Littérature SteamFunk/Afrofuturisme
#1
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Mouvement relativement récent et encore méconnu, le Steamfunk se définit comme un univers Steampunk de culture majoritairement noire, où se retrouvent des éléments de la blackploitation, de la SF, de la culture et mythologie africaine. Le mouvement va plus loin qu'un simple "Steampunk noir", l'univers est souvent en rapport avec deux mondes précis : l'Afrique coloniale transposée dans le Steampunk ou le sud des Etats-Unis dans la période de la guerre de Sécession, genre Django Unchained, l'ensemble vu du point de vue de la communauté noire. Il s'agit donc d'une relecture du Steampunk, un Steampunk raconté et vécu sous une perspective aux racines africaines ou afro-américaines.

Pour beaucoup de ses auteurs et artistes, le Steamfunk serait une réaction à l'encontre d'un Steampunk majoritairement vu sous un angle "colonialiste" et "impérialiste" où la culture occidentale s'avère dominante. Ces auteurs noirs ont donc repris les schémas du Steampunk en les modifiant pour créer un nouveau genre où l'esprit, la culture et l'esthétisme "black" seraient prépondérants.

Parmi ces écrivains, citons Valjeanne Jeffers, Milton Davis, Maurice Broaddus, NK Jemisin, Malon Edwards ou encore Balogun. Ce dernier est un écrivain, scénariste et producteur, considéré comme l'un des fers de lance du mouvement. C'est d'ailleurs en tombant sur son site officiel (complètement au pif...) que j'ai découvert ce mouvement. On lui doit Moses :The Chronicles of Harriet Tubman, Once upon a time in Afrika (plus considéré comme Sword and Soul), des nouvelles sur les arts martiaux (dont notre homme est fervent adepte)...
Milton Davis a lui écrit Rite of passage et Ngolo.
Valjeanne Jeffers est quant à elle l'auteur de la saga Immortal qui comprend : Immortal, Immortal II: The Time of Legend, Immortal III: Stealer of Souls et Immortal IV: Collision of Worlds (tournés vers la SF)
Le mouvement semble encore largement "underground" et confidentiel (beaucoup de ces oeuvres se trouvent par le biais du Net) mais pourvu d'une vitalité incontestable. Citons enfin Charles Saunders, considéré comme un inspirateur du mouvement, étant le premier écrivain à avoir imposé un héros noir, Imaro (Il a d'ailleurs écrit la préface de Once upon a time in Afrika).

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(image : reddit.com)

Après le Steamfunk , le continent africain se tourne vers l'avenir avec l'Afrofuturisme.

L'afrofuturisme est un courant, une esthétique, apparu dans la seconde moitié du XXème siècle. À travers la littérature, la musique, les arts visuels, le mouvement a redéfini la culture et la conception de la race noire en incluant des éléments de science-fiction, d'afrocentrisme et de réalisme magique dans un cadre non occidental. Le terme apparaît en 1993 dans un article écrit par le critique culturel Mark Dery.
Le mouvement se tourne vers la Science- Fiction, la découverte spatiale, la technologie, la culture et les arts mais sous le prisme de la culture noire, africaine et afro-américaine, pour rêver d'une Afrique qui aurait poursuivi son évolution sans l'intervention de l'homme blanc. Au passage, de façon sous-jacente, on trouve un aspect militant avec un continent qui n'aurait pas connu le colonialisme et l'esclavage.

Mais l'afrofuturisme va plus loin que cette utopie : il mêle étroitement passé et futur. Ce futur intègre mythologie, magie, chamanisme et traditions de l'Afrique "éternelle" pour imaginer une nouvelle société, tournée vers la liberté, la technologie, mais sans tourner le dos à ses racines. On retrouve également une forte présence de l'Egypte antique, considérée par beaucoup de ces artistes comme le berceau de la civilisation.

Le meilleur symbole de ce mouvement reste le personnage de la Panthère noire, créé pour accompagner le mouvement des Droits Civiques aux USA à l'époque. Un super-héros noir, souverain d'un puissant royaume très avancé technologiquement tout en gardant son mode de vie traditionnel et sans avoir jamais subi l'influence de l'homme blanc.
En littérature, Samuel R. Delany, afro-américain, est le premier à créer dans les années 1960 un univers de SF noire. Côté femmes, c'est Octavia Butler qui s'impose en décrivant  et écrivant une société futuriste noire.

En musique, le mouvement est d'abord représenté par Sun Ra, un pianiste afro-américain qui s'est créé de toute pièce une philosophie mystique où il prétendait être un extraterrestre venu de Saturne pour répandre la paix sur le monde par sa musique. Au-delà de l'aspect anecdotique, l'artiste a proposé dans les années 1960-1970 une musique onirique, avant-gardiste et fortement spirituelle. Il est suivi dans les années 1970 par  le collectif funk Parliament-Funkadelic qui mélange des thèmes spatiaux à ses compositions. Aujourd'hui, c'est Janelle Monae, auteur-compositeur-interprète de Soul Music américaine qui poursuit le mouvement, avec des noms d'album comme Metropolis, Androids ou Electric Lady. Un roman graphique a été tiré de Metropolis, mettant en scène un androïde messianique et muse, venant apporter la liberté à une minorité victime de ségrégation. Toujours en musique, on écoutera aussi Pierre Kwenders, artiste congolais qui mêle musique traditionnelle avec électro et synthétiseurs.
Au cinéma, on notera en 1974 le film The Brothers from another planet qui raconte l'évasion d'un esclave extraterrestre noir dont le vaisseau s'écrase sur Terre.
Entre utopie, dystopie et réalité alternative, l'afrofuturisme imagine un continent africain émancipé de l'Occident et ayant suivi librement sa destinée, sans rien renier de son passé. 
Black to the future…

