Les Eveilleurs : Soufrerole, la maison aux spectres
#22
[Attention, le retour qui suit contient beaucoup de révélations sur l’A.V.H.]

J’ai terminé mon premier essai au paragraphe 49, celui où le personnage principal assiste au mariage de sa meilleure amie, alors qu’il est lui-même marié depuis trois mois… Bref, une fin heureuse et plutôt gratifiante.

Toutefois, j’ai soupçonné que le code concorcodia, que le récit me demandait au paragraphe d’avant, permettait d’atteindre une fin où le héros est lui-même l’époux d’Alice. L’issue me paraissait attirante, aussi j’ai recommencé l’aventure dans cette optique.

À ma première tentative, j’ai eu à affronter le démon Soufrerole lui-même, dans la peau de Julien. Auparavant, j’ai visité la cave, le bureau et suis allé faire un tour du côté de la stèle. J’ai fait une partie d’échecs avec Xavier, qui m’a parlé de son rêve étrange, j’ai espionné une conversation entre Éligio et sa dulcinée, alors que j’étais dans le corps de cette dernière en plein voyage dans le passé, et j’ai visité une caverne où m’attendait Lonla, sans me laisser prendre à son jeu.

Ma seconde tentative m’a vu hésiter entre deux possibilités qui se présentent très fréquemment à moi lorsque je joue une fiction interactive : fallait-il que je reprenne le même parcours en essayant d’en dévier au bon moment pour obtenir le code que je recherchais, ou devais-je plutôt multiplier les nouveaux chemins, de façon à maximiser mes chances de trouver ledit code, quitte à ne pas arriver jusqu’au paragraphe 50 ? Au final, je suis parti sur la seconde solution. Je me suis donc mis à privilégier les interactions avec Alice dans chacun de mes choix, pensant que c’était ainsi que je récupérerais le code. Et effectivement, je l’ai vite obtenu.

Malheureusement, j’ai commis une étourderie : lors de la première scène de possession, celle où l’on se retrouve dans le corps de Lonla, je n’ai pas rompu le lien comme je l’avais fait à ma première lecture. Lisant de manière quelque peu hachée, je ne me suis pas souvenu que j’avais eu le bon sens de m’arrêter à temps la première fois, et j’ai cru que j’étais allé jusqu’au bout du rêve. J’ai donc assisté à la mort de mon hôte dans un sacrifice rituel, au grand dam de mon âme…

Pour mon troisième essai, j’ai donc suivi le même parcours qu’au premier, en préférant simplement la conversation avec Alice à la partie d’échecs avec Xavier (du coup, l’accès à la caverne m’était bloqué, mais heureusement cela s’est révélé sans conséquence). J’ai donc atteint sans encombre le paragraphe 50. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir cette fameuse fin !

J’ai pris beaucoup de plaisir à jouer cette aventure, plaisir qui n’a été gâché, à plusieurs reprises, que par une chose : l’orthographe. J’ai vraiment repéré beaucoup de fautes au cours de ma lecture ; ce sont pour moi comme autant de souillures sur un tableau… C’est dommage.

C’est même d’autant plus dommage que le style est bon, voire très bon. Il est limpide et rend la lecture fluide, les descriptions sont très bien faites, le vocabulaire est riche et varié… J’ai également apprécié quelques subtilités de puriste, comme les majuscules accentuées ou l’écriture des nombres en toutes lettres.

Les fautes empêchent toutefois d’apprécier pleinement le style. Un exemple, cette phrase prononcée par Julien (à ce moment possédé), qui parle de Xavier : « Non, tu n’en as que pour son Alice ! » Que signifie ce « son » ? Est-ce une faute, et doit-on lire « ton » ? Ou bien est-ce volontaire ? Dans ce cas, l’adjectif possessif ne pouvant faire référence à Xavier, il faut comprendre qu’il désigne Julien, ce qui ne laisse aucun doute quant au fait que ce dernier est possédé, et que c’est l’entité qui le possède qui parle de lui à la troisième personne. Le problème, c’est qu’on ne peut guère apprécier la figure de style, étant donné le doute induit par les précédentes fautes.

