Qu'est-ce qu'une section ?? (dans le cadre d'un comptage minutieux)
#16
Cette problématique de la section fait partie des points que je souhaitais soulever lors de mon débriefing. Autant donc commencer par cela puisqu'un sujet existe.

Évidemment, je donne mon point de vue. Si ce qui suit ne respecte pas toujours les formes (c'est lourd à lire et long à écrire), je parle au conditionnel dans le respect des opinions des uns et des unes.

Comme l'a fort bien énoncé Caïthness, la première question à se poser est celle de la définition. Pourtant, celle-ci suppose d'une part de baliser la terminologie pour savoir de quoi on parle, d'autre part de considérer la pertinence de ce travail (réfléchir à une définition) avec l'emploi qui en sera fait et enfin d'éviter, dans la mesure du possible, de se disperser vers d'autres problématiques, connexes mais non pertinentes.

Commençons donc par évacuer tout ce qui ne se rapporte pas à la définition de la section.
Tholdur a écrit : « L'idée de mettre une limite de mots à la place des 50 sections me semble aller dans le sens de la simplification tout autant que dans celui de la clarification (un mot, c'est un mot) ».
Alors d'abord, rien n'est moins évident que la définition de mot. C'est un aspect de la langue qui est tellement compliqué que les linguistes lui préfèrent unité lexicale. Un exemple archi-connu, « pomme de terre », un mot ou trois ? « Il y a » : un mot ou trois ? (Dans les résumés, on considère que c'est un syntagme, donc un seul mot.) « Au fur et à mesure » : un mot ou cinq ? Et que faire quand l'auteur s’affranchit du code écrit pour mimer l'oral ? On aura alors des mots tronqués (Monsieur, le rappo... Je vous arrête !), absorbé (chuis), amalgamé (Keski veut l'aut ?) et en langage plus ou moins relâché (Alors moi, MDR, gt tipar fissa quand l'keuf ys radine et ben, ah ! ch'kiffe pas, censure quoi  Evil #violencespolicières). Bref, ce n'est pas impossible, mais c'est une tâche difficile, qui ne simplifie rien du tout et surtout qui s'éloigne de l'idée de littéraction. Ce qui fait la force de la littéraction et donc la pertinence du critère sélectionné, c'est la segmentation textuelle (ou autre). C'est donc pour moi une question non pertinente et hors-sujet.

La place des renvois : idem. Que l'on s'interroge sur la notion de renvoi, oui, car ils sont une part essentielle de la littérature participative. Il faudra dès lors également les définir. Par contre, s'intéresser à leur positionnement n'est pas, en première interrogation, pertinent. C'est s'interroger sur l'effet et non sur la cause, c'est inviter une problématique interne, parcellaire, sur une vision globalisante du problème, c'est enfin supposer que toute section doive se résumer à un texte, ce qui n'est pas le cas, comme avec des images ou des cartes.

Il faut éviter de parler de règles. C'est un biais épistémologique. C'est une fois que l'on aura défini ce que section, renvoi, littérature interactive, etc. sont que l'on pourra à l'aide de ces supports, concevoir une ou des règles. Tenter de les définir à partir de l'idée de la règle que l'on souhaite ou que l'on envisage, c'est fausser le raisonnement.

Faire ou ne pas faire confiance aux assesseurs, à qui on veut, est hors de propos et nous éloigne considérablement de la définition de section.

Ensuite, pour quoi faire ? Quelle est l'utilité d'une telle définition. Et bien d'abord de permettre à la longue de mieux cerner l'objet qu'est la littérature interactive/participative/ergodique. On le voit bien, il reste encore aujourd'hui difficile d'appréhender la notion avec un terme univoque. Si je pars du plus général vers le particulier, on pourrait avoir : littérature ergodique, littéraction, livre-jeux, Livre dont vous êtes le héros, Défis fantastiques. Auxquels aujourd'hui viennent s'ajouter les BD, les escapes games, et sûrement d'autres que j'oublie. Ainsi, si toute littéraction pourrait supposer des sections, serait-ce le cas pour toute littérature ergodique ? Outre la classification, cela permet la reconnaissance. La première question que se pose tout amateur de nouveautés en livre-jeux est de savoir combien il y a de paragraphes. C'est donc une problématique identitaire, de reconnaissance, mais aussi de visibilité. C'est une question extrêmement importante. Enfin, c'est elle qui sert de base à l'établissement de ce concours spécifique comme dénominateur commun, par rapport à d'autres concours qui sont ou qui seraient : un faible nombre de sections.

