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Petite Histoire de la Littérature Interactive - vador59 - 28/02/2020

La littérature interactive est un genre littéraire qui se caractérise par le fait de proposer des choix de parcours au lecteur, en lui faisant emprunter des voies différentes selon ses choix.

Ce genre a connu une lente maturation au cours du XXeS, avant de connaître, notamment en France, une grande vogue dans les années 80 et le début des années 90.


1941

Examen de la obra de Herbert Quain
El Jardín de senderos que se bifurcan

L'auteur argentin Jorge Luis Borges n'a jamais écrit de livres-jeu mais il a spéculé sur leur forme avant même qu'ils existent, Borges aimait écrire des critiques fictives à propos de livres qui n'existaient pas. Examen de la Obra décrit l'oeuvre d'un auteur fictif (Herbert Quain), et de son livre, Abril marzo, une nouvelle en 13 chapitres qui pouvaient avoir 9 lectures possibles.

El Jardin décrit un auteur chinois Ts'ui Pên, qui se serait retiré afin d'écrire un livre et de construire un labyrinthe. En fait, l'un et l'autre ne font qu'un: le livre ne peut avoir un sens que s'il est lu dans un bon ordre, comme un aventurier qui suit le bon chemin d'un labyrinthe. Alors que les LDVELH possèdent des instructions claires pour passer d'un paragraphe à un autre, les travaux de Borges s'appuient sur les capacités déductives du lecteur pour déterminer l'ordre correct de lecture.

Années 50 à 70

Entre 1958 et 1972, une série pionnière de livres interactifs a utilisé le format LDVELH pour enseigner au plus grand nombre une grande variété de sujets. Tous ces livres ont été publiés chez Doubleday et quelques-uns ont été republiés en Grande-Bretagne par English Universities Press et Macdonald.

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A peu près à la même époque, ont été publiés Doctor Who: Target Books. Il s'agit d'adaptations littéraires de la série télévisée. Aucun des volumes n'est à proprement parler interactif mais certains proposent des fins alternatives. Le premier a été publié en 1964 sous le titre The Daleks, et en 1965, The Crusaders. Par la suite, dans les années 80, les titres seront regroupés suivant un ordre pas forcément chronologique.

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Vient ensuite, en effet, en 1967, le Conte à votre façon de R. Queneau.
La même année est publié Lucky Les, histoire d'un petit chat chanceux sorti de l'école de la marine: 15 chapitres permettant 5 fins différentes.
[Image: luckyl10.jpg]

Années 1970

En 1972 parait le premier opus (Mission to Planet L) de ce qui sera la première vraie série de livres interactifs: Tracker Books. Ces bouquins couvrent des thèmes très différents et présentent plusieurs originalités: ils sont publiés en format paysage et sont extrèmement visuels. Chaque page de texte est associée à une illustration et les choix peuvent aussi bien apparaître dans le texte que dans l'image. Mission to Planet-L possède ainsi 40 sections proposant 4 fins alternatives.
[Image: tracke10.jpg]
1. Mission to Planet L
2. Secret of the Seventh Star
3. The Black Dragon
4. Treasure of Shark Island
5. Codebreaker
6. Skyjacked
7. Action Football
8. Three Men in a Maze
9. Rugger Final
10. Road Racer
11. Reporter on the Trail
12. Codebreaker International

En 1976 commencent les choses vraiment sérieuses avec The Buffalo Castle, premier opus de la série Tunnels and Trolls, et concurrent direct de Donjons&Dragons. Elle a fourni une belle lignée d'aventures en solo tout en étant moins complexe que la concurrence. C'est d'ailleurs la première VRAIE aventure-solo; l'intrigue est simpliste: vous êtes un guerrier de niveau 1, vous pénétrez dans une vieille ruine, vous dégommez les monstres et le boss de fin de niveau, avant de ressortir riche comme Crésus. Il n'y aurait rien d'étonnant à ce que ce livre ait directement inspiré Jackson et Livingstone pour le Sorcier de la Montagne de Feu... The Buffalo Castle compte 150§. Trois de ces Tunnels and Trolls ont été traduits en français (Le Château du Buffle; l'Harmonisateur de Pièges et Condamné au dénuement. J'ai la chance de posséder les deux premiers)
[Image: tntsol10.jpg]
1. Buffalo Castle
2. Deathtrap Equalizer Dungeon
3. Labyrinth
4. Naked Doom
5. Dargon's Dungeon
6. Weirdworld
7. Overkill
8. Beyond the Silvered Pane
9. City of Terrors
10. Sorcerer Solitaire
11. Sword for Hire
12. Arena of Khazan
13. Sewers of Oblivion
14. Sea of Mystery
15. Blue Frog Tavern
16. Mistywood
17. Gamesmen of Kasar
18. Beyond the Wall of Tears
19. Captif d'Yvoire
20. The Amulet of the Salkti
21. Red Circle
22. Caravan to Tiern
23. Dark Temple
24. When the Cat's Away

