Bon, l'heure est venue de donner mon avis. Cela risque d'être assez long, car il s'agit quand même d'un sacré mastodonte.
Dans
Fleurir en hiver, nous incarnons une servante dans un équivalent légèrement fantastique de la Cité Interdite. La ville-palais est en effervescence avec l'arrivée de trois prétendants à la main de la fille de l'Empereur, et probablement très bientôt Impératrice elle-même, et l'héroïne a décidé à profiter de l'occasion pour s'enrichir en jouant les voleuses et les espionnes, dans le but de changer de condition sociale.
Soyons clairs : l'aventure est, à dessein, amorale, nous encourageant à jouer les agents doubles, triples, quadruples, à voler, à mentir... Cela n'ira pas jusqu'à l'assassinat (même si certaines dénonciations s'en rapprochent), mais ce serait dans le thème. Quinze Yeux est prête à tout pour avoir son argent, et cela se voit.
Ensuite, bien évidemment, jouer sur trop de tableaux à la fois risque d'avoir des conséquences fâcheuses. J'ai trouvé l'aventure bien équilibrée de ce côté là, le texte nous expliquant très vite qu'il ne faut pas faire l'andouille (le 37), et nous le rappelant régulièrement. L'aventure se classe certes en avh difficile, mais c'est plutôt de la bonne difficulté, et on s'en veut de notre témérité ou de notre manque de jugement plutôt que d'en vouloir au texte*, avant de recommencer avec plaisir pour mieux tirer parti de la situation la prochaine fois.
Enfin, un petit bémol sur les relectures quand même. L'aventure comporte des sections assez linéaires et/ou des moments où le lecteur va assez rapidement toujours faire la même chose, car une certaine série de choix est strictement supérieure aux autres. Pour ce dernier cas, je pense surtout aux « quêtes secondaires », des petites (ou moins petites) saynètes où il est possible de glaner un peu d'argent, mais qui n'affectent pas la trame principale de l'intrigue.
Elles sont assez faciles à repérer, la faute en partie aux mécanismes transparents (traduction : on ne note aucun mot de passe), et une fois résolues avec brio, elles ne présentent guère d'intérêt à la relecture les fois suivantes. Elles ajoutent certes à l'
ambiance, en montrant un peu plus la vie ordinaire du palais, mais pas tant que cela à l'
histoire, et il aurait peut-être fallu trouver un moyen de les rendre facultatives.
Honnêtement, j'ai fini par me faire une sauvegarde au 261 (avec +2 sous, et les codes Gris, Vapeur, Hirondelle, Tige, Mésange, Pluie**) pour ne pas me retaper le couloir de l'introduction à chaque fois, et par me faire des notes du type « scène avec machin, sautez directement au XXX avec YY pièces en plus », mais ça restait encore un peu fastidieux.
Toutefois, en parlant d'ambiance, elle est excellente. Je n'ai volontairement pas lu l'aide (c'est un peu comme de lire un manuel, si le produit est bien fait, on ne devrait pas en avoir besoin), et j'ai pris grand plaisir à découvrir les petits éléments de l'univers au fur et à mesure, sans me sentir perdu***. En particulier, la multitude des innombrables serviteurs, leur incessant travail, leur absence totale de perspective d'avenir, tout cela est très bien rendu.
L'aventure propose une grande liberté d'action, il est possible d'obtenir certaines informations ou certains avantages de multiple façons, et il ne me semble pas qu'il y ait aucun code réellement obligatoire (enfin, sauf Amère/Pluie) pour atteindre la fin standard (le pognon), même s'il va nécessairement falloir en accumuler un certain nombre pour augmenter notre pactole.
Mais parlons un peu des fins. Outremer disait
un peu plus haut qu'il n'était pas content d'une de celles-ci, et je pense qu'il parlait de cette conclusion monétaire, qui est effectivement assez frustrante : courte, floue, ne mettant aucunement en valeur ce que l'héroïne a pu accomplir pour l'atteindre, ni ce qu'elle a éventuellement acquis ou appris en bonus au passage (Vapeur notamment). Je ne demande pas un épilogue modulaire à la
Long Live the Queen... Mais si en fait.