Tenter de définir la section (et non le paragraphe, bien trop réducteur et déjà pris en typographie) de façon générale et non seulement pour ce concours-ci, me semble donc utile, voire nécessaire.

Il existe plusieurs typologies de la section : le texte seul, le nombre suivi d'un texte, la page, la carte, l'image (qui peut prendre une double page ou s'afficher sur un écran d'ordinateur)... La définition se doit de les englober toutes – ce qui nécessite de ne pas tenir compte de la place des renvois.
Or, pour que section il y ait, il faut qu'il y ait soit une rupture de la narration résultant de la prise de contrôle (peu importe que cela soit factice ou non) de cette dernière par le lecteur, soit une rupture temporaire de la narration opérée par le narrateur parmi les autres ruptures. En effet, pour des raisons d'organisation, l'auteur va peut-être se voir contraint de faire des tunnels dans lesquels il n'y a aucune prise de décision par le lecteur. Si l'ensemble des ruptures est géré par l'auteur (que celles-ci soient non physiques – il y a rupture mais elle n'est pas visible typographiquement – ou physiques – on les voit, on change de page), les sections sont purement artificielles et ne sont qu'un procédé de mise en page ou littéraire.
Il est donc nécessaire qu'à un moment donné il y ait une action (pas forcément un choix : lancer 1d6. De 1 à 3, aller au... ; de 4 à 6, aller au...) réalisée par le lecteur/acteur et que cette action suppose une rupture immédiate ou une rupture différée (code, objet, etc.) par le moyen d'une matérialisation physique (ce qui, voir ci-dessous, soulève une difficulté).

La question est donc : qu'est-ce qu'une rupture de la narration ? La narration est un « récit développé dans une œuvre littéraire ; exposé détaillé de la suite de faits et d'actions constituant l'intrigue (d'une œuvre littéraire) » (CNRTL). C'est la deuxième partie qui nous intéresse. La suite est entravée, inachevée, non réalisable sans l'aide du lecteur. Ce dernier va donc en fonction des indications du narrateur, de ses choix, de sa capacité à (énigme), de son parcours, de ses notes ou du hasard sélectionner un renvoi (terme à définir).

De ce qui précède, on peut envisager d'affirmer qu'un section est un lieu matériellement caractérisé que l'on atteint par tout phénomène de type renvoi, dû à l'action du lecteur, ou des indications de l'auteur seul si ce type de renvoi n'est pas unique, permettant de poursuivre ou de conclure la narration entamée.
Lieu matériellement caractérisé : on cherche un numéro particulier, une page, un dessin, un lien hypertexte, une règle spécifique en annexe ou un indice avant de revenir au corps du récit, ou dans un tableau où il y a bien séparation physique.
Ainsi les Introductions et les 1 ne sont pas des sections (on ne les atteint pas ou alors c'est seulement dû à l'action du narrateur « et à présent, rendez vous au 1, tournez la page... » non encore mêlée d'interventions du lecteur), mais la dernière section, bien que sans renvoi, est bien une section et dans ce cas de figure, si Épilogue il y a, c'est également une section (puisque cette fois-ci, parmi d'autres comportant les actions du lecteur).

La matérialité concrète soulève une difficulté liée aux hypothèses sans renvoi. Si vous avez... lisez la suite, sinon, allez au... On peut faire l'inverse.
Je suis pour ne pas en tenir compte. Cela fait partie de l'architecture décidée par l'auteur. La narration n'est pas véritablement rompue dans ce cas-là. Je dirais-même qu'elle est renforcée car elle associe une action déjà faite (ou non) que va se rappeler (ou non) le lecteur-joueur avec ce qui va suivre. Absence de rupture, absence de section.

Il va de soi qu'ici, je fais simple, et que je ne rentre pas dans les typologies liées à la poétique des textes : je ne prends pas en compte les ruptures de l'énonciation, de la diégèse, de la chronologie pour appréhender la section, mais je considère plutôt une « approche cognitive des mécanismes narratifs » (site de l'ITEM sur la narratologie génétique) fondée sur la coconstruction littéraire (j'enfonce une porte ouverte mais c'est toujours bien de le rappeler).

Pour résumer, serait une section :
1/ Un lieu physique clairement circonscrit ;
2/ Que l'on atteint par un phénomène de renvoi.

Après tout mon verbiage, cela peut sembler monstrueusement vague, mais je crois que cela recoupe bien ce qu'intuitivement nous avons tous en tête (le fameux paragraphe), même s'il faut à présent se lancer dans la définition de renvoi.
Goburlicheur de chrastymèles
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