[Le Vrai Chemin] Antarktos
#1
Antarktos  est un livre-jeu de Paul Adrien Jellsen, illustré par Michel Riu. Une page les présente tous les deux au début du volume, ainsi que Marcel Laverdet qui a composé la couverture de la version publiée chez Posidonia. Il s'agit d'une réédition d'un texte paru précédemment chez Walrus, (jeune pousse qui a priori n'existe plus). Walrus signifiant « morse », y a comme une logique ! (Oui je sais qu'il n'y a pas de morses en Antarctique, LAISSEZ-MOI VANNER, M***DE).


HIGH CONCEPT et TRIP AUSTRAL
Une tentative de trouver quelques infos sur le net amène des pages de blogs, des articles numériques, des « vendredi lecture » (j'ai jamais compris ce que c'était et je ne veux pas savoir). Alors que tant de livres-jeu sur Internet font le contraire de la vie dans Jurassic Park, ils ne trouvent pas leur chemin, celui-ci a eu droit à son quart d'heure de minute de gloire. Là vous allez me dire : pourquoi ?

[Image: giphy.gif]

J'ose penser que c'est pour son résumé qui ressemble à un high concept* de film-divertissement :

UN RICAIN CHASSE DES NAZIS AU POLE SUD, MÊME Y AURA DES SOUCOUPES VOLANTES !

*contenu d'œuvre résumable en une seule phrase frappante, qui met de suite l'imagination en branle. Ex :
Flèche « Un homme découvre que sa vie entière est une série TV. »
Flèche « Un adulte se réveille dans le corps d'un ado » (ou l'inverse).


CE QUE ÇA RACONTE
Le livre s'ouvre par une introduction uchronique : « Nous sommes en 1958. La Seconde Guerre Mondiale ne s'est terminée que depuis sept ans... C'est dans ce ciel sans nuage et pleine d'espoir qu'une ombre apparut il y a deux ans. Au-dessus de l'Arizona, on vit un cercle sombre traverser l'azur : la première soucoupe volante. »
Ça tape, hein ? L'intro nous en dit beaucoup plus sur cette Seconde Guerre Mondiale, les V7, l'URSS conquise, l'Europe finalement atomisée. Ça vend du rêve, notez ce que je viens de dire. Défaut visible dans ce récit : mélange bizarre des temps de verbes, du passé simple et de l'imparfait disgracieux. Le héros qu'on va incarner, lui, est sans défaut : un vétéran de l'USAF, qui cherche à se remettre des horreurs de la guerre par un boulot pépère sur une base antarctique.

[Image: ironsk10.jpg]
Si t'as pas vu Iron Sky, le film avec des nazis sur la lune, t'as raté ta vie de téléspectateur.

COMMENT ÇA FONCTIONNE
Jeu sans règle, il n'y a ni liste d'items ni scores. Paragraphes pas trop longs mais très écrits, avec un soin apporté aux dialogues, à l'atmosphère et à certains des personnages, un tout qui sonne crédible. Le parcours n'est pas purement linéaire, mais ses embranchements sinuent tous autour d'une ligne principale, avec plusieurs passages obligés et un final unique.


MON AVIS
L'intérêt n'est pas dans le jeu, il est dans l'écriture. Ça aurait pu donner un petit roman façon "Chair de poule", mais pour un public un peu plus âgé (mettons à partir de 15 ans).

J'ai apprécié l'écriture soignée (seul bémol ci-dessus) et l'évolution dans, disons, l'atmosphère du récit. Par ailleurs, une histoire en Antarctique alors que je suis fan des histoires polaires de Jules Verne, une base hantée de phénomènes poulpeux alors que je relis avec ferveur Les Montagnes hallucinées de HPL chaque fois que je revois The Thing de Carpenter - FORCEMENT cette histoire était taillée pour me plaire.

L'intérêt est moins dans le jeu, relativement simple, sans challenge réel, que dans la manière de jouer avec son lecteur et avec les codes de genres. J'ai vu le récit comme un film d'espionnage très années 50, pour aller vers de la SF plutôt années 60 et pulp, et enfin devenir du Lovecraft cauchemardesque : rituels nazis, grimoires de géométrie non-euclidienne, espace courbé pour toucher des éons crépusculaires peuplés de monstre tentaculaires...

[Image: giphy.gif]

C'est en étant parvenu à la fin, qui retourne l'histoire comme une crêpe d'une manière qui nous fait sentir un peu tartes, qu'on donne enfin de l'importance à des micro-détails passés un peu inaperçus jusque là :
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Les illustrations sont relativement simples mais de bonne qualité, du travail honnête. Parfois gores, le récit l'est aussi. Un peu surpris par la représentation des « êtres simiesques » en gorilles alors que la logique du récit poussait à montrer quelque chose de plus bizarre, quelque chose de mutant ou de dégénéré.

La couverture
est de facture honnête pour une composition numérique de petite maison d'édition, elle retient le regard, mais je ne peux m'empêcher de trouver que le récit méritait une couv' un cran au-dessus.

[Image: illu_a10.jpg]

Ce qui m'a moins plu : les nombreuses promesses non tenues du récit ! L'auteur semble jouer avec nos nerfs et nos habitudes de joueur. On nous liste les soucoupes A, B et C, on mémorise l'info en se disant que plus tard il faudra en choisir une et... rien. Il est question d'un code de couleurs pour annuler un rituel, et qu'on s'en serve bien ou mal... le résultat est le même. L'impression que nos choix n'ont pas de grande conséquence, puisqu'on est toujours ramené aux passages obligés... Cet effet "foutage de gueule" est volontaire et recherché à l'écriture, il n'en est pas moins un peu frustrant !
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