[33] Le Justicier de l'Univers (Martin Allen)
#1
Une petite théorie personnelle me fait comparer les LDVH de science-fiction aux films, avec quatre catégories principales : les blockbusters, les bons films, les nanars, et les navets. S'il fallait classer Le Justicier de l'Univers, trente-troisième tome de la série Défis Fantastiques et unique contribution de Martin Allen, une catégorie s'impose d'elle-même : c'est un nanar volontaire. Du grand portnawak, mais du portnawak assumé et revendiqué, bien lourdingue et aucunement destiné à être pris au sérieux.

Qu'on en juge : dans ce livre, vous incarnez un extra-terrestre à quatre bras (!) chargé de combattre Cré'bastin, un dangereux savant fou, ancien majordome royal (!!) devenu méchant après que le roi ait refusé de l'augmenter (!!!) sous prétexte que, personne n'ayant été augmenté depuis deux siècles sur la planète, cela ruinerait l'économie locale (!!!!). Après quoi le majordome remplace tous les domestiques du palais par ses robots, greffe un ananas géant sur la tête de la reine (!!!!!) avant de s'enfuir sur Aarok, une planète ultra-protégée, pour y construire une armée de créatures théoriquement parfaites (dans les faits, elles ont une tête de chien et 8 en Habileté, ce qui montre le caractère éminemment subjectif de la perfection) qui lui permettra de conquérir la galaxie, objectif surprenant par son classicisme, mais qui m'évite d'avoir à persister dans l'ajout de points d'exclamation, ce qui est toujours ça de pris. Signalons que le vocabulaire est à l'avenant, nous offrant un déluge de termes techniques tordus dénués de toute signification : plans temporels, chaînes stellaires, assassins solaires, cosmoscopes, et j'en passe. Le seul choix offert à la fin du paragraphe 1 est un bijou, et je ne saurais résister à l'envie de vous le copier :

« Votre meilleure alternative est sans doute le voyage spatio-temporel par la quatrième dimension ou le voyage spatio-lumière par la sixième dimension. Tous deux présentent des avantages et des dangers. Lequel allez vous choisir : le voyage spatio-temporel (rendez-vous au 164) ou le voyage spatio-lumière (rendez-vous au 15) ? »

Et ce n'est pas encore le pire, loin de là. Si vous choisissez la sixième dimension spatio-lumière, vous aurez l'occasion d'entrer dans une station spatiale abandonnée où se trouve... un Grobulle. Qu'est-ce qu'un Grobulle ? Les Grobulles sont des grosses boules oranges qui mangent des humains. Celui-ci va donc vous poursuivre dans toute la station, ce qui ne vous empêchera pas de vous arrêter cinq minutes pour... faire un billard.

« Maniant habilement une queue de billard, vous envoyez la boule blanche parmi les boules rouges, en faisant tomber une dans le trou du haut à gauche. Puis vous vous apprêtez à viser une boule orange, dans l'intention de la faire glisser dans le trou du milieu. Une boule orange ? Il n'y a pas de boules orange au billard ! Méfiant, vous tapotez la boule du bout de la queue ; elle se met à trembloter puis s'agrippe et se met à grimper : c'est un bébé Grobulle orange ! Sa mère, une énorme Grobulle, se laisse couler du trou de droite. Vous vous éloignez d'un bond et prenez la fuite, car la maman Grobulle s'est reformée et s'approche en roulant. »

Inutile d'en rajouter. Et la majeure partie du livre est du même acabit : ce ne sont que péripéties plus absurdes les unes que les autres. Vous pourrez ainsi vous retrouver au poste de commande d'un robot de combat, à la lutte contre un autre robot, avec un léger handicap : vous ignorez tout des commandes de votre machine, qui sont par ailleurs des plus weird : souffler dans un tube, briser une ampoule jaune, taper du pied sur une dalle, tirer sur un élastique. Marsatou, le PNJ le plus développé du livre, est une espèce de cyclothymique cinglé capable de vous rouer de coups, puis d'agir cinq minutes après comme si vous étiez les meilleurs amis du monde. À noter que pour une fois, non seulement notre mission n'est pas de tuer le grand méchant, simplement de neutraliser les défenses de la planète Aarok... et il faudra même collaborer avec lui ! Y a pas à dire, ça change.

Je m'aperçois que je n'ai pas parlé des règles concernant le vaisseau spatial du héros, le Météore. Les règles de combat sont assez classiques, mais il y a d'autres règles, qui touchent au maniement du vaisseau. Elles sont incompréhensibles par le public auquel on pourrait penser qu'est destiné ce livre, c'est-à-dire les gosses : il faut calculer tangage, roulis et lacet du vaisseau de façon absolue, mais aussi de façon relative au vaisseau qu'on peut approcher... Heureusement, cette règle ne sert que peu. Malheureusement, elle est généralement employée cinq ou six fois d'affilée, afin de refléter la façon dont le Météore s'approche du vaisseau ennemi, ce qui donne lieu à des paragraphes de deux lignes sans aucune ambiance ; ce constat peut hélas s'appliquer au reste du livre.