Tunnels & Trolls va produire à partir de 1978 un magazine Sorcerer's Apprentice, 17 numéros dans lesquels on retrouve quelques aventures en solo (un peu à l'image de ce qui se fera par la suite avec les Warlock Magazine):
[Image: sorcap10.jpg]
First Command
Golden Dust, Red Death
Hot Pursuit
Kingmaker
The Legend of the __________ (adj) __________ (n)
Rogue's Quest
Seven Ayes
Stop, Thief!
A Sworded Adventure
Thief for Hire
Wild Ride

Toujours en 1976, un livre important: Sugarcane Island. Le livre a été écrit en 1969, mais seulement édité 7 ans plus tard chez Vermont Crossroads Press. En 1986, le livre sera révisé, développé et publié dans la série Choose your own Adventure (n°62). Cette série débute en 1979 avec The Cave of Time.
[Image: advyou10.jpg]

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Années 1980
A partir de 1980, Tunnels and Trolls s'associent à d'autres maisons d'éditions que Flying Buffalo pour sortir des aventures en solitaire.

Chez Judges Guild: 
1. The Toughest Dungeon in the World
2. Jungle of Lost Souls
Chez Outlaw Press:
Aberdan's Folly
Dark Depths
Day of Reckoning
The Djinni's Power
The Dungeon of the Demon Mage
Enter the Dragon
Fairy, Fairy, Quite Contrary
The Gauntlet
Ham Fat
The Haunting of Tilford's Hollow
The Infinite Adventure
Revised Khazan
Rogues Gallery
Scandal in Stringwater
Strange Destinies
The Toughest Dungeon in the World
Treasures of the Mummy Queen
Wytches
1. Troll Quest
2. The Village of Kozon
3. Khazan
4. Blood in the Sand - Part 1
5. Minotaur
6. Sewers of Khazan
7. Quests of the Leprechaun
8. Griffin Ridge
9. The Wishing Well of Doom
10. Balrog's Scepter

Et finalement, en 1982, The Warlock of Firetop Mountain... Mais cette histoire-là, vous la connaissez déjà, me direz-vous. Mais le nom de Philippa Dickinson vous dit-il quelque chose? Sans doute pas.

Pourtant, elle a joué un rôle majeur dans la genèse de l'ouvrage: dès 1974, elle intègre la section jeunesse de Puffin Books. Au tournant des années 1981-1982, on lui demande de corriger un ouvrage intitulé alors The Magic Quest. Après lecture, il apparait, d'après elle, que les deux tiers du manuscrit présente des incohérences, dûes en grande partie au fait qu'il a été rédigé par deux auteurs différents, notamment au niveau des règles: Steve Jackson, par exemple, utilise les termes d'HABILETE, ENDURANCE, CHANCE alors que Ian Livingstone utilise Facteur Combat, Facteur Vitalité et Facteur Chance. De plus, la manière de déterminer les totaux était différente! De même, la manière dont les choix étaient présentésdans le texte était aussi incohérente. L'emploi de terme variait aussi selon les auteurs (Loup-Garou pour l'un, Homme-Loup pour l'autre...), certains ne pouvant d'ailleurs pas être utilisés pour cause de copyright! Le plus inquiétant était la différence flagrante de style entre les deux parties de l'aventure; même si Steve Jackson s'est volontairement proposé de réécrire la partie qui était la sienne, cette différence reste toujours perceptible. Néanmoins, sans les corrections apportées par P. Dickinson, Le Sorcier de la Montagne de Feu n'aurait jamais été le succès qui a été le sien!

