Un ouvrage de très bonne facture que voilà.
L'écriture est, comme d'habitude avec Outremer, un plaisir, sachant être à la fois soutenue et assez discrête pour se mettre au service de l'histoire et non pas le contraire. C'est très agréable à lire, et on fini par oublier le côté scriptural pour ne plus penser qu'aux évènements qui ont lieu.
L'idée de l'espionnage industriel et l'alternance entre les deux points de vue sont originales et permettent une aventure basée sur la réflexion et un jeu-d'équipe-en-solitaire des plus bienvenus. En revanche, le côté "SF", comme cela a été dit plusieurs fois, est au final complètement gadget, et j'irai même jusqu'à dire inutile. La néomorphose est utilisée brièvement comme artifice de scénario, mais pourrait être tout aussi bien remplacée par un déguisement à l'ancienne, et l'histoire se passer dans les années 50-70. À mon humble avis, cela aurait même été plus crédible.
L'AVH n'a aucune règle, tout se base uniquement sur les choix. Fort heureusement, ceux-ci sont logiques et on évite l'écueil du hasard aveugle ou des solutions tordues et absurdes. J'ai personnellement fini du premier coup, en jouant à fond le rôle du personnage (profil bas, peu de prise de risque, prudence) : [spoiler]Ne voler que la clef du coffre pour minimiser les chances que cela soit remarqué ; faire danser Dioné vu qu'elle est supposée être le clou du spectacle ; voir la salle de sécurité pour se renseigner sur la surveillance ; ne pas faire de vague et suivre le gorille "femme pour moi" plutôt que de faire grincer des dents et attirer l'attention en allant avec son complice ; changer d'apparence uniquement au dernier moment pour minimiser les chances de rencontres malencontreuses potentielles ; laisser les clefs au gorille une fois qu'on a vérifié que celle du coffre avait été bien prise (c'est lui l'espion, je lui fait confiance, il connait son travail) ; jouer l'ivrogne plutôt que d'être suspicieusement séductrice avec le garde ; attirer l'attention sur le "vrai" pour détourner celle du "faux".[/spoiler]
Tout s'est donc passé comme sur des roulettes, et si je n'ai pas encore eu l'occasion d'explorer de fond en comble (déjà que j'ai voté à 23:52... :p) j'ai pu noter avec plaisir que, vu la quantité de codes demandés aux moments suspicieux, et vu le nom de certains d'entre eux... faire l'andouille et attirer l'attention doivent poser, très logiquement, des problèmes
Je me suis juste dit à la fin que, selon toute logique et malgré les apparences,
[spoiler]Reuel va être le grand gagnant, et Dioné risque d'être la grande perdante. Je ne sais pas si c'est volontaire ou pas, mais au final :
Reuel n'a jamais été vu sous son vrai visage. Personne n'a même remarqué qu'il était là, ni que les personnes dont il avait pris l'apparence avaient fait quoi que ce soit d'étrange. Il a été un fantôme, il est probable que personne ne se rende jamais compte de son existence lors de cette soirée.
Dioné, en revanche... Elle était très ostensiblement visible, et il est impossible que ceux ayant interagit avec elle ne se souviennent pas d'elle. Or, elle a couché avec la personne dont la clef du coffre-fort a disparu. Elle a très visiblement fait sortir la sentinelle de son poste. Et dès le soir même, elle dispose soudainement d'une grande quantité d'argent inexpliquée. Heureusement pour elle, Hamada a débarqué avec ses ninjas, sinon elle aurait été toute désignée comme étant la voleuse.
On peut donc logiquement voir l'espion professionnel restant dans l'ombre, et l'amatrice, aussi douée soit-elle, tombant dans les filets de la police. Voulu ?[/spoiler]
Une AVH complète, bien structurée, bien pensée, bien écrite.
Je n'ai au final que deux reproches :
Le premier : l'absence totale de hasard et de règle nuit quelque-peu à la tension. On sait que seuls nos choix déterminent l'issue de l'histoire, donc qu'ils se doivent d'être "justes" (ou frustrants, ce qui serait un défaut pire encore) et que donc les risques pris seront payants s'ils sont sensés. Pas de compteur de temps ou de suspicion, donc pas de pression qui monte. Au final, ça passe un peu trop "comme sur du velour".
Le second est plus vague : aussi bonne soit l'écriture, il manque un je-ne-sais-quoi pour être vraiment absorbé dans l'histoire. C'est peut-être purement mes préférences personnelles inconscientes, ou peut-être un manque réel de l'AVH, mais si j'ai passé un bon moment, je n'ai pas été aussi "ventousé" que j'ai pu l'être pour les deux autres AVH du podium.
En revanche, j'ai beaucoup aimé l'aspect "ping-pong" entre les personnages, et je n'ai pas trouvé cela génant ou "de la triche" d'être dans la tête des deux à la fois et donc de pouvoir synchroniser leurs actions. L'histoire permettait de maintenir la crédibilité de la chose, et cela apportait, comme cité plus haut, un aspect "jeu en équipe", donnant une dose de "jeu" et "méta-jeu" fort appréciable. Probablement mon côté "gamer" qui ressort
