Dans cinq ans, les deux camps pourront décider ensemble s'ils veulent reconduire la trêve encore quelques années, reprendre le Grand Jeu sans la direction de Dieu, ou y mettre un terme.

Proposition n°2 : révéler à la population mondiale la présence sur terre des Anges et des Démons. Rejetée.
Pendant les cinq ans de trêve, les humains ne sauront pas qu'ils sont abandonnés à eux-mêmes. Et si la lutte reprend au terme de la trêve, elle reprendra comme elle l'était avant la mort de Dieu : dans le secret. Les hommes n'auront pas la liberté de choisir ouvertement un parti et de se joindre à la guerre entre le Bien et le Mal, ils seront influencés discrètement, sans le savoir. Et si le Grand Jeu prend définitivement fin, ils ne sauront jamais qu'ils en ont été l'enjeu.

Proposition n°3 : provoquer une guerre nucléaire totale. Rejetée.
Ce sujet qui, depuis un peu plus de 60 ans, est revenu régulièrement au débat tant au Grand Conseil du Paradis qu'à la Cour Démoniaque de l'Enfer, est enfin clos une bonne fois pour toute. Il n'y aura jamais de guerre nucléaire provoquée par les êtres surnaturels. Nous ne saurons sans doute jamais si elle aurait causé un hiver nucléaire qui aurait condamné l'humanité à l'extinction, ou si la civilisation technologique moderne aurait simplement cédé la place à une ère post-apocalyptique où des poches de survivants roulant en buggy dans un désert vitrifié luttent pour les dernières ressources "comme au cinéma"... sauf si les hommes, d'eux-mêmes, se lancent un jour dans un conflit nucléaire mondial. »

Régis, dans un rare moment d'expressivité, pousse un large soupir, comme pour relâcher une grande tension. Puis il reprend avec le ton calme et l'accent d'ouvrier du vieux Paris qui le caractérisent…

«  Je déclare donc officiellement ce conseil exceptionnel clos. Je remercie encore les deux camps de m'avoir fait l'honneur de me choisir pour en être l'arbitre. J'espère avoir rempli cette fonction exceptionnelle avec la dignité qu'elle méritait. Je vais vous servir un petit digestif, puis, à partir de 23h00, il va fallouère que je ferme boutique. Mais prenez votre temps, détendez-vous, on n'est pas à 10 minutes près. D'autant plus que je vous avais promis que vous aurez un peu de temps après les votes pour discuter de la mort de Dieu, si vous le souhaitiez. »

Régis retourne derrière le comptoir, sort une bouteille de bon cognac et commence à préparer 9 verres de digestif en chantonnant.

«  J’ai les clés du Paradis
Moi qui n’ai jamais rien gagné
J’ai les clés du Paradis
Elles sont juste un p’tit peu rouillées

J’ les ai trouvées dans la rue
Je sais, ça semble incongru
Elles traînaient là, j’ les ai empochées
On peut rien me reprocher

Ch'uis pas le plus sexy du lot
Mais j'ai un fameux trousseau
Les clés du Paradis… »

« C'est bien évidemment hors de question. Pas ce soir, en tout cas. Quand bien même je serais d'accord avec vos raisons pour annuler les votes, Monseigneur Baal - ce qui n'est pas le cas -, en ma qualité d'arbitre, je n'ai absolument pas le pouvoir d'annuler le résultat des votes et à y procéder à nouveau. Cela dépasse complètement les prérogatives que m'ont accordées conjointement les Forces du Bien et les Forces du Mal après négociations entre le Paradis et l'Enfer. Et vous non plus, Archanges et Princes Démons présents ici ce soir, même si vous vous mettiez d'accord à l'unanimité pour revoter toutes les propositions après de plus amples informations - ce que là aussi je doute sera le cas -, ne disposez pas de cette autorité. En effet, les votes ont eu lieu selon les règles de scrutin décidées en amont par les deux camps, ont été validées, et le conseil a été clos. Si vous voulez revenir sur ce qui a été décidé ce soir, vous aurez au moins besoin d'un vote de vos conseils respectifs au complet et de nouvelles négociations. Mais là, ce n'est plus de mon ressort.

Allez, ne faites pas votre Trump, Monseigneur Baal. Ne contestez pas la validité du scrutin juste parce que vous n'avez pas obtenu les résultats que vous désiriez. »