Il sera traduit en français pour Gallimard, par Camille Fabien, dès 1983, sous ce titre bien connu : Le Sorcier de la Montagne de Feu. En effet, il suffit au lecteur de feuilleter l'ouvrage pour se rendre compte que le livre est divisé en paragraphes numérotés. Quelle étrange chose ! À la première lecture évasive de certains passages, il s'aperçoit aussitôt qu'on le vouvoie… Voilà bien plus insolite encore. Mais quel est donc ce livre ? Le lecteur avisé qui aura commencé par lire l'avertissement, situé tout au début, aura compris qu'il ne s'agit nullement d'un livre passif où l'on nous raconte une histoire avec un début et une fin déterminés par son auteur, mais bien qu'il tient entre ses mains, tremblantes d'émotion, un livre où LUI seul décidera de l'aventure. C'est d'ailleurs pour cela qu'il se nomme : Un livre dont vous êtes le héros. La rumeur court selon laquelle un sorcier garderait dans sa montagne un fabuleux trésor qui « serait enfermé dans un coffre somptueux doté de deux serrures dont les clés sont gardées par diverses créatures à l'intérieur des souterrains. »

[Image: montagne.jpg][Image: sorcier.jpg]

Avatar des jeux de rôles américains, le livre dont vous êtes le héros propose un système différent prévu pour le jeu en solitaire, le livre tenant la place du maître de jeu. Nous pouvons également appeler cela du jeu de rôles solitaire. Le système passe pour unique en son genre, le premier livre de Steve Jackson et Ian Livingstone, ainsi que ses nombreuses traductions, remportent un énorme succès. D'autres livres suivront pour former une série unie par un même fil conducteur, celui du « porte-monstre-trésor », cher à D&D, et que l'on nommera Fighting Fantasy, terme rendu en français par Défis Fantastiques. De nombreux auteurs afflueront pour proposer leurs aventures solitaires et les faire publier sous le sceau des Fighting Fantasy. Et il ne fallut pas attendre beaucoup de temps pour voir apparaître de nouvelles séries aux concepts originaux, le plus souvent issus du genre fantastique.
Années 80 : l'âge d'or des Livres Dont Vous Êtes le Héros

[Image: couronne.jpg]

Dès 1983, l'idée de faire évoluer le héros à travers plusieurs aventures prenait naissance grâce à Steve Jackson et sa série Sorcery! (Sorcellerie!). Le système de règles est le même, à la différence que le joueur a le choix entre incarner un guerrier et incarner un magicien. Dans quel cas il dispose d'une liste de sorts, tous nommés en trois lettres, et qu'il doit étudier par coeur. La série se composera au final de quatre livres et restera l'une des meilleures sagas. Il est à noter que l'utilisation de sortilèges par le joueur fut exploitée la même année dans le tome 2 des Fighting Fantasy : The Citadel of Chaos (La Citadelle du Chaos). Très vite, d'autres auteurs, désireux de rendre davantage de crédibilité aux règles, les complexifieront, tout en conservant cet aspect accessible.
Les caractéristiques du personnage, les possibilités de choix, l'intervention du hasard, se diversifieront en même temps que l'originalité des histoires proposées. La plupart des aventures des Défis Fantastiques se déroulent, indépendamment les unes des autres, dans un même univers qui est la planète Titan. Rien à voir avec le satellite de Saturne récemment exploré. Près de 45% des aventures de la série se déroulent au royaume d'Allansia, environ 8% sur le Vieux Monde et 25% sur le Continent Noir, Khul. Les autres se déroulent dans d'autres univers, notamment dans l'espace (science-fiction). Quant à la série Sorcellerie!, elle se déroule dans le Vieux Monde.
Mais d'autres univers, issus de l'imagination de nombreux passionnés, voient le jour.

[Image: tenebres.jpg]

C'est à Joe Dever, concepteur de Lone Wolf (Loup Solitaire), que l'on doit, en 1984, le premier tome de ce qui sera la plus longue saga de gamebooks jamais conçue. Permettant une progression réelle du personnage, chaque livre achevé correspond à un niveau acquis entraînant le gain de nouvelles capacités, un peu comme dans un jeu de rôles sur table. Nouveauté : le joueur n'a plus besoin de dés, il détermine un tirage à l'aide d'une table de hasard disposée en fin d'ouvrage. Les règles sont tout autres. Le personnage a une identité, vous incarnez Loup Solitaire, un moine guerrier du dieu Kaï évoluant dans le Magnamund et combattant Naar, le dieu maudit. Votre renommée s'accroît au fil des aventures ainsi que vos pouvoirs psychiques et vos compétences d'aventurier. Les aventures sont de plus en plus complexes.

