[YAZ 2020] Départ d'Eureka
#1
On joue le rôle d'un personnage historique célèbre qui aura permis à l'Australie de gagner le droit de vote et l'indépendance vis-à-vis de la couronne britannique, au milieu du XIXème siècle. Une sorte de William Wallace du bush. Mais ici, la violence et le combat physique laissent place à la politique et à la destinée. Cette mini-AVH propose de grands choix avec un rythme temporel distendu : peu de transitions entre les différentes séquences, des jours ou même des années peuvent s'écouler entre deux sections. On peut aussi bien mourir au combat que se marier ou vieillir heureux, connaître une fin d'aventure heureuse après 10 sections sans rien accomplir que vivre une épopée riche en succès variés. Cela fait penser un peu aux Mercenaires du Levant mais surtout aux vieux Choose your own adventure.

Un scénario original donc, d'autant plus que le contexte historique s'étoffe d'un côté steampunk où les différents métaux qui composent les objets du quotidien peuvent avoir de légers effets magiques. Rien de bien spectaculaire mais cette forme de sorcellerie est communément admise. Cela donne quelques séquences remarquables comme quand on se fait greffer un bras mécanique par exemple.

Surtout, la plume est de grande qualité. Plein de petits détails donnent de la couleur à cette AVH biographique, tant dans les péripéties mouvementées que dans les personnages. C'est donc très plaisant à lire. D'après son prénom, j'ai l'impression que l'auteur australien est une auteure. Cela pourrait expliquer en partie pourquoi l'aventure dégage quelque chose de différent dans sa façon d'aborder la littérature interactive.

Le jeu est intéressant au départ avec ces objets métalliques et magiques à récupérer puis à utiliser. Mais ceux-ci vont se révéler au final très aléatoires. Impossible de deviner comment les gagner ni à quel moment ils vont nous servir. Les blessures n'ont pas une grande importance au final non plus.
Quant aux fins multiples et aux objectifs à accomplir, ils représentent le coeur et l'atout du gameplay. Après cinq lectures, j'étais plutôt content d'avoir réussi à obtenir une fin où je réussissais à valider 7 objectifs sur 8.

Mais au final, je dois avouer que ce genre d'AVH aux parcours brefs et aux fins heureuses multiples n'est pas du tout ce que je préfère. J'aime mieux vivre une aventure plus longue quitte à échouer en cours de route. Même si cette mini-AVH est objectivement de qualité, elle ne m'a pas procuré toute l'émotion et la satisfaction que j'en espérais après avoir découvert les premières lignes.
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#2
Merci pour cette fine critique, Fitz ! J'ai bien envie de traduire ton post en anglais pour le transmettre à Mrs Banks, si bien sûr tu es d'accord !

À noter que depuis la première publication, j'ai changé le titre français en Départ d'Eureka. Désolé pour la mort du premier lien ; la page se trouve désormais ici. Peut-être faudrait-il mettre à jour le titre du topic.
Souris ! Tu ne peux pas tous les tuer...
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#3
Sans problème, même si je suis sur que cette Avh aura bientôt une critique plus positive !
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#4
En une lecture rapide, j'ai atteint 5 objectifs. Que dire ? C'est plaisant, reposant, surtout après Les Marées de Chrome !
On a l'impression de lire un journal intime (le 'je' est de mise et l'emploi du passé renforce cette impression), qu'on a rempli de temps en temps lors d'événements majeurs de notre vie. Les AVH historiques ne sont pas ma tasse de thé, malgré les quelques éléments steampunk qui, au final, n'apportent pas grand chose.
Un bon moment, qui donne envie de tester toutes les alternatives possibles.
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#5
Alors, c'est plein de bonnes idées... Mais peut-être un peu trop pour une soixantaine de sections. Tout va très vite, beaucoup de concepts intéressants sont à peine effleurés (les métaux magiques par exemple), les différentes voies se rejoignent parfois un peu brusquement en l'absence d'une section de transition supplémentaire... Bref, c'est plein de promesses alléchantes, mais en l'état cela tient plus un prototype que de l'œuvre finement ciselée.

Je sais d'expérience* que l'autrice a continué à développer son univers dans d'autres textes et je suis assez curieux de savoir comment ce concept a évolué aujourd'hui.

