Rendez-vous au 1

Version complète : [Sherlock Holmes Presses Pocket] La Main Rouge
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Une agréable surprise que ce LDVELH original. Déjà, il a beau faire partie de la série Sherlock Holmes Presses Pocket, peu de rapport dans cette aventure avec l'ambiance habituelle de la série car tout se passe à Paris. Mais surtout, il ne s'agit pas d'une enquête minutieuse mais d'une aventure assez haletante qui va nous faire croiser une secte aryenne et les anarchistes de la bande à Bonnot, qui va nous impliquer dans la géopolitique européenne des années 1910 et nous voir affronter des comploteurs, des petites frappes, combattre au poing ou au pistolet dans des lieux célèbres de la capitale, accomplir plusieurs courses-poursuites... Même le héros que l'on interprète n'a rien d'un détective classique, il s'agit d'un journaliste audacieux, plus gouailleur et baratineur qu'expert en énigmes.
L'amorce de l'aventure est un peu bizarre tout de même. On rencontre par hasard Sherlock Holmes himself dans un bistrot alors qu'un de nos copains journalistes vient de mourir au pied de la Tour Eiffel. Comme on souffre cruellement de reconnaissance professionnelle, on se lance à corps perdu dans une enquête très dangereuse pour élucider cette affaire qui va demander autant d'efforts à nos muscles qu'à notre cerveau. D'ailleurs, contrairement à ce que j'avais pensé au départ, les capacités physique et manuelle sont autant sollicitées que la capacité de communication.
Le ton de la narration est étrange également. On s'adresse parfois à nous sur un ton familier, distant avec l'histoire. Le héros ne cesse de se parler intérieurement à lui-même au fil des paragraphes, procédé curieux et déstabilisant mais qui donne une certaine âme au personnage. J'ai bien aimé son côté très audacieux et très rusé : il manie le déguisement, le baratin et le mensonge avec une aisance et une absence de scrupules assez amusante. Le ton est d'ailleurs plutôt humoristique même si le scénario est grave puisqu'il traite des tensions nationales au niveau européen. Mais le plus impressionnant, c'est le parti pris des deux auteurs (néophytes en matière de LDVELH d'après Jeveutout) qui ont décidé d'écrire avec une langue française d'époque, c'est à dire que le vocabulaire utilisé est empreint d'argot parisien, début XXème ou tout simplement populaire ; autant dans la narration que dans les dialogues. Là encore, ça fait très bizarre au début mais je m'y suis vite fait et ça m'a diablement plu. On s'y croit, on vit ce Paris 1910 intensément et ça donne une touche de vraisemblance très rare dans les livres-jeux. En clair, ça fait pro de la part des auteurs.
Sinon l'enquête est sympathique avec de nombreux rebondissements, on est loin de la collecte minutieuse et fastidieuse d'indices propre aux Sherlock version Gallimard. Il existe plusieurs chemins possibles à découvrir qui peuvent tous mener à la réussite. Mais la difficulté est bien dosée car certains PFA attendent les mauvaises décisions. Quelques énigmes intéressantes à résoudre, des mini-jeux plus réussis que dans les Histoires à Jouer. Des personnages hauts en couleur à découvrir même si nombreux sont assez loufoques, le ton général est plutôt second degré (ce qui nuit peut-être à l'immersion en contrebalançant malheureusement l'écriture de qualité).
Niveau jeu, les compétences de base sont correctement utilisées même si les combats sont rares et les chances de tomber à 0 point de vie plutôt minces. Le choix du journal qui rajoute 2 points dans une carac' aide à contrer la malchance qui peut pourrir une partie avec les règles simplistes de cette série. Par contre, le système de points de perspicacité que l'on gagne au fur et à mesure de nos bonnes ou mauvaises décisions n'est pas très convaincant : il indique trop facilement si un choix était judicieux ou non ; ça aide un peu trop pour les relectures mais ça ne gênera pas ceux qui ne comptaient pas faire plus d'un essai (ce qui est dommage vu le nombre d'endroits à découvrir). Globalement, la difficulté est bien équilibrée.
Enfin, on a l'occasion de rencontrer quelques célébrités de l'époque.
J'ai donc bien aimé. Pas transcendant, pas le summum des LVDELH mais c'est vraiment à découvrir.
Lu en quelques heures (c'est un livre-jeu relativement rapide) dans l'édition Posidonia de 2018 reçue en cadeau dans un soirée de jeu de rôles au FIJ Cannes (sympa de la part des organisateurs. Le texte original est de 1988, signé par Joël Augros et Patrick Gervais, l'un est spécialiste de cinéma US et l'autre de certains pans de l'histoire de Paris.

