Coeur de Glace
#3
Première moitié du prologue (non, je ne compte pas poster toute l'aventure ici) :

L'Auberge Etrusque est nichée dans l'ombre des montagnes Appenines, à côté d'une cascade gelée, abritée du vent par une haute falaise de pierre noire et nue. Assis à côté d'une longue fenêtre, vous regardez les montagnes. Le crépuscule fait fondre les contours abrupts de la roche, emplissant les vallées d'une pénombre bleue. La lune brille faiblement derrière des nuages noirs poussés par le vent. De la neige va encore tomber ce soir.
Vous écartant de la fenêtre, vous laissez retomber le rideau et entreprenez de traverser la pièce crasseuse. Des voyageurs sont assis sur les côtés, pariant bruyamment et buvant des liqueurs fortes couleur de feu. Beaucoup sont des chasseurs et des commerçants venus des plaines qui descendent d'ici jusqu'à la Mer Ligurienne. D'autres sont peut-être ici depuis bien plus longtemps : des hommes et des femmes maigres qui n'ont trouvé que peu d'emploi. L'Auberge Etrusque est une escale bien connue de ceux qui entreprennent la périlleuse traversée des Appenines. Si certains, à la vue des pics enneigés, perdent espoir et choisissent de rester, qui peut les en blâmer ? Vous-même vous demandez parfois pourquoi vous prenez la peine de continuer dans ce monde de pauvreté et de souffrance.
L'histoire de la création de l'auberge est étrange, même pour cette époque elle-même étrange. Le bâtiment était à l'origine un appareil aérien qui s'est écrasé en traversant les montagnes, il y a de cela deux cents ans. Un ancêtre de l'aubergiste actuel a transformé l'épave en une escale pour le voyageurs. Le générateur n'avait pas été endommagé par l'accident et l'auberge dispose donc de l'électricité, une rareté dans le monde moderne. Mieux encore, plusieurs des réparateks de l'appareil ont pu être récupéré. Ces robots nettoient et réparent constamment la structure, accomplissant fidèlement les tâches pour lesquelles ils ont été programmé des siècles plus tôt.
Ecartant un rideau, vous pénétrez dans une autre pièce de l'auberge. Sur le mur, un écran est en train de diffuser des scènes d'un vieux film. L'aubergiste est assis avec quelques autres à l'arrière de la pièce, d'où il commente bruyamment l'action. Vous enjambez un réparatek qui ressemble à un long cancrelat métallique. Il déploie des brosses de polissage pour nettoyer le sol à l'endroit où vous vous trouviez. Vous appuyant au mur, vous regardez le film pendant quelques minutes, mais les exclamations et les railleries de l'aubergiste sont impossibles à ignorer. Lorsque vous vous plaignez, il vous répond d'un rire bruyant. "Ce n'est pas la peine de vous intéresser aux films qui apparaissent sur cet écran. Les images viennent d'un satellite connecté à Gaia, qui change de chaîne selon son humeur du moment. Il m'est arrivé de voir des actualités datant de plus d'un siècle. A d'autres moments, il y a des films, des spectacles musicaux ou des documentaires. Mais je n'ai jamais encore vu la fin d'un seul programme. Tenez !" Il tend le doigt vers l'écran et, en vous retournant, vous voyez que le film a été remplacé par de la neige parasite grise.
"Eteignez-le," grogne un homme de la pièce adjacente. "Il y a des gens qui aimeraient dormir."
"L'éteindre, vous dites ?" fait l'aubergiste en éclatant à nouveau de rire. "Il n'a jamais été éteint de toute ma vie. On ne peut pas l'éteindre. Pas à moins que Gaia ne décide de nous prendre en pitié et de nous accorder quelques heures de tranquillité."
Des bruits de pas lourds se font entendre et un homme au visage rubicond et furieux émerge de l'autre pièce. Il jette un regard exaspéré sur l'écran, qui affiche désormais un bulletin météorologique pour le mois à venir. "C'est ridicule !" s'exclame-t-il, outragé. "Ca dit qu'il va y avoir des orages à New York. Il n'y a pas eu de pluie à New York depuis des années. La ville est enfouie sous huit cent mètres de glace."
Un rire bref échappe à l'aubergiste tandis qu'il retourne à ses tâches. "Pas la peine de vous en prendre à moi. Tout le monde sait que Gaia est folle."
L'homme dont le repos a été dérangé lui adresse un regard agacé. "Si vous ne pouvez pas l'éteindre," proteste-t-il, "pourquoi ne pas démolir l'écran ? Il montre n'importe quoi de toute façon."
Voyant l'homme s'avancer comme pour mettre sa suggestion à exécution, l'aubergiste fait un signe négatif du doigt. "Je vous déconseille d'y toucher. Enfoncez-vous du coton dans les oreilles si le bruit vous dérange. Mais si vous fracassez l'écran, les réparateks passeront toute la nuit à le remettre en état et leur remue-ménage empêchera tout le monde de dormir."
En entendant cela, l'homme lève les bras au ciel avec exaspération puis, rassemblant ses couvertures, s'en va dormir à l'autre bout de l'auberge.
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Coeur de Glace - par Outremer - 29/03/2007, 21:57
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RE: Coeur de Glace - par JFM - 30/03/2007, 22:23



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