En fait, ça fait beaucoup penser à ces mini-Yaz' où l'impression générale qui domine c'est que c'est pas mauvais du tout, mais qu'une version longue revue et corrigée serait tellement mieux.

*Vous vous souvenez de Cactus Blue Motel ? Et bien, il a à l'origine été écrit pour l'IFComp 2016, auquel participait également une autre œuvre de Felicity Banks qui a beaucoup de points communs avec celle-ci.
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#6
Cette AVH possède pour moi quelques points communs avec l'Hotel Lugosi. A savoir qu'on est d'abord dans un objet littéraire de type CYOP (Chose Your Own Path) que dans un objet vraiment ludique.
Cela étant dit elle possède des qualités supplémentaires:
- elle n'est pas interminable, au contraire plutôt courte;
- elle est remarquablement écrite et traduite, c'est à dire que pour le coup on a une véritable expérience littéraire avec une scène de charcuterie chriurgicale qui m'a presque donné la nausée (bon, je suis assez sensible là-dessus); donc il y a une ambiance, un univers qui sont posés;
Par contre, là où l'expérience atteint sa limite (et ça aurait fait grincer des dents Caithness s'il l'avait lue): on débarque dans une histoire où on joue un héros avec une histoire, bien connu apparemment de son entourage. Or on a une compréhension plus que superficielle non seulement du contexte historique mais également du héros. On se retrouve donc à faire des choix à peu près au hasard pour savoir si on doit faire confiance à bidule ou à machin. Ce n'est pas inintéressant et je suppose que ça fait partie de l'expérience voulue par l'autrice, mais encore une fois du point de vue ludique ça se situe à l'extrême opposé du livre-jeu classique. On n'a pas le plaisir de se dire "j'ai fait le bon choix", même s'il s'avère que nos choix ont l'air d'avoir été bons.
Par rapport à ce que j'attends d'un livre-jeu, pour moi c'est un gros bémol. Mais ça ne retire rien à la qualité littéraire de l'oeuvre, sa principale force pour moi.
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#7
Merci beaucoup, Linflas, Skarn et Gynogege (à qui je pardonne la première phrase à faire très peur : Hôtel Lugosi, vraiment ?), pour vos retours !

Pour répondre plus spécifiquement à Gynogege : certes, un lecteur-joueur australien trouvera assurément plus vite ses marques dans le contexte historique (quant à nous autres, Wikipédia est notre ami Big Grin ). Mais est-ce un si grand handicap d'être étranger à ce contexte ? de se retrouver à jouer un personnage aux choix déjà inscrits dans l'histoire ? Et oui, je pense que c'était la volonté de l'autrice de ne pas (trop) sermonner le joueur sur ses "bons" ou "mauvais" choix. L'idée est de réécrire une destinée, pas de suggérer celles possibles qui devraient être préférées (sachant que le vrai Peter Lalor, au-delà de son statut de figure nationale, a suscité quelques controverses, abordées dans l'AVH). Les jugements moraux sont laissés au regard du joueur. On notera que les seuls vrais échecs possibles dans l'AVH sont de faire mourir le personnage - et encore, même dans certains PFA, des objectifs proposés au début du livre peuvent être accomplis, relativisant ainsi l'échec. Certains joueurs pourront sans doute être désorientés par ce choix peu "classique" ; quant à moi, c'est une originalité qui m'a séduit.
Souris ! Tu ne peux pas tous les tuer...
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#8
Avec pas mal retard, voici quelques retours et réflexions sur "Départ d'Eureka" (désolé pour les imprécisions car j'écris de mémoire, quelques mois après avoir lu l'AVH) :

- Déjà, super initiative de traduire une œuvre venue d'un pays lointain et qui aborde un sujet qu'aucun auteur français n'aurait pensé à écrire : cela nous ouvre d'autres univers. Donc merci à toi, Loi-Kymar !

- ... et en même temps, du fait de cet éloignement, la charge émotionnelle de la rébellion d'Eureka me semble beaucoup plus faible pour pour un lecteur français que pour les lecteurs australiens (toute proportion gardée, c'est un peu leur prise de la Bastille à eux :  c'est la seule révolte armée - plutôt une escarmouche en fait - qu'ils aient connue). Du coup, le point de départ de l'AVH ne m'a pas trop touché émotionnellement...