[Image: chateau.jpg]

L'idée de contracter des points d'expérience apparaît la même année dans les aventures burlesques de J.H. Brennan, Grail Quest (Quête du Graal), mais sans la notion de niveau. Inspirées de la légende arthurienne, les aventures de Pip (encore une fois le héros est nommé) nanti de son épée, Excalibur Junior, seront parmi les plus appréciées des lecteurs pour leur humour décalé. Le même auteur publie cette année-là le premier tome de son autre série Fire*Wolf (Loup*Ardent), qui raconte les péripéties d'un barbare chassé d'un village pour avoir « péché » avec Aléna, la fille du chef… Nous tairons les influences certaines de l'auteur. L'histoire est divisée en chapitres et se laisse lire un peu comme un roman (sur ses 4 tomes), même si le principe est toujours celui du jeu. L'humour, signature de l'auteur, est cependant moins présent que dans les Quête du Graal. Grâce à ces nouvelles sorties, les consommateurs ont dès lors la possibilité de choisir l'univers dans lequel ils souhaitent évoluer.
D'autres séries verront le jour, le plus souvent composées de quatre tomes jouables indépendamment les uns des autres. Mais certains objets ou certaines informations récoltées dans un numéro peuvent être utiles au joueur dans les numéros qui suivent. Nous n'omettront pas non plus de citer une série culte que nul n'a oubliée : The Golden Dragon (Dragon d'Or), dont le premier livre, écrit par Dave Morris, sort, comme les précédents, en 1984 sous le titre de The Crypt of the Vampire (Le Tombeau du Vampire). La simplicité des aventures le long des 6 tomes sera cependant regrettable.

[Image: reves_0.jpg]

Nous devons à Mark Smith et Jamie Thomson la conceptualisation, entre 1985 et 1986, de la première série de gamebooks permettant de jouer à deux : A two-player fantasy gamebook. Il s'agit des Duel Master, non traduits en français. Leur système consiste à faire évoluer deux joueurs simultanément au moyen de deux livres différents où chacun incarne un personnage, l'un de type guerrier et l'autre d'essence magique, pouvant se rencontrer dans la même aventure. Ce système sera rapidement exploité par d'autres auteurs, notamment par Andrew Chapman et Martin Allen dans Clash of the Princes (1986-1992), puis par Dave Morris qui travaillera entre 1987 et 1988, avec Oliver Johnson, à la réalisation des aventures en mode multi-joueurs de Blood Sword (L'Épée de Légende) entre 1987 et 1988. La différence est que les joueurs, jusqu'à un maximum de quatre, utilisent le même livre, incluant certains paragraphes collectifs et d'autres pas. Cette série propose aux joueurs le choix entre quatre archétypes : chevalier, prêtre, magicien et voleur, capables de monter de niveau au cours de l'aventure (composée de cinq livres) et donc de voir leurs caractéristiques augmenter grâce aux points d'expérience accumulés comme dans un vrai jeu de rôles. Les combats sont accompagnés d'un plan quadrillé servant à déterminer la position des personnages et de leurs adversaires afin d'en rendre le déroulement plus vivant.

[Image: caithness_0.jpg]

