Projet: Le Prix d'une paire de jambes
#2
Premier paragraphe:

Grasse
L’aventure commence pour vous dans un rade sur les hauteurs de Grasse, pas loin de votre domicile, où vous célébrez votre toute nouvelle embauche avec Sofia, votre amie d’enfance. Ses yeux noirs pétillent autant que son verre de champagne et vous savez qu’elle est sincèrement heureuse pour vous. Vous savourez cette soirée comme une gorgée d’air avant de plonger sous les eaux troubles d’un milieu où vous devinez que les sourires sont factices et peuvent dissimuler des poignards acérés. Sofia, vous l’avez connue à l’époque à Surville, elle était le bijou qui illuminait la cité, et elle était dans votre classe. Vous vous souvenez du spectacle de danse où elle interprétait Blanche-Neige, vous et vos copains aviez acheté des places rien que pour elle. Elle volait sur la scène et vous pensiez tous qu’elle ferait une carrière dans la danse, dans le spectacle. Au final, elle est devenue escort girl et elle a rejoint Nice, attirée comme vous et bien d’autres par les miettes que les hommes d’affaire et les stars ne manquent pas de faire tomber à leurs pieds. Et elle gagne très bien sa vie.
A l’époque déjà, vous étiez devenu une sorte de confident pour elle, même si vous ne pouvez plus vous rappeler comment. Vous vous souvenez juste d’une amitié teintée d’ambiguïtés, vous étiez un peu amoureux d’elle, fasciné par sa beauté comme la plupart. Et puis vous vous êtes éloignés, vous avez eu des copines, éphémères en général, avant de vous retrouver tous les deux ici à Nice, avec un même but : soutirer assez d’argent à ceux qui y vivent pour ne pas avoir à vous soucier des lendemains et même pourquoi pas aider vos familles ! A ce stade, vous ne songez pas à d’autres relations avec elle que ces soirées arrosées où vous vous racontez les péripéties de votre immersion dans les sphères niçoises. Est-ce que son métier vous gêne ? C’est une question que vous avez toujours su éluder jusqu’à présent. Mais sans sa présence ici, vous auriez peut-être déjà laissé tomber toutes vos ambitions.
En sirotant un whisky coca, vous vous laissez bercer par le doux babil de Sofia et vous laissez défiler les dernières années de votre vie.
Vous vous destiniez à la fac de psychologie à la grande joie de votre mère qui vantait déjà votre promotion sociale à ses copines quand la loi de privatisation des universités a été finalisée par le Conseil National. Votre famille n’avait bien sûr pas les moyens d’assurer vos études, et en toute franchise vous n’aviez jamais été suffisamment brillant pour penser vous voir octroyer une bourse. Vous avez donc dû revoir vos plans, faire le tour de ce que l’horizon social avait à vous proposer… Comme beaucoup d’autres jeunes de votre âge, vous avez estimé qu’en gravitant dans les secteurs où l’argent se déversait à flots, vous finiriez bien par en grappiller un morceau. Pour certains c’était le milieu du spectacle, pour d’autres les affaires, pour vous ce serait le foot. La seule chose pour laquelle vous avez réussi à vraiment vous passionner, au point d’en devenir une référence dans le quartier. La taille des joueurs, leur valeur sur le marché, leurs statistiques, vous passiez votre temps à dévorer les informations sur le net entre deux cours, parfois même sur les heures de cours. Autant rentabiliser cet investissement. Et en matière de psychologie, voilà un milieu où vous apprendriez peut-être autant que sur les bancs de la fac !
Sofia lâche un soupir en se rendant compte que vos pensées ont lâché prise, puis elle plonge les yeux dans son verre. Elle s’est habituée depuis le temps, vous n’êtes pas capable de soutenir une conversation trop longue. Enfin, sauf si vous y avez un intérêt concret et immédiat. Et désormais vos pensées vous emmènent à Barcelone. Vous exhibez fièrement sur votre vieux smartphone le passeport intermétropoles que Raculha vous a obtenu dans la journée. Le sésame sort Sonia de sa bouderie qui écarquille maintenant ses grands yeux noirs. Elle a galéré autant que vous pour obtenir un permis de résident à Nice-Métropole. D’habitude ce sont ses clients qui fanfaronnent de la sorte devant elle.
Maintenant que vous avez un peu d’avance, vous lui payez un taxi pour la ramener. Elle s’attarde un instant, un sourire inhabituel sur ses lèvres. Puis elle prend place sur les sièges en cuir, en rabattant sa jupe fendue. Ira-t-elle travailler ce soir ?
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RE: Projet: Le Prix d'une paire de jambes - par gynogege - 28/03/2020, 19:18



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