[04] Objectif : Apocalypse
#1
L'histoire se déroule cette fois-ci sur la côte ouest des Etats-Unis en 1989. Ce thème contemporain est le gros point fort du livre car peu de LDVELH proposent de jouer à notre époque. Le côté ingénu du Pérennien que l'on joue est bien mis en avant, on est à chaque fois surpris, agacé ou amusé par les inventions de l'homme moderne et ses habitudes de vie. L'auteur en profite pour tirer à boulets rouges sur la cupidité de ses contemporains et les fast-foods ou pour dévoiler son amour des belles bagnoles (on a l'occasion de conduire 3 bolides différents) et des fruits de mer ; le ton est donc ironique mais reste léger.
On doit gérer plusieurs cartes de crédit bien fournies, dépenser pour son habillement et la nourriture, pour se trouver un véhicule. Peu de détails sont laissés au hasard afin d'augmenter le réalisme de l'histoire. Le style est toujours aussi bon, les paragraphes toujours aussi longs (encore plus que dans les tomes précédents). Tout ça est par contre très linéaire et les quelques changements de paragraphes dépendent de lancers de dés, du sexe choisi par le lecteur ou n'ont alors aucune incidence sur le déroulement de l'enquête. C'est plutôt frustrant.
Il n'empêche que je ne me suis pas lassé de recommencer l'histoire à chaque fois que je mourrais, ce qui s'est produit de nombreuses fois. Ce ne sont pas tant les combats qui sont difficiles (avec un haut score de maîtrise, ils sont inoffensifs) mais plutôt les PFA qui sont fréquents et on a vite fait de choisir une mauvaise décision. A noter en plus un test obligatoire dans les premiers paragraphes ou on a environ 5 chances sur 12 de mourir (un GROS mât).
Une jouabilité qui laisse un peu à désirer donc, surtout que les compétences ne servent quasiment plus et qu'on a même droit à une série de gros combats sur la fin qui mettra rapidement un terme à ceux dont la Maîtrise est seulement moyenne.
L'histoire se laisse néanmoins facilement lire et propose plusieurs personnages intéressants, dont notre allié journaliste aussi cupide que séduisant. La noblesse d'âme des Pérenniens est souvent mise en opposition avec celle tristement "moderne" de cet énergumène. L'enquête est plaisante à suivre même si elle ne sollicite que rarement l'intelligence du lecteur et ne sort pas des sentiers déjà battus par les James Bond and co. On a droit à toute la panoplie du genre : fusillades, courses de voiture, analyses de substances, bluff avec des témoins, déguisement pour infiltrer la base ennemie, cascades motorisées. C'est plutôt classique mais plaisant tout de même car changeant agréablement de l'héroïc-fantasy.
Je n'ai cependant pas trop accroché à la fin qui tourne un peu à la bande dessinée avec un grand méchant ridicule, des armes loufoques, une créature monstueuse... Cela tranchait un peu trop avec le réalisme des scènes précédentes.
Ce 4ème tome m'a quand même bien plu, déjà pour la qualité de l'écriture et l'humour constamment présent dans le récit. Le scénario manque juste un peu de surprises et le plaisir ludique est restreint.

Les Messagers du Temps est au final une série réussie dont la qualité réside surtout dans le dépaysement qu'elle propose (époques historiques variées, possibilité de jouer une femme). Ce mystérieux "James Campbell" (serait-ce un écrivain connu qui n'a pas voulu ternir son nom en avouant écrire des LDVELH?) se hisse au niveau des autre auteurs français comme Gildas Sagot et Doug Headline.
Pour être plus consensuelle, il lui manque surement des histoires plus originales et un aspect "jeu" plus intense mais elle mérite le détour, surtout pour son ton plus adulte que l'ensemble des autres séries.
Répondre
#2
(21/05/2008, 20:06)Fitz a écrit : Ce mystérieux "James Campbell" (serait-ce un écrivain connu qui n'a pas voulu ternir son nom en avouant écrire des LDVELH?) se hisse au niveau des autre auteurs français comme Gildas Sagot et Doug Headline.

D'après wikipedia, il semblerait que James Campbell soit un prolifique auteur pour la jeunesse, nommé Jean-François Ménard. Personnellement, je pensais que c'était Camille Fabien, traducteur de nombreux DF, qui était l'auteur de la série. A force d'en lire et d'en traduire, il a peut-être succombé à l'envie d'en écrire... En effet, il n'a aucune raison de figurer en tant que traducteur (puisque la série est française) sauf pour "signer" son oeuvre !
Répondre
#3
Voici donc le tome 4 de la série "Messagers du Temps", j'ai nommé : Objectif : Apocalypse ! Un titre que je n'ai longtemps connu que par sa couverture, aperçue dans un catalogue Gallimard, qui m'a fait rêver. Elle tranche avec toutes les autres : ce titre quasi journalistique ! Ce Golden Gate apocalyptique, si loin de nos Forêts de la Malédiction, de nos Montagnes du Sorcier !

