[03] La Forêt de la Malédiction
#8
Le 3° des DF, donc.
Je reconnais franchement que mon souvenir distant et la nostalgie ( eh, c’était mon premier LDVH; j’avais 8 ans si je ne m’abuse ) l’avaient idéalisé: ça craque nettement plus dans les articulations que je ne le croyais. Mais quand même, je crois que Ian, en l’écrivant, a vraiment créé quelque chose.
Je l’ai refait dans des conditions d’innocence partielle: je me souvenais naturellement des endroits où se trouvent les deux moitiés du marteau, mais pas du chemin précis qui y mène.

Déjà ce LDVH crée le mythe aventurier-solitaire-sur-qui-l’aventure-tombe-à-l’imprévu, qui la recherche et qui est toujours prêt pour elle. On a une idée de qui est celui que nous incarnons et comment il fonctionne, contrairement aux deux premiers qui ne sont que de pures pétitions de principe. C’est un individu à l’aise dans les solitudes, capable se débrouiller seul, à la bourse souvent plate, qui a certains principes moraux ( sans quoi il se contenterait de fouiller Grosmollet et le laisserait crever là ), qui aime le risque et que la perspective d’une importante récompense ne laisse pas indifférent. On peut s’installer à l’aise dans une pareille définition.
“ Cela fait des semaines que vous n’avez pas eu une bonne bataille, et en plus pour celle-la vous avez des chances d’être bien payé.” WINS

Quant à Yaztromo, après le sorcier qui reste bêtement assis sur son trésor ( dont il n’a même pas les clefs ) avec ses monstres dans son trou de roche et celui qui, de sa citadelle aux trois quarts vide, à la tête d’une horde innombrable d’une bonne douzaine de créatures, prépare depuis huit ans la conquête d’une vallée de péquenauds ( mais qui se bat comme un badass, reconnaissons-le lui ), nous avons un changement radical: entre en scène le sorcier qui reste dans sa tour à vendre son petit matériel aux explorateurs, verse une larme hypocrite sur le sort des nains de Pont-de-Pierre ( ils n’ont pas dû lui offrir assez… ) et, au lieu de s’efforcer en vain de tuer les malheureux qui l’agressent, les transforme en corbeaux avec possibilité de reprendre leur forme d’origine moyennant 30 pièces d’or…

Contrairement aux deux tomes précédents, l’or sert à autre chose qu’à gratifier nos instincts de pillard: il s’agit de se procurer du nouveau matériel en engraissant ce vieux requin de Yaztromo si nous ratons notre première tentative. Ç’aurait été une idée de pouvoir aussi acheter de nouveaux repas à Pont-de-Pierre, mais bon. Et ç’aurait été drôle que le couteau de lancer du trésor de la Vouivre nous serve si on avait dû recommencer, mais bon.
Il y a assez d’or ici et là dans cette forêt pour pouvoir se réapprovisionner chez Yaztro’* à répétition, mais étant donné le non-renouvellement de nos repas et de nos points de Chance, si une seconde traversée est parfaitement faisable, une troisième ça commence à être très juste, et une 4° n’en parlons pas.
Ça m’apparaît évident que si on retraverse les monstres sont déjà tués et les trésors déjà pris… il est vrai que ça oblige à noter précisément ce qu’on a fait dans ces cabanes où se trouvent des objets bien en évidence auxquels personne n’a encore osé toucher; par contre pour ce qui est des objets qu’on a décidé de ne pas prendre - parce qu’on connaît son Ian - dans le trésor d’un monstre qu’on a abattu, de quelconques charognards sont passés après nous et ont tout nettoyé…

Géographiquement, nous avons donc une zone de plaine herbeuse et de collines entourée d’une épaisseur de forêt, et des villages de nains aux alentours.
Malgré les quelques difficultés de mise en œuvre, la réussite de ce livre est d’avoir créé un lieu vivant; un lieu mythique où des créatures et des choses étranges convergent; c’est la Forêt qui est le personnage principal de ce LDVH. Elle contient une myriade d’individus et de monstres, et donc d’histoires qui s’entrecroisent: qui avant aurait pu nous faire nous intéresser aux tribulations de deux gobelins ? Et on trébuche au passage sur d’autres histoires ( l’ogre et son piège, le moine à la recherche de sa cloche; et qui était ce vieil homme avant qu’il ne se transforme en goule… )
De même, si Arragon et Quin sont assez improbables, à partir du moment où on les admet ( ce qui requiert, je l’avoue, un sérieux effort de suspension de l’incrédulité ) leur présence en ces lieux éveille la curiosité du lecteur.
Bien entendu, les décisions arbitraires de Ian de nous faire aller dans une des directions possibles et pas dans les autres sont un gimmick et pas du meilleur goût. Mais il contribue aussi à sa façon à créer une atmosphère; à nous faire croire que la Forêt est plus grande que nous ne pouvons l’explorer. On peut même dire que ce choix permanent de ne pas revenir en arrière souligne l’urgence qu’il y a à trouver ce satané marteau; nos retours éventuels sont ainsi colorés - outre par la rage de voir notre Endurance et notre Chance diminuer sans retour - par celle de perdre du temps quand chaque minute compte… enfin je m’avance peut-être un peu, là.

