Citation :L’air torride et sec écrase la savane comme un lion qui, dédaignant l’effort d’égorger une gazelle capturée, aurait affalé sur elle sa masse pesante pour la faire mourir d’étouffement.

Émergeant du vaste hérissement des herbes jaunes et cassantes, cerné par un ciel dont les yeux peinent à soutenir l’éclat, le toit de feuillage du grand acacia offre l’unique îlot d’ombre à perte de vue. La quinzaine de gamins qui s’y trouve assise devant vous est suffisamment engourdie par la chaleur et le contrecoup du rituel de prémunition pour se tenir tranquille tandis que vous racontez l’histoire que vous lui aviez promise :

- J’ai aujourd’hui l’âge de vos parents, petits enfants. Mais lorsque j’avais le vôtre, j’habitais dans un village situé très loin dans la direction où le soleil se lève, si loin qu’il faudrait marcher un an sans s’arrêter pour y parvenir. Le village était au bord d’un fleuve qui avait été énorme, oui, bien plus que le Ngal que vous connaissez, mais qui était devenu complètement sec.

- Pourquoi ? veut aussitôt savoir un garçon.

L’impatience de la curiosité enfantine est une chose que vous êtes suffisamment bon conteur pour intégrer dans vos récits. Prenant donc un air confidentiel, comme si cette question vous faisait révéler un secret que vous auriez sinon tu, vous répondez :

- On dit que ce fleuve était l’ennemi du grand désert, qui a fini par le dévorer. Tant qu’il a existé, la terre se recouvrait de plantes vertes et d’arbres chargés de fruits partout où il coulait. Ses eaux étaient remplies de poissons si nombreux qu’il suffisait à un homme d’y jeter son filet une fois par jour pour nourrir sa famille. On dit même qu’il était possible, en le suivant très longtemps, d’arriver de l’autre côté du grand désert, là où les feuilles des arbres sont en or et les montagnes si hautes qu’elles touchent le ciel.

Avoir pour auditoire des gamins dont le plus âgé doit affleurer les dix ans a ceci d’agréable qu’ils sont absolument prêts à accepter la véracité de ce que tout ce que vous leur racontez. Si vous aviez à leur place des adultes de leur village, le respect qu’ils vous portent en tant que sorcier les empêcherait de vous rire au nez, mais leurs visages exprimeraient clairement la conviction que l’intérieur de votre tête a été un peu trop malmené par le contact répété des esprits. Tout le monde sait qu’il n’existe rien au-delà du grand désert.

(26/06/2016, 22:35)Shamutanti a écrit : Que faisait un vampire dehors en plein jour ?