[03] Le Port des Assassins
#1
Cette aventure commence plusieurs années après la fin du Maître des Rêves. C'est assez étonnant mais c'est le délai qu'il nous a fallu pour trouver l'emplacement approximatif de la lame de l'épée de Légende : près de la cité de Crescentium, très loin au sud de Krarth et de l'île de Wyrd.

L'ambiance change du tout au tout. Elle est ici proche-orientale, Crescentium rappelant Saint Jean d'Acre occupée par les croisés en plein coeur des territoires musulmans. La religion islamique s'appelle le Tahashim, la chrétienne la Vraie Foi. Les habitudes socio-culturelles des autochtones et des occupants de la Vraie Foi sont décrites à foison avec un luxe de détails inhabituel dans les autres LDVELH. Ce cadre soigneusement pensé et détaillé à souhait immerge parfaitement le lecteur dans une atmosphère rappelant les Mille et Une Nuits (cf les nombreuses légendes auxquelles on va être confronté et qui sont issues des aventures de Sindbad). Il s'agit du gros point fort de ce troisième tome qui mérite d'être lu juste pour évoluer dans ce cadre original et très animé.

Nonobstant cet atout, le scénario est également à classer dans la catégorie "captivant". Tribulations diverses dans la cité bigarrée de Crescentium, quête secondaire sur un vaisseau fantôme qui nous aura peut-être conduit au préalable à voler dans les serres d'un oiseau colossal ou à subir l'attaque d'un poisson titanesque, rencontre avec un djinn tout-puissant, voyage-éclair possible jusqu'en Opalar, à quelques milliers de kilomètres plus à l'est au-delà du désert, confrontation avec le sournois et puissant Sussurrien, survie aux pièges souterrains du mausolée abritant la lame de l'Epée de Vie, duel final avec notre ennemi juré... Les passages d'anthologie ne manquent pas!

En clair, un livre-jeu qui aurait pu friser l'excellence (et riche de presque 600 paragraphes) si sa construction, sa structure s'était avérée plus satisfaisante.

Il existe au début un grand nombre d'aventures secondaires à vivre, de personnages charismatiques à rencontrer, d'objets mystérieux à récupérer... mais il est tellement probable de passer à côté. Trop de voies conduisent à Emeritus de Quadrille alors que les chemins vers la goule, Clovis, le miroir doré, le marin au Trône Pourpre ou d'autres que j'ai conscience de ne pas avoir croisés sont improbables ou semés d'embûches.
C'est vraiment un des grands travers de cette série : proposer au joueur une grande liberté d'action et pour l'utilisation des objets, quitte à attribuer des passages que personne ou presque ne pourra lire. Exemples :
- on peut utiliser le tapis volant pour rejoindre le vaisseau d'Hunguk. Très bien mais le seul moyen de récupérer cet objet dans le tome 2 était que le magicien du groupe asservisse son ancien propriétaire qui avait 9 en Pouvoir...
- qui aura gardé la sphère de feu jusqu'au Tout-en-Un?
- pourquoi prévoir des paragraphes en cas de victoire contre les trois démons majeurs?

Ce sont les premiers qui me viennent à l'esprit et pas les plus édifiants. Toujours est-il que trop de passages intéressants sont d'un accès trop ardu, surtout dans les premières lectures.
Du coup, on a l'impression que l'aventure est très linéaire car on emprunte peu ou prou toujours le même chemin en ignorant les passages annexes, existants mais improbables. Comme de surcroît les combats sont plus nombreux que dans les tomes précédents, les relectures deviennent plus fastidieuses.

La jouabilité décline également un peu par rapport aux tomes précédents et cela découle du système de règles.
Dans le premier épisode, l'aventurier solitaire était désavantagé par rapport à un groupe de quatre.
Dans le second, l'équilibre était trouvé.
A présent, la saga est trop ardue pour un quatuor et presque facile pour un héros unique mais puissant.
Cela à cause des pièges et des adversaires toujours plus coriaces (normal vu que le groupe croît proportionnellement en expérience) qui causent beaucoup de dommages. Ainsi, les adversaires infligeant 5dés voire plus de dégâts en un coup sont monnaie courante. Lorsqu'on a un total de départ de 80 ou 96 points de vie, ça n'a rien d'insurmontable. Mais quand on a 20 points de vie, ça peut faire mal, très mal... Et un groupe de quatre perdant un de ses membres est condamné. J'imagine que ce phénomène va s'accentuer avec la fin de la série.
C'est très dommage car c'est bien plus motivant de jouer plusieurs aventuriers qu'un seul comme dans un LDVELH classique.