Si Le Justicier de l'Univers est une bonne parodie de SF, incluant quelques-uns des pires clichés qui soient et des éléments totalement déjantés, il faut reconnaître qu'en termes de plaisir de lecture, ça n'est pas terrible : quelques moments se traînent un peu, notamment les scènes où il faut manier le Météore, et le style n'est absolument pas accrocheur. Certains en font le pire DF : je ne suis pas d'accord, car ce bouquin assume clairement son côté portnawak, ce qui n'est pas le cas d'autres.
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#2
Très bonne critique, je suis on ne peut plus d'accord avec tout ce qui est précédemment écrit.
N'empêche que ce livre vaut le coup d'oeil juste pour la longue scène du grobulle. J'adore le coup des multiples objets à lui balancer à la gueule pour s'en sortir : un inventaire digne des "pires" Quête du Graal Smile
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#3
Excellente critique, Meneldur !! Mrgreen

Je l'apprécie (la critique) d'autant plus à sa juste valeur que j'ai relu Le Justicier de l'Univers il y a peu (juste avant d'aller voter au 1er tour de l'élection, pour être précis). J'ai en tête tous les passages et c'est exactement l'impression qu'on a : du n'importe quoi puissance beaucoup, manifestement volontaire.

Je ne connais pas la part de responsabilité du traducteur dans l'histoire, mais je me demande si Martin Allen a pas écrit ce bouquin à contrecoeur, pour l'argent, et a voulu s'en débarrasser vite fait mal fait.

En regardant aussi la couverture originale, on se rend compte quand même que le bouquin promet dès cette première vue d'être un "nanar de la SF". Gallimard a eu la bonne idée de remplacer cette couv' par quelque chose de plus présentable.
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#4
Il s'agit de l'un des Défis Fantastiques les plus originaux, les plus déroutants de la série. Le thème choisi est une parodie de space opera où tous les termes compliqués de la science-fiction sont poussés aux limites de l'absurde. Le ton n'est pas léger et franchement humoristique comme celui d'un Brennan mais on nous parle de 72ème dimension, de rétrodéflecteurs axiaux, de méduses pirates... La liste est infinie. L'exagération ne se cantonne pas au vocabulaire mais également aux situations vécues par le héros (un colosse à quatre bras). Dans un univers de SF, tout est virtuellement possible et l'auteur part de ce postulat pour nous submerger de délires ahurissants : bougie géante animée, fuite devant un grobulle (amibe ronde et orange qui dévore tout), poteau sauteur et j'en passe. Difficile d'adhérer complètement à cette farce monumentale qui frise à de nombreux moments l'immaturité mais difficile d'un autre côté de ne pas s'amuser des situations burlesques et de la malice de l'auteur qui joue en quelque sorte avec les nerfs du lecteur puisque rien n'est prévisible dans l'histoire : tout à tout moment peut arriver. Rien n'est impossible mais tout est invraisemblable.
Le pire est que le scénario a une certaine cohérence. La mission du départ est d'aller tuer un ex-intendant royal, généticien à ses heures perdues, réfugié dans une planète fortifiée. La première partie est le voyage jusqu'à la planète, la seconde plus longue consiste à dénicher ce vilain. Certains personnages secondaires sont remarquablement bien décrits et ont pas mal d'interaction avec nous-même. Lorsque la partie "scénario principal" progresse, on a droit à de longs paragraphes presque sérieux qui tranchent singulièrement avec les nombreuses péripéties sans queue ni tête qui émaillent les séquences "voyage". Malheureusement, ces passages structurés et intéressants se retrouvent surtout vers la fin de l'aventure ; peut-être que certains auront abandonné avant ça...
L'aventure est structurée de manière intéressante avec différents chemins pour progresser dans l'histoire, des "fourches" assez développées dont chaque direction mérite d'être explorée. Le gros point noir réside cependant dans la difficulté exagérée qui classe ce DF parmi l'un des plus longs à terminer à la loyale de la série. Pas d'objet indispensable à trouver, pas de combat insurmontable (même si une Habileté trop faible est rédhibitoire car les combats sont très/trop nombreux) mais des PFA à tout bout de champ et très arbitraires. Comme ce LDVELH est insensé, il n'est pas facile de trouver le choix logique à faire et les décisions les plus raisonnables conduisent souvent à la mort. Bref, même la situation la plus anodine en apparence peut nous conduire à l'échec et l'on tremble avant de choisir le nouveau paragraphe. L'autre écueil se trouve dans les règles de combats spatiaux qui se résolvent de manière presque aussi aléatoires que les "combats à un coup" des Gouffres de la Cruauté. J'ai vite renoncé à les jouer. Cette énorme difficulté alliée aux très nombreux lancers de dés rendent les relectures fastidieuses. Heureusement que chaque passage débloqué dans l'histoire réserve son lot de surprises pour préserver l'intérêt et que la fin mérite le coup d'oeil avec un léger rebondissement scénaristique.
Mais bon... Il faut s'accrocher d'une certaine manière pour lire le Justicier de l'Univers jusqu'au bout. Il vaut mieux être prévenu avant de se plonger dedans. Ce n'est certainement pas l'ouvrage que je conseillerais à un novice pour découvrir l'univers des livres-jeux! Même s'il mérite le coup d'oeil pour les connaisseurs du genre par son côté décalé.