Le système des sagas en multi-joueurs connut également des avatars français en la série Défis et Sortilèges (1988-1992) de Gildas Sagot, où existent quatre premiers livres (donc quatre personnages : une élémentaliste, un ménestrel, un chevalier et un magicien) jouables en même temps, et quatre autres suivants où un seul joueur se voit incarner un groupe de quatre héros aux profils pour le moins particuliers : un paladin, un gnome illusionniste, un barde et un démon. Bien qu'ambitieux, le système exploité dans les quatre premiers tomes se révèle un peu ennuyeux. Dans les quatre premiers, les joueurs parcourent les landes de Dorgan à la recherche d'un objet personnel dont la possession confirmera leur victoire. Ils peuvent s'allier ou se combattre lors de l'aventure.
Bien entendu, il n'aura pas fallu attendre longtemps non plus pour voir surgir d'autres ambiances de jeu que l'heroic fantasy. Très variés dans leurs créations, les deux auteurs Mark Smith et Jamie Thomson, offriront aux lecteurs avides la première série intégralement consacrée à la science-fiction, genre qui se limitait alors à quelques tomes de Fighting Fantasy, noyés dans la masse de l'inspiration médiévale. Il s'agit de la série Falcon (1985-1986), dont seul le premier tome a été traduit en français (série L'Épervier chez Livre de Poche), où l'on incarne en 3033 un agent spécial du TIME voyageant à travers le temps. Vers la même époque, Simon Farell et Jon Sutherland lancent une nouvelle série basée sur des faits historiques, connue chez nous comme la série Histoire. Ces ouvrages étaient toujours accompagnés d'une notice historique.

[Image: sang_2.jpg]

Parallèlement, une série très originale voit le jour en 1985, mise au point par John Butterfield, Davis Honigmann et Philip Parker, il s'agit des Chroniques Crétoises, où l'on incarne le héros Althéos, prêt à vivre les aventures homériques de la Grèce mythique. Peu de temps après, vers 1986, James Campbell1 publie le premier tome d'une des meilleures séries jamais écrite : Les Messagers du Temps, qui allie histoire et fantastique. Il est intéressant de remarquer que cette série constitue la première tentative de proposer un choix entre un personnage masculin et un personnage féminin (le fils ou la fille de la Reine du Temps). En 1987, c'est au tour du genre policier de se voir consacrer une série : Sherlock Holmes, directement adaptée de l'univers de Conan Doyle, dont le premier tome fut écrit par Gerald Lientz.
Si la grande majorité des Gamebooks anglais furent adaptés en français par les éditions Gallimard, sous le sceau de leur collection Folio Junior où ils aménagent une sous-collection portant l'intitulé évocateur que nous connaissons bien, d'autres livres-jeux parurent chez d'autres éditeurs à la même période. Leur succès attira indéniablement l'apparition de plusieurs avatars vers le milieu des années 80. Parmi ceux-ci, seuls les ouvrages de Gildas Sagot furent repris par Gallimard. D'autres éditions proposeront les œuvres d'autres auteurs, également sous forme de séries, de qualités inégales. Nous pouvons citer la collection des éditions Presses Pocket intitulée Histoires à jouer parue entre 1986 et 1988. Le Grand mammouth, rédigé par Fabrice Cayla et Jean-Pierre Pecau, fut le premier tome, ouvrant par la même occasion une première série : Les livres à remonter le temps. Leurs séries de livres-jeux français furent parmi les plus célèbres et abordèrent divers thèmes variés tels que l'histoire, le policier, l'espionnage, ou la science-fiction. Ils n'étaient cependant pas tous réputés pour leur difficulté. En fin de volume, cette collection proposait au lecteur d'adapter l'aventure en jeu de rôles, avec ses amis.

[Image: alamuth_0.jpg]

Toujours en 1986, mais d'un tout autre niveau, paraissent les premiers tomes de l'admirable Saga du Prêtre Jean (collection Maître du jeu, Hachette, Haute Tension) mise au point par Doug Headline et Dominique Monrocq. Elle ne fut malheureusement pas éditée dans son entièreté. En effet, les trois derniers livres annoncés ne parurent jamais. C'est là un problème que n'auront pas oublié les amateurs de Gildas Sagot, dont la série Les Métamorphoses (1993-1994) se vit amputer malencontreusement de ses deux derniers livres. D'autres séries verront le jour dans diverses éditions, notamment Livres de Poche (Livre interactif), Carrere Junior, Albin Poche (Vous êtes le héros), Solar, et Pélican, qui éditeront autant de traductions d'autres Gamebooks moins connus, que Gallimard n'aura pas repris à son compte, que de livres-jeux d'origine francophone.
Si certaines des séries (souvent très courtes) proposées par les autres éditions n'auront pas bénéficié de la notoriété des livres-jeux édités par Gallimard, certains n'en ont pas moins été très originaux et de qualité. Les avatars du genre furent très nombreux, dans bon nombre de pays. Nous ne nous étendrons pas davantage sur la question, car il y aurait matière à rédiger un historique propre à ces derniers.