Au moins on peut se consoler en se disant que ça donne des options de difficulté, un peu comme dans les jeux vidéo :
pour le mode novice, prenez un héros / mode normal, deux héros / mode difficile, trois héros / mode divin, quatre héros

J'exagère un peu mais j'étais tellement satisfait du système de jeu dans les deux premiers épisodes que ce constat me laisse un goût amer.
Il n'empêche que le Port des Assassins reste un très bon livre-jeu pour les raisons évoquées au début : superbe ambiance, scénario de haute volée, rencontres épiques.
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#2
Il est vrai que certains éléments de l'aventure (et d'autres livres de la série, à l'exception peut-être du cinquième) sont structurellement bizarres : intéressants et originaux, mais aussi difficiles d'accès et ne présentant généralement aucun intérêt matériel pour le joueur.

Dans "Les treize mages", par exemple, il y a une confrontation élaborée avec un mage-vampire qui ne peut avoir lieu que si les joueurs commettent des erreurs de jugement sérieuses et fuient ensuite un combat plutôt facile. Ce n'est pas exactement une récompense d'accéder à cette confrontation (elle est dangereuse et n'offre aucune récompense possible), mais c'est une péripétie sympathique et il est frustrant qu'elle ne soit accessible que d'une manière absurde.

Il y a d'autres livres de Dave Morris où on retrouve ce genre de choses. (Par exemple, dans "Coeur de Glace", la station spatiale et la Société du Sextant utilisent chacunes un bon nombre de paragraphes alors qu'elles sont extrêmement difficiles d'accès.)
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#3
(20/02/2013, 17:57)Outremer a écrit : Il y a d'autres livres de Dave Morris où on retrouve ce genre de choses. (Par exemple, dans "Coeur de Glace", la station spatiale et la Société du Sextant utilisent chacunes un bon nombre de paragraphes alors qu'elles sont extrêmement difficiles d'accès.)

Ah oui ça ne me dit rien du tout malgré mes multiples chemins. Quel dommage NoGreen
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#4
Il est en tout cas certain que le cadre et l'atmosphère de ce LDVH sont d'une qualité remarquable. L'inspiration moyen-orientale vient de deux sources qui sont adroitement mélangées : les Etats Latins d'Orient pour l'organisation politique et sociale, les Mille et Une Nuits pour beaucoup des rencontres surnaturelles (et aussi le goût manifesté par les locaux pour les histoires interminables).

Parmi tous les LDVH que j'ai lu, je dirais sans hésiter que Crescentium est mon cadre urbain favori. Les seigneuries sous domination européenne au Moyen-Orient à l'époque des Croisades sont un cadre très intéressant, notamment par sa cohabitation/confrontation entre deux cultures. Cette inspiration donne d'entrée de jeu une atmosphère forte et originale.

Il est fâcheux que le Prêtre ait la possibilité d'orienter directement le groupe vers Eméritus. Parmi les cinq contacts possibles offerts à un groupe complet, c'est clairement le plus fiable et il est logique de le choisir (lors de la première partie collective, il n'y a eu aucun débat sur la question). Mais ce choix abrège terriblement la prise de contact avec la cité.
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#5
Le Port des Assassins avait tout pour être une véritable tuerie avec sa succession d'idées géniales, mais deux défauts m'ont bloqué :

- L'équilibre du livre : Si ce livre était un repas, il commencerait par une succession d'entrées toutes plus merveilleurses au palais et originales que les autres, et, au moment d'arriver au plat de résistance, on nous sert deux patates mal cuites. C'est un peu ça : la véritable chasse à la Griffe du Démon, après toutes les parenthèses Mille et Une Nuits extraordinaires, est très courte et moins intéressante alors qu'elle aurait dû constituer le corps du livre. C'est même très pervers : à ma première lecture jadis, je m'étais dit "avec tout ce qu'on a en entrée, quand on va arriver au plat de résistance ça va être de la folie", et du coup j'étais resté sur une note déçue. C'est en relisant le bouquin des années après que je n'en avais pas éclipsé les immenses qualités.

- La confontation finale : la rencontre avec le chef des assassins aurait dû être un grand moment, fort, surtout quand on découvre qui c'est. Un potentiel énorme mal exploité.
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#6
(19/02/2013, 18:57)Fitz a écrit : La jouabilité décline également un peu par rapport aux tomes précédents et cela découle du système de règles.
Dans le premier épisode, l'aventurier solitaire était désavantagé par rapport à un groupe de quatre.
Dans le second, l'équilibre était trouvé.
A présent, la saga est trop ardue pour un quatuor et presque facile pour un héros unique mais puissant.
Cela à cause des pièges et des adversaires toujours plus coriaces (normal vu que le groupe croît proportionnellement en expérience) qui causent beaucoup de dommages. Ainsi, les adversaires infligeant 5dés voire plus de dégâts en un coup sont monnaie courante. Lorsqu'on a un total de départ de 80 ou 96 points de vie, ça n'a rien d'insurmontable. Mais quand on a 20 points de vie, ça peut faire mal, très mal... Et un groupe de quatre perdant un de ses membres est condamné. J'imagine que ce phénomène va s'accentuer avec la fin de la série.
C'est très dommage car c'est bien plus motivant de jouer plusieurs aventuriers qu'un seul comme dans un LDVELH classique.