Même si, comme je l’ai dit, la Forêt craque aux articulations, elle tient debout sans béquilles; les incohérences ne sont pas attribuables au crétinisme du grand sorcier qui laisse des objets magiques traîner partout, mais à la juxtaposition de dizaines d’histoires différentes.
D’où viennent les objets magiques et l’or qu’on trouve dans la Forêt ? Par définition, de l’extérieur - tout comme le Marteau. Pour une part, les monstres qui l’habitent sont allés le piller dans les zones en bordure; pour l’autre, il s’agit des possessions des malheureux aventuriers qui s’y sont risqués; pour la plupart, sans doute, clients de Yaztromo**.
Le lieu en attire donc assez pour que Yaztromo se remplisse les poches et que le petit racket des brigands et des poseurs de pièges soit profitable.

L’ambiance est encore le meilleur atout de ce LDVH. Elle requiert souvent de faire un effort mais on peut s’appuyer sur quelque chose pour faire cet effort.
La description des événements par Yaztromo évoque le début du Seigneur des Anneaux ( i.e. la seule partie lisible ) ou Bilbo, je pense que c’est une référence consciente, en tout cas elle plonge réellement le lecteur dans l’histoire; elle était efficace quand j’avais 8 ans et elle l’est encore aujourd’hui.
Et il y a des passages étranges qui restent dans la mémoire, les clones crétins, le puits aux gremlins et ses centaines de mains d’argile peintes en rouge; non seulement ils sont troublants en eux-même, mais la Forêt et un lieu qui peut les contenir sans incohérence.

Il n’est que trop vrai que le rôle du marteau-macguffin aurait pu être pensé avec plus de soin. L’idée des nains infichus de réagir quand une armée de trolls s’apprête à égorger leurs fils et leurs compagnes à moins que leur chef bien-aimé ne brandisse son objet contondant favori, c’est pas top… mieux eût valu dire que c’était un marteau-boomerang qui écrase dix trolls à chaque coup, ou quelque chose dans le genre.
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Les monstres sont plutôt faibles dans cette forêt, et on peut mettre la main sur pas mal de FA-boosters ( entre parenthèses, je me souviens encore de ma déception que les Faucons de la Mort, avec un nom aussi cool, n’aient que des stats aussi minables… Ian a récidivé dans la Cité des Voleurs, donc je présume que quand il était petit il s’était fait racketter par une bande de ce nom… ).

Les illustrations de Malcolm Barter ne sont pas déshonorantes.

Il est temps d’aborder ce qui, pour moi, est de loin le plus grave défaut: comme les distances d'un paragraphe à un autre ne sont pas fixées ( Ian, j'aurai ta peau et je la clouerai au plus grand arbre ), il est impossible sans s’y reprendre à cinquante fois de faire une carte fidèle. Moi, en tout cas, je n’y suis pas arrivé. En tout cas, cela souligne le fait que la Forêt est l’ennemi principal…



* Chez Yaztro y’a tout c’qu’il faut… JeSors

** À noter bien sûr que dans ce cas il n’y a pas seulement apport de trésors extérieurs mais déplacement de trésors interne à la Forêt. Il serait possible de faire jouer la Forêt de façon évolutive par des joueurs successifs ( le premier trouvant Grosmollet mourant, les suivants mis au parfum par Yaztromo ) en tenant compte des déplacements des trésors, en remplaçant, au moins en partie, les monstres tués, etc…
Quant à se demander pourquoi on ne trouve pas de filtres à nez et autres produits estampillés Yaztromo dans les antres des monstres, ça doit être parce qu’outre qu’ils ne servent qu’une fois leur durée maximum d’utilisation doit être d’une semaine… à 2 ou 3 po, vous vous attendiez à quoi ?
" Ashimbabbar m'a donné une dague et une épée et m'a dit
: Transperces-en ton corps; elles furent forgées pour toi."
Poème d'Enheduanna
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Messages dans ce sujet
[03] La Forêt de la Malédiction - par Mad_Dog - 10/11/2006, 17:15
RE: [DF] La Forêt de la Malédiction - par Jin - 26/05/2010, 10:13
RE: [DF] La Forêt de la Malédiction - par ashimbabbar - 14/04/2012, 16:45
RE: [DF] La Forêt de la Malédiction - par VIK - 05/09/2013, 08:05
RE: [DF] La Forêt de la Malédiction - par VIK - 05/09/2013, 11:00



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