[Image: sans_t28.jpg]

Le livre-jeu est épais. On le feuillette : les illustrations débordent d'engins roulants et pétaradants. Les paragraphes sont looongs, beaucoup ont plusieurs pages. Pourtant l'intro, malgré son habituelle image étalée sur une 1 page et ½ mariée au texte, est plus réduite qu'à l'accoutumé...


L'INTRODUCTION
Notre commanditaire (et maman), la reine Chronalia, qui depuis le tome 1 ponctue ses discours de « Vous n'êtes pas encore prêts... » ou « C'est un secret que seule une reine doit connaître... », nous révèle ENFIN un de ses mystères. La raison pour laquelle elle abdique le trône d'éternité ? Non... Elle se contente de nous montrer une grotte où des appareils indiquent par des courbes et couleurs... les émotions collectives des humains. Ah. Mouais. On espérait quelque chose de plus renversant.

Songeons plutôt à un autre mystère. Ça ne me frappe que maintenant, mais le visage de la reine Chronalia me paraît avoir quelque ressemblance avec celui de l'illustratrice, Nathaële Vogel. Les inscriptions sur la console qu'on lit à côté de son coude, page 32, forment les initiales NJ ou peut-être NV : une signature ?

[Image: veresu10.jpg]

Je passe rapidement sur les règles propres au XXème siècle : les coups de feu sont plus mortels que ceux des pistolets à silex et des six-coups des tomes précédents. Être touché trois fois, ou à la tête, ou au cœur, c'est la mort. On fera d'ailleurs l'expérience dans ce volume d'une mortalité bien plus importante que d'habitude, avec de nombreux PFA sur un échec aux dés.

Puis zap, l'habituelle Télégéosphère nous emporte vers d'autre lieux et d'autres temps...


LE VOYAGE DU HÉROS / DE L'HÉROÏNE
Autre évidence qui ne me saute aux yeux qu'au tome 4 : notre personnage débute chaque aventure dans une caverne... Comme le héros du « monomythe » ou « voyage du héros », ce schéma-type des aventures, repris à la virgule près par tous les scénaristes d'Hollywood quelle que soit l'histoire racontée. Le nom de l'inventeur du monomythe ? Joseph Campbell. A comparer avec le pseudo sur la couverture : James Campbell...

Pour résumer, l'intrigue sera celle d'un James Bond classique. Remplacez le tremblement de terre provoqué à San Francisco dans Dangereusement vôtre (1985) par un déluge artificiel, et vous obtenez Objectif : Apocalypse. Le méchant est le bien nommé Peter Medduzz, savant à qui le pouvoir de la science a tourné la tête. Tête qui semble farcie d'idées religieuses extrémistes, puisque notre savant agit de concert avec un télévangéliste, le Révérend Montrainer. Lassé d'attendre que Dieu foudroie les infidèles, il a décidé de les noyer lui-même :
paragraphe 109 a écrit :San Francisco est devenue la nouvelle Sodome et San Francisco connaîtra bientôt l'Apocalypse !
Le texte ne le précise pas mais en effet, la ville était bien connue pour sa communauté gay.

[Image: chroni11.jpg]

Notre allié sera un contact de la Messagère du Temps Valiocka, capturée par le méchant Medduzz. C'est un journaliste du San Francisco Herald and Examiner (nom-valise des deux grands journaux de la ville) qui va nous aider. Il se nomme... John Bob de Golf. Oui, de Golf comme Degolf, le traducteur Gallimard qui a travaillé en 1986 sur La Planète Rebelle, et sur d'autres depuis... Un garçon décrit comme cynique, attaché au scoop qui le rendra riche - ou au moins lui permettra de négocier une augmentation. Entre deux verres de scotch qu'il consomme en abondance, il fait appel à l'un de ses collègues...
paragraphe 117 a écrit :« Derrière un bureau est assis un personnage joufflu dont la moue furibonde a quelque chose de réfrigérant. Levant le nez de sa machine à écrire, il vous observe d'un regard noir et inquisiteur. [...]
- De Golf ! Ça m'aurait étonné ! rugit Jeff Nardem. Impossible d'avoir la paix cinq minutes dans ce repère d'analphabètes !
Derrière ce nom-anagramme se cache un caméo. Vous l'avez ? Jeff Nardem : J.F. Ménard, le traducteur et écrivain, auteur sous pseudo des "Messagers du Temps". Il s'est caricaturé avec humour dans son propre livre !
paragraphe 117 a écrit :...ce n'est pas le moment de voyager [Jeff] : tu as deux ans de retard dans ton travail !
Exactement ce que l'illustratrice Nathaële Vogel remarquait à propos de la série "Les Messagers du Temps" dans une interview au fanzine Le Marteau et l'enclume... (n°1, printemps-été 2019).