- j'ai dû avoir beaucoup de chance car j'ai réussi cette AVH du premier coup (cela ne me ressemble pas) en atteignant la plupart des objectifs. Je crois que j'ai commencé par une décision risquée et ensuite je n'ai pris que des décisions prudentes. Par la suite j'ai testé d'autres chemins et j'ai vu qu'ils étaient plus difficiles, avec plus de dangers.

- les règles m'ont beaucoup plu (notamment l'opposition confiance/prudence) et mériteraient qu'on les réutilise pour d'autres AVH. Elles font un peu penser à celles de "Bonnet rouge" je trouve...

- l'univers steampunk est intéressant mais sous-exploité. Cela vaudrait le coup de le développer davantage dans cette AVH en la rallongeant ou dans d'autres AVH (ce qui apparemment a été fait). Pour ma part je ne connais pas d'autres AVH avec un univers steampunk. Mais cela donne envie d'en lire (voire écrire) d'autres dans cet univers.

- l'idée des métaux magiques est excellente. Là aussi cela mériterait une AVH plus longue. Là c'est un peu rapide, il y a des moments où l'on récolte un nouveau métal à chaque nouveau paragraphe... Il aurait peut être aussi fallu décrire davantage l'effet "magique" du métal quand on bénéficie des propriétés d'un objet en métal.

- Globalement, c'est vrai qu'on prend un peu les décisions "au pifomètre". Il n'y a pas vraiment d'indices permettant de réfléchir à quelle serait la meilleure décision. Idem pour la récolte d'objets en métal : souvent ceux ci nous sont donnés par quelqu'un sans qu'on ait rien à faire pour cela.

- Au fur et à mesure de la progression dans l'AVH, j'ai eu l'impression que la taille des paragraphes (au début une page et à la fin quelques lignes) se réduisaient de plus en plus alors que la période de temps qu'ils traitent s'allongent (au début quelques heures ou minutes et à la fin quelques mois voire années). Est-ce seulement une impression ? Est-ce volontaire ?

- A noter un mécanisme de jeu que j'aime beaucoup et que j’appellerai "la boucle temporelle" ou le "reboot" : vers la fin de l'AVH si on prend une certaine décision (prendre à nouveau les armes pour mener une révolte), on est renvoyé au... paragraphe 1. Perso, j'adore ce truc, même si c'est assez vicieux. On retrouve ce mécanisme dans les derniers paragraphes de "La couronne des rois" et "la dernière prophétie" (et aussi dans mon AVH avec "l'épilogue plébéien").

Voilà cela sera tout pour ma première critique un peu développée. Désolé si c'est un peu en vrac, pas du tout structuré. J'essaierai de faire mieux la prochaine fois.

"Merci pour ce moment", en tout cas !
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#9
Merci, grattepapier !

Pour le retour au "premier paragraphe" (= la Page 2), tu auras compris qu'en fait de "reboot", il s'agit d'une expérience de flash-back dans une AVH. J'ai moi aussi trouvé l'idée excellente, surtout l'effet de surprise quand tu commences à jouer et que tu lis d'emblée "si vous êtes déjà passé par cette page, rendez-vous à...".

Sur la taille des paragraphes, je n'ai pas eu cette impression de réduction progressive. Serait-ce le cas uniquement sur le chemin que tu as pris ? En tout cas, sur d'autres, ce n'est pas flagrant.

Comme répondu précédemment, je ne crois pas qu'il y ait tant de "bonnes" ou de "mauvaises" décisions dans ce jeu, et que c'était précisément la volonté de l'autrice de ne pas trop influencer le joueur dans ses choix, quand bien même il s'agirait d'un personnage au destin historiquement réalisé. L'accomplissement d'objectifs peut éventuellement déterminer un "meilleur" chemin, mais l'argument du jeu me semble être d'inviter à explorer tous les chemins possibles.

Concernant les idées sous-exploitées, je suis assez d'accord. Comme l'a noté Skarn, cette AVH constitue les premiers pas dans un univers historico-fantastique que l'autrice a développé par la suite, essentiellement dans des romans non interactifs.
Souris ! Tu ne peux pas tous les tuer...
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