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Wonder Woman

Publié : 10 juin 2017, 20:37
par Skarn
S'il y avait bien un fim que je n'attendais pas, c'était Wonder Woman. En cause le matériel d'origine qui est incroyablement difficile à travailler : Wonder Woman a des pouvoirs (vol et superforce) qui ne l'aide pas à se démarquer du commun des héros, et notamment de Superman, ses origines divines soulèvent beaucoup trop de questions, son histoire a été revue et corrigée un nombre incalculable de fois sans réellement réussir à se départir de son aspect kitch initial, incarné par sa tenue et son lasso…

Ça, et la non-qualité du traitement des personnages féminins dans les films de super-héros en général. Pour la petite histoire, dans les pubs avant le film, il y en avait une pour des écrans (ou des télés, ou un truc du genre), vantant leur très haute définition sur des images de Catwoman (version The Dark Knight Rises). Filmée selon l'angle standard pour filmer un personnage féminin de dos dans le cinéma d'action. Un gros plan sur un cul dans une tenue moulante quoi.

Un bon rappel de ce qu'aurait facilement pu être ce film. Et de ce qu'il n'est heureusement pas.

En fait, je crois que cela définit bien mon sentiment à l'égard de ce film. Dans l'absolu, le film n'est pas révolutionnaire. On ne sort pas du cinéma avec une vision différente du monde. Mais il réussit à esquiver, plutôt habilement, la plupart des écueils sur lesquels je m'attendais à ce qu'il s'écrase lamentablement, ce qui suffit à le magnifier dans ce monde de productions convenues, voire conservatrices, qu'est le cinéma de super-héros.

Quelques exemples :
  • Au tout début, il y a une scène de baston sur une plage impliquant les amazones. Et bien ça cogne dur. On n'a pas du tout ce cliché insupportable de la combattante féminine qui fait des pas chassés, des glissages, des réceptions en trois points, et vas-y que je me bats, mais de façon féline, agile, subtile, féminine (et en montrant au maximum décolleté et fessier). Là, y'a de la mandale, du pain, de l'impact, et la caméra est centrée sur l'action.
  • Les blagues sur la zigounette de Steve Trevor (la première que voit Diana de son existence) et la sexualité de Diana restent en nombre limité et de relatif bon goût. De façon générale, le film a l'intelligence de rester sobre là où il pourrait facilement virer dans l'exagération inutile, de la vierge effarouchée à la furie qui arrache des testicules à tout bout de champ (version qui a existé dans la BD, cadeau de Frank Miller).
Bon, après c'est pas parfait. Certaines armures des amazones sont plus que discutables (notamment la tenue d'entraînement de Diana, une espèce de tunique moulante brillante bizarre), y'a une scène vers le milieu du film qui ne sert vraiment qu'à montrer l'héroïne en robe de soirée, quelques moments quand même un peu lourds, et :
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On n'échappe pas à la romance forcée, ni au fait que ce sont finalement les paroles de Trevor, son mec donc, qui montrent la voie à suivre à Diana à la fin.
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Mais l'essentiel est là : quand on regarde ce film, on a l'impression que l'héroïne est traitée comme si elle était l'héroïne, et non pas comme un simple objet sexuel. Ça fait bizarre de devoir encore dire ça en 2017, mais dans le microcosme des films de super-héros, c'est encore trop rare.

Bon, et sinon, en tant que film de super-héros, est-ce qu'il se tient ?

Ça va.

On n'échappe pas à un double twist visible des kilomètres à l'avance, avec du foreshadowing (aucune idée de l'équivalent français) aussi subtil qu'un rhinocéros en charge, mais le scénario se tient dans sa simplicité.

En-dehors de très courts prologue et épilogue dans le présent, l'action se déroule intégralement durant la première guerre mondiale, et ne contient donc aucun caméo d'autres séries DC pour se concentrer uniquement sur Wonder Woman (là encore, soulagement). Cela permet également une scène très réussie où Diana avance face aux balles ennemies dans le no man's land entre deux tranchés. Symbolique à tout plein de titres, et mettant bien en valeur sa surhumanité sans avoir besoin d'en faire des caisses.

Les deux méchants principaux (un général allemand et une chimiste) sont d'ailleurs de simples humains, et le problème n'est pas tant de les battre en combat singulier que de se trouver en mesure de les arrêter. On évite ainsi une succession de combats grandiloquents pour se concentrer sur l'horreur ordinaire de la guerre et de ses criminels habituels. L'importance de Diana, toute divine soit-elle, dans un conflit aussi gigantesque est d'ailleurs régulièrement remise en question.