[Image: quasar_2.jpg]

Avançons néanmoins qu'après l'âge d'or des Livres dont vous êtes le héros, un système novateur de livres-jeux vit le jour en 1997 (pour s'achever en 1999). Mais la passion pour ce type de lecture s'étant estompée, ce concept ne rencontra pas le succès escompté, malgré le nombre de tomes sortis et la qualité des éditions Hachette. Nous parlons ici des Quasar, dont l'une des principales différences était d'avoir proposé aux lecteurs des images de synthèse, dont quelques unes colorées. Davantage proches d'un jeu vidéo (le joueur se déplace d'après des plans où sont indiqués les paragraphes), cette nouvelle collection créée par Migou (collectif) se divise en trois séries : deux d'entre elles prévues pour le jeu en solitaire (Quasar Solo et Méta Solo), et une autre pour un mode multi-joueurs (Quasar Saga) où l'on pouvait incarner un des personnages précédemment joué dans une des séries solos. La méthode, fort originale (mélange de mythologie et de science-fiction), souffrait de règles trop confuses en même temps que brèves, d'une part, et de l'essoufflement du genre, d'autre part.

Dès le début des années 1990, le livre-jeu commence à décliner dans les pays francophones. La baisse des ventes est sensible et par conséquent les rayons consacrés à ce type de livres rétrécissent à vue d'œil dans les magasins, tandis que les bouquinistes d'occasions commencent à contrario à augmenter leurs stocks. Néanmoins Gallimard continue de proposer de nouveaux ouvrages et de renouveler ses offres. En effet, vers 1996-1997, les éditions parent leurs désormais nostalgiques livres dont vous êtes le héros d'une nouvelle couverture, représentant le même dessin que l'ancienne mais nantie de caractères brillants en relief (présentation similaire à celle des Quasar). De plus, cette réédition, qui pouvait passer pour une volonté de relancer le livre-jeu, lui plantait en réalité un couteau dans le dos en supprimant définitivement certains tomes, et parmi les meilleurs du genre, les relayant aujourd'hui au rang de livres rares que certains amateurs recherchent encore chez les bouquinistes, devenus le seul moyen de se les approprier. Certaines séries entières auront ainsi été effacées de la nouvelle édition.
Cependant, Gallimard n'aura jamais cessé d'éditer quelques-uns des nouveaux gamebooks anglais. C'est notamment le cas des derniers Défis Fantastiques, série qui connaît un sursis avec le succès inattendu de Retour à la Montagne de Feu (Défis Fantastiques #50), mais sans lendemain puisque la série s'arrêtera (du moins provisoirement) en 1995 en Angleterre. Loup Solitaire connait également ses dernières heures : après la parution des huit tomes du nouveau cycle où l'on incarne le successeur de celui qui est devenu un véritable Suprême Grand Maître Kaï à l'issue du vingtième numéro, la série s'arrête en 1998 suite à un désaccord entre Joe Dever et l'éditeur Red Fox. Les quatre derniers tomes censés conclure la série ne verront jamais le jour. En trois ans, ce sont les deux principales séries de Livres dont vous êtes le Héros, regroupant à elles deux plus de 90 volumes, qui viennent de tirer leur révérence.
[Image: pharaons_2.jpg][Image: vampire_1.jpg]

La dernière série originale que publiera Gallimard sera également la dernière de J.H. Brennan (curieusement crédité comme Herbie Brennan), Défis de l'histoire, qui cible avant tout les petits enfants, puisque contenant un nombre réduit de paragraphes, mais tout en gardant le ton humoristique des anciennes séries. Le premier numéro sortit en Angleterre en 1997 sous le titre de Egyptian Quest, et fut traduit en français en 2000 par Le trésor des Pharaons. En 1997 sortait chez Gallimard le premier Défis Fantastiques et le premier Loup Solitaire nouveaux revêtus de la seconde couverture: La Revanche du Vampire (Défis Fantastiques #57), traduction tardive du Revenge of the Vampire de Keith Martin(1995), un des meilleurs auteurs de Défis Fantastiques, et La Guerre des Runes (Loup Solitaire #23), traduction du Rune War de Joe Dever (1995). Mais à cette époque les Quasar concurrencent Gallimard, alors que le déclin s'affirme pour les deux. Bien avant Gallimard, Hachette avait déjà arrêté toutes ses séries entre 1987 et 1988, conséquence de la nouvelle ligne éditoriale de la société.