Une petite enquête sympa, où on incarna Fandar (un patronyme qui donne envie de faire des jeux de mots, et oui, c'est un clin d'oeil à Fantomas), un journaliste du Temps, de L'Auto ou du Petit Journal, au choix. Qu'est-ce que ça change, me direz-vous ? Ben ça change vos caractéristiques spéciales ! Les relations et les puissantes archives du Temps, le côté sportif et débrouillard qu'on suppose aux journalistes de L'Auto... Bonne trouvaille, de gameplay, ça.

[Image: giphy.gif]

Notre journaliste Fandar se retrouve croiser Sherlock Holmes par le plus grand des hasards dans un bistrot parisien. L'illustre détective n'accordera d'interview que si le journaliste fait ses preuves lors d'une enquête. Et, ça tombe bien, il s'en présente une !

Pour élucider la mort d'un confrère journaliste, nous voilà parti sur les traces d'une conspiration à travers le tout-Paris, de ses hôpitaux mal fréquentés à ses cimetières qui ne le sont guère moins, en passant par ses musées et ses banlieues anarchistes. On croit reconnaitre, ici et là, des références bien trouvées au Fantôme de l'Opéra (on croise d'ailleurs son auteur, le journaliste et écrivain Gaston Leroux), aux réunions secrètes de sectes à la façon de la littérature complotiste/antimaçonnique de la Belle-Epoque*

Plusieurs petits jeux ponctuent l'histoire, qui se jouent souvent aux dés. Par exemple, une course-poursuite entre un taxi et un métro, qui se joue comme une course de petits chevaux, avec un dé et des cases. Un partie de cartes aussi, et autres petites amusettes ludiques.

Parlons-en, de cette course avec un métro. En taxi, pour trouver une bombe dans la rame. Ajoutez à ça le méchant Allemand et le passage du 60 où on traverse à vélo un grand parc (c'est interdit) pour gagner du temps : hommage à la traversée catastrophe de Central Park dans Une journée en enfer ?... Mais le film est de 1995 et le livre de 1988. Y a des hasards rigolos, comme ça.

[Image: giphy.gif]

Autre bon moment, quand on retourne la technique des "associations libres" contre un psychanalyste bavard, pour lui faire cracher une information... Bien vu ! (au 4). D'une manière générale, les dialogues sont souvent bons, avec un jeu sur les accents, les expressions. La mort du libraire des Balkans est un vrai sketch (au 32). Les morts ou péripéties sont souvent racontées avec ironie ou un humour à froid, j'aime bien.

Des énigmes aussi, où il est question de reconnaître une adresse ou une date dans un échange incomplet, un menu de restaurant dont on lit le 1er mot de la 1ère ligne, le 2ème mot de la 2ème ligne, etc. Une mécanique intéressante, qui rappelle certaines énigmes d'Escape Books. Par contre la manière de vérifier si on a juste est ennuyeuse : des conversions de lettres en chiffres et des sommes, au final même si j'avais en apparence la bonne réponse, je ne trouvais jamais le bon paragraphe et j'épluchais les pages jusqu'à trouver. Une page d'indices et de solutions serait bienvenue. Il est vrai qu'il y a un système de repêchage si on ne comprend pas les énigmes, mais quand même j'aimerais connaître le fin mot de certaines.

Un défaut : pour situer les lieux, les directions, les endroits à proposer en réponse d'énigme, on suppose au lecteur une bonne connaissance de la géographie de Paris.

Une lecture rapide et sympa, j'en lirai d'autres de la même série Wink

ERRATA
Flèche Professeur Cochart orthographié plusieurs fois « Cochait »
Flèche L'industriel Courvoisier orthographié « Courvoigier » au 81
Flèche inversion probable de U et I au 148


*Lire à ce sujet Le Cimetière de Prague d'Umberto Eco, qui s'amuse des clichés, des forgeries et des arguments complo à deux balles... Youtube n'a rien inventé, avec ses Reptiliens Wink