SpoilerLoin à l'Est de notre pays se trouve, bâtie sur le flanc du volcan de Feryr, la ville de Get-Hor. Jadis, elle était entourée de vastes champs et de verdoyantes prairies ; et selon les légendes qui courent dans la ville, cette époque dura trois milles ans environ. Mais, à son terme, le volcan sur laquelle la Cité était construite entra en éruption ; et les laves et les nuées ardentes brûlèrent tout ce qu'elles rencontrèrent, ne laissant qu'une terre noircie derrière elles. Assurément, il y avait quelque sorcellerie là-dedans ; car, contrairement à ce qui se passe
habituellement, le sol devint et resta stérile ; et la Cité faillit être abandonnée par la centaine d'habitants survivants. Seule la découverte — due uniquement au Destin — de prodigieux gisements de métaux et plu tard de diamants permit à Get-Hor de devenir ce qu'elle est aujourd'hui : une cité minière, qui vit uniquement grâce aux richesses du sol et à l'argent qu'elle en tire.
Je me suis rendu dans cette ville ; et je dois admettre qu'elle m'a paru fort étrange. Sa présence dans le désert poussiéreux alentour est si impossible que l'on croit d'abord à une illusion ; mais ce sentiment disparaît quand l'on s'en approche. Elle est ceinte d'une immense muraille de pierre noire telle qu'elle semble avoir été taillée d'un seul tenant ; et seul un œil exercé peut démontrer la fausseté de cette idée. Ces remparts, entourés de douves remplies de lave, ont probablement été conçus pour résister à un siège ; mais la cité ne produit pas les
ressources avec lesquelles elle pourrait se nourrir ; sans le commerce de matières précieuses et d'armes, elle aurait été depuis longtemps abandonnée. Lorsque l'on passe ensuite la grande porte Sud, on est tout de suite saisi par l'architecture de la ville, si décadente et fantastique que l'on a l'impression que de sombres secrets se cachent entre les hautes voûtes que forme le toit de maisons des rues les plus étroites. Au centre de la ville se trouve le Grand Réservoir. En effet, comme il n'y pas de source ni de puit entre les mur de Get-Hor, l'on a fait d'un métier l'activité d'aller chercher de l'eau à un fleuve coulant à quelques lieues de là. Les Chercheurs d'Eau font ainsi partis des personnes les plus respectées de la Cité. A certains endroits de la ville, de la lave en fusion coule dans les rues, jaillie de profondeurs même du volcan de Feryr ; on a cependant su la contrôler et la faire passer par d'étroits canaux, grâce auxquels le feu liquide alimente les Forges de Get-Hor. Là se forgent encore des épées à la manière perdue des Héogarts, premier des Peuples Orhinityiens à fondre le métal. Ces armes sont réputés dans tout l'Est de notre Continent, et certaines d'entre elles voyagent même jusqu'à Prhêtän, la ville la plus septentrionale du lointain Orguyl.
Grâce à elles, les Horiens purent se lancer sans crainte dans les Grands Conflits, qui ont secoué l'Oloïd durant maintes années, et gagner de nombreux hectares de terre, le rendant moins dépendant du
commerce.
Cette guerre fut menée par le Roi Noir, maître de la ville depuis une cinquantaine d'années. La Dynastie des Seigneurs Noirs, dont les membres sont perpétuellement masqués, remonte à une couple de millénaires, à l'époque où se réveilla le Volcan de Feryr. Le premier d'entre eux, anonyme — comme tous ses descendants par ailleurs — sut réunir les survivants et en faire une nation unie. L'actuel Roi Noir est cependant vieux, et va probablement trépasser dans peu de temps.
Hyt Oll, Géographie et Chronologie de l'Oloïd et ses Peuples, XX, i
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Un sinistre rictus déforme votre bouche. Vous êtes enfin parvenu à ce que vous considérez comme le but ultime de votre vie. Devant vous se dresse la noire muraille de Get-Hor, la Cité du Feu et du Métal. Vous allez pouvoir vous venger du Roi Noir, vous venger de la perte de sa famille, de votre vie, de votre folie, enfin ! Car vous êtes fou ; vous-même ne l'ignorez plus. Vous êtes fou depuis ce jour maudit, où le Roi Noir et ses combattants déferlèrent sur Ak-Ryad la Belle, la réduisant à une ruine fumante. Les soldats détruirent tout ce à quoi vous teniez, sauf votre vie. Non, ils se contentèrent vous le torturer jusqu'à l'aube, bien après que vous eussiez crié grâce. Ses bourreaux partirent alors, et vous n'avez guère de souvenirs d'eux. Vous conservez cependant dans votre mémoire, comme si elle avait été marquée au fer rouge, la ténébreuse silhouette du Roi Noir qui, le dernier, vous frappa de son fouet, avant de vous abandonner, attaché à l'un de rares arbres encore debout. Mais, — malheur à lui ! — vous en avez réchappé, grâce à l’aide providentielle d’un voyageur miséricordieux, et vous vous tenez là, devant la ville. La folie hante votre esprit, et le désir de tuer le Roi Noir obsède vos pensées. La lucidité a en grande partie déserté votre esprit, et ce qui reste est, avec votre intelligence, au service de votre ultime dessein. Pendant de nombreux jours, vous avez marché à la recherche de Get-Hor, vivant comme une bête, traquant vos proies comme un loup, dormant comme un chat, tout les sens aux aguets, même au plus profond de vos rêves de vengeance. Vous n'êtes d'ailleurs guère éloigné de l’animal ! Car votre âme a perdu la faculté d'éprouver la plupart de sentiments propres aux humains, tels que la compassion, l'amour, la jalousie et maints autres encore. Seul reste le désir de vengeance. Que vous allez bientôt accomplir. Un sourire tord de nouveau votre face à cette idée. Votre main descend, sous votre cape, au niveau de votre ceinture, où elle sent la poignée d'un poignard, seul souvenir que vous ayez d'Ak-Ryad. C'est par cela que le Roi Noir mourra — ou que vous vous suiciderez, si, aux premières lueurs de l'aube suivante, votre cible n'est pas morte. Vous souriez une dernière fois, puis vous rejoignez la grande Porte Sud de la Cité, votre bâton de marcheur à la main. Tandis que vous avancez ainsi, les Forges du Roi Noir commencent de concert à exhaler leur fumée sombre, bien visible dans le ciel céruléen du matin. Vous voyez un présage de mort dans ces vapeurs obscures et, bien que vous ne sachiez à qui il s’adresse, estimez que c'est de bon augure…
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