Quant aux trois autres fins... Nous entrons dans la zone spoiler.
La première, celle que j'ai eue en premier, est relativement satisfaisante :
[spoiler]
Après qu'elle ait, plus ou moins toute seule, arrêté un complot, et démasqué son instigateur, Mei-Mei se voit proposer par la princesse cadette de devenir son espionne... Tout en la payant assez bien pour qu'elle puisse réellement refuser et arriver à la fin précédente si l'envie lui en prend.
[/spoiler]
C'est cool, il y a un bon ratio risque/récompense, et c'est relativement lié au but donné de l'aventure, vu que cette voie est entremêlée à celle de l'argent.
Les deux autres par contre... Comment dire... Vous vous souvenez de
Au Coeur d'un Cercle de Sable et d'Eau ?
[spoiler]
Une aventure où la meilleure solution pour triompher est juste d'ignorer tout l'archipel qu'on nous propose d'explorer pour plutôt aller faire la sieste ?
[/spoiler]
Et bien là, c'est un peu pareil :
[spoiler]
Ces deux fins ne tiennent aucunement compte de la quasi-totalité de ce que vous avez fait avant. En fait, elles sont même inaccessibles si vous avez été trop bons.
Oubliez la politique, l'argent et toutes ces bêtises. Pour devenir gouverneur, vous n'aurez besoin que de traîner mollement avec une musicienne et un monsieur je-sais-tout, ce qui vous donnera les
trois mots de passe nécessaires pour cette fin. Codes qui ne sont honnêtement pas durs à avoir et s'enchaînent assez logiquement.
Et pour la « meilleure » (même si la plus amorale) des fins... C'est à peine plus compliqué.
[/spoiler]
Autant dire que là, le ratio risque/récompense, il est un peu déséquilibré, et qu'on se demande bien pourquoi on s'est embêté durant toute l'aventure à chercher à comprendre ce qui se passe.
Certes, ce n'est pas totalement capillotracté, mais un certain dégradé selon ce que l'on a ou non réellement accompli serait quand même un peu moins frustrant. Peut-être un système de score, peut-être un système d'épilogue modulaire, mais au moins quelque chose qui récompense, ne serait-ce que psychologiquement, les efforts du lecteur.
Bon, mais en-dehors de ces quelques détails (répétitions lors des relectures, certaines fins déroutantes), vous aurez compris que je ne me serais pas acharné à finir l'aventure dans ses moindres détails, et à rédiger un aussi long message, si elle ne valait pas le coup d'être lue.
Même si, comme d'habitude, elle souffre d'avoir été complétée à la dernière minute et sans relectures et tests qui auraient aisément permis de lisser ses derniers défauts. Certaines choses changent. D'autres ne changent jamais.
Remarques en vrac :
- Le premier lien du 502 devrait renvoyer au 504, pas au 490.
- Je ne pense pas qu'il soit possible d'atteindre le 291 avec le code Pétale.
- Certains codes alternatifs (comme Pierre qui aurait supposément le même effet qu'Acier) ne semblent juste pas exister.
- J'ai pas tout compris au 385, mais c'est probablement normal.
- Au 480, on sent comme une pointe de craquage.
- [spoiler]Empêcher ou non le complot des parfums ne change pas grand chose au final.[/spoiler]
- [spoiler]L'héroïne est totalement aromantique, ce qui est assez surprenant venant d'Outremer. Moi qui ai tenté de la mettre dans le lit de Niahi tout du long...[/spoiler]
*Sauf pour le coup du dahlia, où on est un peu obligé de tomber une fois dedans quand même.
**Alors oui, techniquement, ce n'est pas parfaitement optimal, puisqu'il est possible d'obtenir Mésange plus loin, il vaudrait mieux avoir +10 sous et pas ce mot de passe... Mais honnêtement, il n'y a pas besoin de pousser aussi loin le vice.
***Sauf le fait que la sœur de la princesse est sa jumelle, ce qui n'est explicitement dit que très tard. Certes, on apprend très vite qu'elle a une sœur du même âge, mais sans préciser qu'elles ont exactement le même anniversaire. J'ai ainsi longtemps pensé que c'était simplement la fille d'une autre épouse, les nobles chinois étant polygames.