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#5
(03/11/2011, 22:36)Fitz a écrit : Pas d'objet indispensable à trouver

Si, le sel. C'est justement ce qui m'avait manqué lors de ma 1ère tentative, il y a 20 ans. J'ai racheté le livre (pas cher) juste pour trouver cet objet et avoir ainsi le sentiment du devoir accompli.
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#6
Ah oui exact. Le fait qu'il faille faire un bon choix directionnel pour le trouver sans indice préalable est assez injuste.
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#7
Copié collé de ma critique sur la Taverne :


Ecrit par Martin Allen, ce DF de SF a la réputation d'être l'un des plus mauvais des 60 titres de la série avec le Chasseur des Etoiles, mais j'ai bien souvent entendu cette phrase :
"Ah, mais le Justicier de l'Univers, c'est différent, c'est parodique"... Bien, je note et je la ressortirai tout à l'heure, cette phrase.

Commençons par l'intro : 6 pages ! Mais c'est presque un record, derrière la Créature du Chaos !
On y apprend comment le majordome du palais , l'infâme Cré'Bastin, pris de passion pour la cybernétique et le clonage, s'est endetté pour construire son laboratoire. Il demande alors une augmentation au Roi, qui refuse de le financer, sous prétexte que personne n'a jamais été augmenté depuis 200 ans, et que cela crérait un "précédent susceptible d'ébranler l'économie toute entière".

Après divers larcins, Cré'Bastin propose à la Reine une opération chirurgicale gratuite d'"embellissement", qu'elle accepte. Erreur, elle est tombée dans un piège : Cré'Bastin voulait se venger du Roi, et, avant de fuir, l'enlaidit considérablement, notamment en lui greffant "un énorme ananas au sommet du crâne". L'ananas, c'est la cerise sur le gâteau...

Pas de doute, c'est bien parodique :

Si j'avais une femme de ménage et qu'elle me demandait une augmentation pour financer son laboratoire pharmaceutique cybergénétique privé, je lui dirais certainement non. Si j'étais marié, et que ma femme de ménage propose gentiment de lui faire opération chirurgicale esthétique gratuite, je lui dirais aussi non :
- Déjà , je ne pourrais être marié qu'à une femme parfaite, donc il serait impossible de la rendre plus belle. Mrgreen
- Ensuite parce que si j'étais marié à une femme parfaite, je n'aurais pas besoin de femme de ménage, logiquement Mrgreen
Je plaisante les filles, hein ? C'était de l'humour, je faisais "semblant" d'être macho. Après on s'étonne que je ne sois pas marié...

Bref, Cré'Bastin s'enfuit, créé une armée de clones, Martin Allen oublie de déposer le copyright et se fera piquer l'idée par George Lucas. Passons.

Nous devons donc traquer l'ignoble Scientifique. Tiens, j'ai oublié de dire qu'on incarnait un E.T. avec 4 bras. C'est original ça. Et pratique si on veut lire un ldvleh en explorant plusieurs § à la fois. Enfin, pour accomplir notre mission, nous avons un vaisseau spatial, le Météore.
Pour le piloter, une page de règles obscures qui parle de valeur absolue : concrètement, il faudrait plutôt rebaptiser le "Météore" en "Boulet".
Je n'ai jamais rien compris à son pilotage, que ce soit adolescent ou plus tard, à l'époque où j'étais au sommet de ma forme mathématique. Si quelqu'un a compris, qu'il m'explique cette histoire de Tangage -30 / Roulis +20 / Lacet -18 .
D'ailleurs, dans le livre, il y a aussi 2 mini-jeux qui sont également lamentables.