C'est un petit peu gâché par la fin :
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Après tout un film qui insiste sur le fait que les humains n'ont pas besoin de super-vilains pour s'anéantir entre eux, qu'on ne peut pas résoudre tous les problèmes simplement en plantant une épée dans le grand méchant coloré, et qui se retient volontairement sur la pyrotechnie… On conclut sur un affrontement entre dieux à grands renforts d'éclairs et d'images de synthèse moches. Et la mort du méchant coïncide avec la fin du conflit.
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Tout le dernier acte est d'ailleurs un peu en-dessous. Il annonce d'ailleurs la couleur en s'ouvrant sur une scène Diana et les clichés qui lui servent de compagnons (un espion américain beau gosse, un contrebandier amérindien nommé « Chef », un tireur d'élite écossais alcoolique en kilt et un arnaqueur sans doute égyptien nommé Samir et portant un fez) font la fête dans un village belge (francophone) au son de l'accordéon.

Mais en dépit de tous ces défauts, le film dans son ensemble se tient et on passe un bon moment.

Surtout, il redonne de l'espoir. Envers le cinéma de super-héros et envers le film d'action à très gros budget, en redressant nettement la barre après la séries de catastrophes récentes, en étant un film qui se suffit à lui-même, n'est ni une suite ni une incomplète accroche pour une future heptalogie.

Espérons que le succès au box-office qui se dessine convainquent les producteurs de continuer dans cette voie.

Même si je n'y crois malheureusement pas une seule seconde.

RE: Wonder Woman

Publié : 11 juin 2017, 02:27
par Caïthness
Skarn a écrit :On n'échappe pas à un double twist visible des kilomètres à l'avance, avec du foreshadowing (aucune idée de l'équivalent français) aussi subtil qu'un rhinocéros en charge, mais le scénario se tient dans sa simplicité.

Je connaissais pas ce terme ; après recherche, cet article propose "Le climat avant-coureur" (chapitre 4.5 plus bas). La plupart des autres recherches tendent à confirmer l'absence de traduction en français. J'ai trouvé une explication sympa ici aussi.
concernant la manie à la surenchère du cinéma, j'attends avec impatience le triple twist final (si ça existe déjà, dites-moi où)

RE: Wonder Woman

Publié : 11 juin 2017, 07:13
par tholdur
Le terme "twist final" peut très facilement être évité, en parlant de "rebondissement final".

RE: Wonder Woman

Publié : 11 juin 2017, 16:14
par Skarn
À noter que je viens de voir le trailer de Justice League, et que c'est clairement pas lui qui va remonter le niveau, puisque s'il efforce de foncer dans tous les écueils que le film Wonder Woman essaye d'éviter : humour lourd, surabondance d'effets visuels clinquants, scène de combat ressemblant plus à un pub pour shampooing etc.

Sinon, un truc que j'avais oublié et qui m'avais fait mourir de rire dans la salle (mais pas pour les bonnes raisons) : la mythologie grecque revue et corrigée par le cinéma américain.

Attention, c'est du lourd. Si vous êtes féru de mythologie et un peu cardiaque, je déconseille fortement la lecture de ce qui va suivre.

Je vous aurai prévenu :

[spoiler]
« Au commencement, il y avait les dieux, avec Zeus à leur tête. Et puis Zeus créa les hommes, à son image, bons, justes etc.

Mais le fils de Zeus, Arès, jaloux de la création de son père, pervertit le cœur des hommes, qui se mirent alors à s'entre-déchirer.

Pour rétablir la paix, Zeus créa alors les amazones, ambassadrices de la paix, et les envoya arrêter les conflits entre les hommes.

Arès s'attaqua alors aux amazones, et commença à leur faire bobo. Alors les autres dieux s'en mêlèrent. Mais Arès les tua un par un, jusqu'à ce qu'il ne reste plus que lui et Zeus.

Zeus utilisa alors toute sa puissance pour : 1) Blesser gravement Arès et l'obliger à battre à retraite 2) Créer une île magique cachée et y amener les amazones 3) Leur fournir une arme capable de battre Arès s'il revenait.

Puis il cassa sa pipe d'épuisement.

Et depuis les Amazones s'entraînent en prévision du retour d'Arès. »
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(c'est la scène d'introduction, au tout début, mais je mets quand même en spoiler par principe)

En gros, tout est passé à la moulinette chrétienne, et encore, une christianisme vachement simpliste. Zeus tient le rôle de Dieu, Arès celui du Diable, et les amazones sont plus ou moins les anges.