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(image : pandaancha.mx)
Anywhere out of the world
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#2
Merci pour cette introduction intéressante à de nouveaux univers ! C'est vrai que l'Afrique est souvent le parent pauvre des oeuvres de fiction, et des livres-jeux hors Shamanka. Aucune référence aux cultures d'Afrique Noire dans les DF il me semble, pas plus dans Loup Solitaire... alors que l'Asie et l'Orient au sens large ont souvent la part belle.

Dans la catégorie culture noire, j'ai emprunté à la bibliothèque l'intégrale de "Cercueil et Fossyeur" de Chester Himes, un cycle policier qui se passe dans le Harlem des années 60. Je l'ai dévoré ! C'est à la fois tellement drôle et prenant, une baffe dans la gueule à chaque page (même si c'est un peu répétitif sur la fin). Tout y est, des boîtes de jazz aux sectes évangélistes en passant par les arnaqueurs noirs qui promettent le retour en Afrique, et les arnaqueurs blancs qui vendent le retour dans le Sud... à découvrir pour ceux qui ne connaissent pas déjà !
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#3
Il y a un véritable courant, principalement SF, en Afrique ces dernières années comme j'ai pu m'en rendre compte au cours de mes nombreux et longs séjours sur le "Continent Noir". Mon sujet sur les Nommo Awards dans cette même section en donne un aperçu.
Côté Heroic Fantasy, il y a bien sûr Imaro, le "Conan noir", créé par Charles Saunders, en un cycle que l'on peut retrouver en intégrale chez Mnémos. J'aime beaucoup même si la comparaison avec Conan me semble exagéré.

Niveau jeux de rôle, il y a Aesheba : Greek Africa, un supplément pour Donjons et Dragons qui se passe dans l'Antiquité, dans une Afrique dont une partie a été colonisée par des aventuriers grecs. Ces derniers y ont établi des cités-états et bâti une civilisation mixte, mêlant Afrique et Grèce antique. Sympa mais pas assez développé à mon goût.
Anywhere out of the world
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#4
Il y a quelques années, j'ai joué une petite campagne du JdR Nyambe. Là aussi, ça demandait du travail complémentaire de la part du MJ, et comme pour tout jeu basé sur le D20 System, on sentait un peu le modèle Donjons & Dragons. Mais bien maîtrisé, ça restait sympa et propice à une certaine évasion culturelle.
Souris ! Tu ne peux pas tous les tuer...
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#5
Ha oui, je l'avais oublié celui là, merci !
Je viens de vous poster une petite présentation de Aesheba : Greek Africa dans la section jeux de rôles/plateaux.
Anywhere out of the world
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#6
Merci pour ce petit topo sur un sujet particulier. il se trouve que je suis tombé récemment sur un podcast généraliste de SF qui à fait une première émission sur le sujet de l'afrofuturisme. Il ne s'agit que d'une première émission, d'autres semblent en préparation sur le sujet. Le podcast insiste assez sur le fait que l'afrofuturisme est une notion contesté, notamment parce que le fait que des personnes noires écrivent de la SF, ou que des oeuvres de SF se déroulent dans un cadre inspiré de l'Afrique, n'implique pas forcément qu'elles participent à un mouvement uni et identifiable. Bon, comme le podcast promet d'autres épisodes, et que c'est un sujet nouveau pour moi, je n'ai pour l’instant pas d'avis trancher sur la question.

Le podcast en question : https://www.radiopanik.org/emissions/la-vie-electrique/afrofuturisme-ou-pas-/

Autre remarque comme ça, ce sont des œuvres visiblement à majorité anglophone qui sont cités.

Citation :des livres-jeux hors Shamanka

Il y a aussi Au nord du désert, il n'y a rien, qui se passe dans un cadre africain.
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#7
Wow, le terme et l'esthétique existent depuis... 1993 ? (cf. post de VS)

En attendant le steamqueer.. Wink
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#8
Les deux mouvements, Steamfunk et Afrofuturisme ont quand-même souvent une connotation politique ou/et revendicative : il s'agit majoritairement d'univers où l'homme blanc est absent. L'Afrofuturisme décrit une Afrique qui aurait poursuivi son évolution sans l'intervention de l'homme blanc, donc sans le colonialisme. Si certaines œuvres sont pure évasion, beaucoup semblent quand-même avoir un message sous-jacent.

Après, pour l'aspect anglophone, je pense que c'est justement lié au passé, à la présence britannique dans les pays concernés. Et peut-être aussi pour mieux assurer la diffusion des œuvres ?
Anywhere out of the world
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