Venons-en à l'aventure elle-même. Non je ne spoilerai pas. Notez bien que je n'aurais aucun scrupule à le faire, je vous rendrais même plutôt service en le faisant.
Le Bestiaire du ldvelh est toujours à peu près pareil : on prend un animal, ou un légume, ou un objet. On multiplie son nombre de pattes, ou on change sa couleur. Et on lui donne un nom d'une syllabe qui ressemble à une formule de Sorcellerie, genre : Glip, Krill, Dèk, ou Gloup, Buzz, Fuck, The, Crou, Pion pour vous donner une idée.

Il y a quelques PNJs tous aussi nuls, comme les gardes "Pisselit" et "Crocus", le mémorable Grosbulle, Long-Nez et Grandes-Oreilles, le petit gnome bleu qui conduit une mini-pelleteuse, le majordome-truite, l'homme-cheval sans bras, etc ...
Notez qu'un PNJ nous prend nos armes sans qu'on nous propose même de l'attaquer, et qu'il refait pareil après en nous piquant tout notre fric, mais l'auteur ne nous propose toujours pas de l'attaquer. Je tiens à dire à l'auteur que n'est pas crédible. Même le Dalaï-Lama ne se laisserait pas faire, il pêterait un câble et donnerait dans le coup de boule. C'est d'ailleurs ce que j'ai envie de faire en lisant ce livre.

"Ah, mais le Justicier de l'Univers, c'est différent, c'est parodique"...
D'accord, mais tout le monde n'a pas le talent de Brennan dans Quête du Graal. M'étonnerait que Martin soit le frangin de Woody Allen, vu l'humour.
Parce que le Justicier de l'Univers, ce n'est pas drôle. Il vous vient même des idées de suicide en le lisant.
Ou n'importe quelle autre idée, si vous survivez à la frustration de cette lecture :

Un végétarien s'engloutirait des steacks tartares.
Enrico Macias casserait sa guitare après avoir joué un morceau de death metal.
Un bon baba-cool comme Antoine se raserait les cheveux, mettrait un blouson de skin et irait défoncer son voilier avec une batte de baseball en criant "A Mort" au lieu d'Atoll.
Moi-même, grand collectionneur de ldvelhs qui en prend grand soin, j'ai une envie folle de prendre ce livre et de plonger des aiguilles vaudous dans sa couverture. De le brûler, de le déchirer, de le trainer dans la boue en lui donnant des coups de fouet :
- mais tu vas crever , enfin ? Saaaalllopppeeerie de livre !

Restons zen. Je signale une erreur de renvoi dans le livre, à la fin du paragraphe 1 : on a oublié de nous proposer le choix suivant :
"ou si vous voulez vous épargner une heure de lecture nullissime, rendez-vous directement au 400" : ça ira plus vite, vous n'aurez rien raté, et vous ne songerez pas à cette heure bêtement perdue sur votre lit de mort.


Note : 0 / 20 , ou la valeur absolue de zéro, si vous préférez. Saaaalllopppeeerie !
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#8
C'est décidé, il faut que j'y rejoue.
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#9
Surtout pas, il est injouable!
Il vaut mieux le lire sans tenir compte de la moindre règle, et encore...

Sinon tout n'est pas à jeter quand même, il y a deux passages qui m'ont vraiment amusé (même s'ils sont injouables, en tout cas ne font pas intervenir la logique pour s'en sortir):

-toutes les péripéties du vaisseau avec le grobulle, avec en point culminant la course-poursuite et tous les objets improblables qu'on peut récupérer pour espérer s'en sortir à la fin. C'est un peu le principe de l'épreuve du bourreau dans le manoir de l'enfer, sauf qu'au lieu de nom il faut avoir les objets les moins "comestibles"^^

-le combat contre le Dèk avec là encore une foultitude de commandes improbables et loufoques pour manœuvrer notre engin^^

Et trois éléments que j'ai trouvé très intéressants:

-le cylindre de Zud, cette "bombe à retardement". Il y a vraiment un stress qui s'installe à ce moment-là!

-le caisson piranha, une invention diabolique!

-a fin de l'histoire tend à plus de sérieux (La relation entre Cré'Bastin et Marsatou, le création des Préfectas) et le sentiment résultant est assez étrange.

Au final c'est totalement injouable, totalement frustrant, mais pour les 5 points cités je lui mettrai quand même 05/20.
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#10
Je crois que personne n'a encore expliqué comment marche le pilotage avec ces histoire de Tangage -30 / Roulis +20 / Lacet -18.
C'est frustrant (surtout quand on a résolu les énigmes de Keith Martin de la Tour de la Destruction ou celle de la fameuse porte des Mages de Solani).
Je ne sais pas comment vous faîtes pour vous rappeler autant de détails de ce livre. En dehors de l'épisode avec le Grobulle et le nabot bleu en pelleteuse, j'ai encore tout oublié... quelle chance !
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#11
Moi je me souviens d'un combat naval un peu chelou... Mais ce bouquin fait partie des rares DF que je n'ai lu qu'une seule fois.
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