J'arrête là avec les jeux de clins d'œil, j'aurais pu ajouter l'allusion à l'attentat du Rainbow Warrior en 1985 (page 348)... La « Maynard [Ménard] Investment Bank »... L'hôtel Galmard (Gallimard)... La tenue mal choisie qui fait tiquer les gens, comme dans Retour vers le futur (1985)... Le verre renversé sur les cristaux, provoquant une petite catastrophe comme dans le film Gremlins (1985)... Etc ! Parlons plutôt des


IMPRESSIONS DE JEU
Le parcours est mené tambour battant, au rythme d'un film d'action. En parlant d'action, les courses-poursuites en voiture, camion et moto seront fréquentes, avec même un final opposant un hélico à un navire dans la Baie de San Francisco !

Les actions se résoudront la plupart du temps par des jets de dés : un double est une réussite critique, un chiffre pair une réussite, un impair un échec. Le système des Coups d'Audace conçu pour gérer ces hasards ne sert qu'une seule fois, au 213. De même, les Compétences ne servent presque pas, à part celles d'ARMURIER, et PRESTIDIGITATEUR pour jouer les pickpockets.

Malgré l'avertissement de la reine Chronalia et les remarques pacifistes qui parsèment le récit, on se battra souvent, parfois au pistolet, parfois à mains nues. John Bob de Golf est par chance champion d'arts martiaux, en plus d'être pilote de moto et... d'hélico !

Les scènes distinctes entre Prince / Princesse du Temps sont nombreuses, mais souvent la différence tient juste à une ou deux lignes de dialogue sans changement dans les situations. Exit le comique de répétition sur les remarques caricaturalement sexistes des tomes précédents. A peine la Princesse joue-t-elle une fois la fille forte :
paragraphe 36 a écrit :- C'est moi qui vous emmène [dîner], rectifiez-vous. D'abord parce que vous n'avez plus de moto et que j'ai une voiture, ensuite parce quy'il n'y a pas de raison pour que ce soient toujours les hommes qui prennent l'initiative. Nous irons dans le restaurant que je choisirai !
Ceci dit, la conclusion de l'histoire où Valiocka tombe amoureuse du bad boy, le journaliste menteur et peu embarrassé de scrupules, contredit un peu cette intention. Un peu trop intrigue de roman Harlequin.


QUESTION DE VITESSE
J'ai déjà parlé de l'aspect course-poursuite avec peu de temps morts. Mais cette vitesse, comment transparaît-elle ?

Flèche Des véhicules rapides, on en a plein les illustrations ! le style de N. Vogel est toujours aussi dynamique, suggérant le mouvement. Bâtiments, camion ou hélico sont représentés avec art ; le trait est moins assuré pour les voitures, peut-être pas le domaine préféré de notre talentueuse illustratrice. On voit moins de personnages que d'habitude sur les illus, car elles ont été réalisés avant que le texte soit écrit, d'après des directives et un projet d'intrigue (voir l'interview déjà citée). A ce moment l'auteur n'avait sans doute pas encore une idée arrêtée sur ses héros et leur rôle.

[Image: auto10.jpg]

Flèche Des raccourcis dans l'histoire : un trajet rapide en hélico de Kimsquit (Canada) à San Francisco entre deux paragraphes, alors qu'il y presque 2000km entre les deux. Une étonnante fratrie de quintuplés muets, qui apparait aux côtés de Peter Medduzz et... ne sert presque à rien.

Flèche Une deadline d'écriture ! On sent que la machine à écrire chauffait, qu'il n'y a pas eu de relecture à froid. Ainsi, la révélation de Medduzz dans son monologue de méchant... qui horrifie des héros pourtant parfaitement au courant.
De même, les remarques moralisatrices à propos de l'argent-roi aux USA reviennent très, TROP souvent.
Enfin, les motivations de John Bob de Golf, personnage passionnant, deviennent floues sur la fin : quand notre frère / notre sœur réapparaît, le récit bafouille un peu pour justifier les actions du journaliste, mais cela soulève des questions sans les résoudre.

[Image: apocal11.jpg]
Peut-être la plus superbe illu double page de tous les livres-jeu Gallimard,
à égalité avec celle de
L'Antre des Dragons. Et pour un PFA !


BILAN
Le conclusion d'une saga enthousiasmante et assez unique. C'est dommage qu'elle ne soit pas rééditée et qu'on doive la lire dans des éditions devenues rares et chères, qui craquent facilement (mon exemplaire est tombé en morceaux durant ma lecture). Rééditée avec une petite remise à niveau pour mieux tenir compte des Compétences et des Coups d'Audace, peut-être ?...

[Image: explos10.jpg]
Répondre
#4
Dagonides a écrit :J'arrête là avec les jeux de clins d'œil, j'aurais pu ajouter l'allusion à l'attentat du Rainbow Warrior en 1985 (page 348)... La « Maynard [Ménard] Investment Bank »... L'hôtel Galmard (Gallimard)... La tenue mal choisie qui fait tiquer les gens, comme dans Retour vers le futur (1985)... Le verre renversé sur les cristaux, provoquant une petite catastrophe comme dans le film Gremlins (1985)... Etc !

Même si je ne le poste pas à chaque fois, je suis assez friand de ce genre d'anecdotes, d'autant plus que je suis loin de toutes les relever !
Répondre




Utilisateur(s) parcourant ce sujet : 1 visiteur(s)