Un grand merci à Ravel, Aragorn, Skarn... et moi-même pour cet historique!


RE: Petite Histoire de la Littérature Interactive - gynogege - 01/03/2020

Je ne sais pas si on est supposé faire des commentaires sur ce texte. Quelques petites remarques:

- je me permets de mettre un lien vers "L'Augmentation" de Georges Pérec, texte paru dans la revue "Communication et Langages" qui est un exemple de "littérature arborescente" (si ce n'est littérature interactive, ce qui pose d'ailleurs la question de la nuance et des liens entre les deux termes); je ne l'ai pas lu en entier, mais en le parcourant vous verrez la parenté évidente avec nos livres-jeux, apparemment il l'a adapté en pièce de théâtre par ailleurs; https://www.persee.fr/doc/colan_0336-1500_1973_num_17_1_3984

- j'avais évoqué l'idée d'une "histoire du livre-jeu francophone" et je trouve que cette section du forum permettre peut-être de répondre en partie à ce manque (sans vouloir m'attirer les foudres de PileouFace Gne ); il faudrait peut-être prolonger un peu avec l'historique des "âges sombres" et la naissance des deux forums, du Yaz et mini-Yaz...

- une autre référence classique de la littérature interactive est "Marelle" de Julio Cortazar (pas lu), un roman qu'on peut lire dans tous les sens (1979); https://www.babelio.com/livres/Cortzar-Marelle/13003

- au niveau cinema, il y a le "Smoking" "No smoking" d'Alain Resnais, mais là on s'écarte de la littérature;

Merci pour tout ce travail !


RE: Petite Histoire de la Littérature Interactive - Dagonides - 29/04/2020

Suggestion : faire de cette compilation un article à proposer à l'un ou l'autre fanzine lié au genre, ça peut faire un papier chouette à lire.


RE: Petite Histoire de la Littérature Interactive - Lyzi Shadow - 30/04/2020

Dans les précurseurs, ma sœur m'avait parlé de Jacques le Fataliste et son maître (1778-1780) de Diderot. C'est globalement un roman (pas du tout linéaire et avec plein de digressions, mais un roman quand même, pas un jeu), mais à la fin, le narrateur donne au lecteur le choix entre trois fins.


RE: Petite Histoire de la Littérature Interactive - Dagonides - 20/05/2020

Les curieux peuvent jeter un oeil à la critique du livre de Gildas Sagot Tout savoir sur les jeux de rôle et les livre dont vous êtes le héros de 1986, ici :

http://www.la-taverne-des-aventuriers.com/t7943-tout-savoir-sur-les-jeux-de-role-et-les-ldveh-gildas-sagot#275866

Sagot est succint quand il évoque les débuts des livres-jeu : il évoque le Conte à votre façon Queneau (1967), puis les Endless Quest de Solar (licence Donjons et Dragons), puis Le Sorcier de la Montagne de feu et les suites que l'on sait. Une chronologie simplifiée, sorte de vulgate, mais visiblement incomplète au regard du premier post de vador59.


RE: Petite Histoire de la Littérature Interactive - Dagonides - 31/03/2021

Autre aïeul dans la grande famille de la littérature non-linéaire, Consider the consequences de Doris Webster et Mary Alden Hopkins (1930).

[Image: 115.jpg]

[Image: 214.jpg]

[Image: 312.jpg]

[Image: 4b10.jpg]
Images issues du réseau social de Twitter d'un dénommé James Ryan xfoml.

Lire à ce sujet les échanges sur La Taverne des Aventuriers :
https://www.la-taverne-des-aventuriers.com/t5963p75-litterature-ergodique#246272
https://www.la-taverne-des-aventuriers.com/t2295p175-ldvelh-on-en-parle-dans-les-medias#282772
Il y a notamment un lien vers une conférence qui l'évoque, ainsi que d'autres ancêtres éloignés du Sorcier de la Montagne de Feu :




RE: Petite Histoire de la Littérature Interactive - Fitz - 31/03/2021

J'ai rate un truc ou les Choose your own adventure ne sont pas mentionnés ?