Outre le style, j’ai beaucoup aimé l’histoire. C’est du pur contemporain, on pourrait sans aucun problème s’imaginer (un peu plus jeune, en ce qui me concerne…) à la place de l’un ou l’autre des protagonistes, en vacances au fin fond de la cambrousse. Comment non plus ne pas être touché par les sentiments du personnage que l’on incarne envers « son » (pas de doute, cette fois !) Alice ?… Personnellement, cela n’est pas allé sans m’évoquer un pan de ma vie… (C’est sans doute pour cela que j’ai insisté pour atteindre le paragraphe 50.) J’ai trouvé aussi plutôt adroit la façon de ne pas oublier la raison première de la présence des quatre amis — les vacances — sans alourdir la trame : simplement en évoquant régulièrement mais par petites touches les activités classiques de ce genre de moments : parties de tarot, randonnées… Quant aux personnages, ils m’ont paru tout à fait crédibles, et cette crédibilité permet au lecteur de s’immerger facilement dans le récit.

Concernant le cœur du scénario — la malédiction qui frappe la demeure, le démon qui y est tapi et les personnages qui y sont attachés —, on en découvre les différents pans petit à petit, en fonction de nos choix, et cela fonctionne bien. Les personnages d’Éligio et Lonla sont intrigants et plutôt bien écrits, et le texte réussit à rendre leur histoire touchante alors même que ce sont — du moins aux yeux de la morale… — deux monstres. J’ai apprécié la variété et le charme des scènes dans lesquelles le récit lève partiellement le voile sur le couple maudit : le cahier d’écolier (d’autant que j’aime beaucoup cette comptine), la rose… La scène de la caverne est également bien écrite et très impressionnante, notamment le moment où notre personnage se fait attaquer sans pouvoir réagir et croit alors mourir. Un autre truc tout bête, mais qui m’a plu : le fait de ne pas découvrir tout de suite de quoi retourne le livre trouvé à la cave mais d’en donner l’explication un peu plus tard dans le texte, dans un paragraphe digressif où le héros se réintéresse à l’ouvrage presque par hasard. Ce n’est pas grand chose mais cela apporte consistance et crédibilité à l’histoire.

Enfin, la jouabilité m’a paru bien dosée. Le tout premier choix que l’on fait détermine beaucoup de choses, mais heureusement n’empêche pas d’arriver à l’un ou l’autre des paragraphes finaux. À plusieurs reprises, je me suis senti tiraillé entre deux choix qui m’attiraient autant l’un que l’autre, et il a fallu que je tranche avec la raison plutôt qu’avec le cœur. Je pense à la scène dans laquelle Julien appelle les autres parce qu’il a trouvé quelque chose dans le jardin, ou à celle où l’on attend Alice à minuit… Cette tentation permanente rend l’aventure agréablement stimulante.

Seul petit regret : la fin du paragraphe 49 aurait, je trouve, mérité un tout petit peu plus de consistance. Je pense qu’il est bon qu’elle ne soit pas aussi détaillée que celle du paragraphe 50, qui reste la fin dramatique, mais, tout de même, quelques mots de plus pour que le lecteur ne reste pas avec la semi-impression de ne pas avoir réellement atteint une bonne fin auraient été appréciables, à mon humble avis.

Je suis curieux de lire ce que d’autres lecteurs pensent de ces deux fins. Pour moi, le 49 est la meilleure issue, mais le 50 vaut également clairement le coup qu’on termine sur lui. Ayant atteint le premier dès mon premier essai, je suis plutôt content ; mon seul regret est d’avoir dû laisser mourir ce pauvre Julien… Aussi je me dis que la « victoire » (toujours selon mon seul point de vue) ne peut être complète que si l’on arrive à sortir les quatre personnages en vie de la Soufrerole, mais cela nécessite de faire le bon choix dès le début… et cela laisse le démon en vie. Je n’ai pas souvent hésité ainsi quant au meilleur dénouement d’une fiction interactive. Chacun a ses pour et ses contre… C’est pour moi une belle preuve de qualité.

Mon parcours : 1, 45, 26, 20, 39, 30, 23, 36, 41, 24, 9, 15, 37, 2, 43, 22, 47, 42, 6, 31, 21, 14, 35, 49. Nombre de tentatives : 1.
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RE: Soufrerole, la Maison aux Spectres (Kraken) - par Jehan - 09/08/2017, 17:16



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