À ce sujet; cela pourrait-il résulter d'un choix délibéré des auteurs
- soit pour rééquilibrer contre les équipes qui auraient gagné 'trop facilement' le 1° tome en mettant le barrage ici alors que pour les solos il se trouvait au 1° ( à ce compte il faudrait voir si un duo n'est pas la meilleure option )
- soit pour plaire aux lecteurs traditionnalistes qui rejetaient les équipes et s'accrochaient au héros unique ?

Si mes souvenirs du 5° tome sont exacts, on a plutôt de meilleures chances en équipe - il est vrai qu'avec l'Épée de Légende et les boni acquis en fin du 4° volume notre groupe devient quasiment inarrêtable. Ce pourrait être un re-rééquilibrage alors…
" Ashimbabbar m'a donné une dague et une épée et m'a dit
: Transperces-en ton corps; elles furent forgées pour toi."
Poème d'Enheduanna
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#7
Je trouve étrange de considérer que les passages "secrets" et le fait que l'auteur se soit casser la binette à fournir plein de possibilités plus ou moins accessibles, soient des défauts du livre 0_o

Au contraire, n'est-ce pas LE point le plus magique dans un LDVELH, que de soudain tomber, lors d'une relecture, sur un passage que l'on avait jamais découvert ?
La violence n'est pas la bonne réponse !
La violence est la question. La bonne réponse est "oui".
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#8
(26/06/2013, 19:06)Akka a écrit : Je trouve étrange de considérer que les passages "secrets" et le fait que l'auteur se soit casser la binette à fournir plein de possibilités plus ou moins accessibles, soient des défauts du livre 0_o

Au contraire, n'est-ce pas LE point le plus magique dans un LDVELH, que de soudain tomber, lors d'une relecture, sur un passage que l'on avait jamais découvert ?

Bien sûr, mais il faut trouver un bon équilibre. Dans ce LDVH (et d'autres de la même série) il y a à mon avis trop de paragraphes consacrés à des possibilités sur lesquelles le joueur tombera très rarement. Dans la première partie du "Port des Assassins", par exemple, il y a une foultitude de petites rencontres/péripéties sympathiques sur lesquelles il est extraordinairement peu probable de tomber. Si le groupe compte un prêtre et suit sa suggestion, cette première partie de l'aventure - à laquelle sont consacrés un bon nombre de paragraphes - est réduite à à peu près rien !

De plus, beaucoup trop de ces péripéties difficiles d'accès ne deviennent accessibles que lorsque le joueur fait des choix franchement mauvais. Le joueur qui fait des choix prudents/logiques va se retrouver sur un chemin nettement plus restreint, qui offrira moins de risques, mais le privera de moments sympas.
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#9
C'est juste un détail, mais l'infâme séquence du sarcophage sauteur pourrait bien venir du film hongkongais Dr Yuan and Wisely / The Seventh Curse / Yuan Zhen-Xia Yu Wei Si-Li. ( le film date de 1986, le book de 1987. C'est envisageable. )

Cela ferait la troisième contribution des films asiatiques de série Z aux gamebooks
" Ashimbabbar m'a donné une dague et une épée et m'a dit
: Transperces-en ton corps; elles furent forgées pour toi."
Poème d'Enheduanna
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#10
Le sarcophage sauteur? Tu peux détailler ce passage dans le LDVELH?
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#11
(21/05/2014, 21:54)Fitz a écrit : Le sarcophage sauteur? Tu peux détailler ce passage dans le LDVELH?

Le piège qui a tué la moitié d'entre vous lors de la partie collective. Tongue
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#12
Ah oui...
Du coup, ça ne me paraît pas si "particulier" que ça, pas sûr du tout qu'il y ait une influence du film dont tu parles pour le coup, Ashim. C'était décrit comme un piège mécanique comme il peut y en avoir tant d'autres.
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#13
il est bien sûr possible que j'aie laissé mon enthousiasme pour la recherche des racines des gamebooks dans des films asiatiques de série Z m'emporter… Big Grin

néanmoins le coup du sarcophage et l'attaque de ses occupants dans Dr Yuan and Wisely pourrait avoir inspiré la séquence piège du sarcophage / 7-en-1. Enfin bon, ça reste du niveau de l'anecdote
" Ashimbabbar m'a donné une dague et une épée et m'a dit
: Transperces-en ton corps; elles furent forgées pour toi."
Poème d'Enheduanna
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