Dans un élan d'énergie colossal, je viens d'achever le premier jet de la première moitié du premier paragraphe de ma mini-AVH.
(Il sera précédé d'une introduction qui ne figure pas ci-dessous, mais elle fera à peine une dizaine de lignes.)
MODIF : J'ai fini d'écrire ce premier paragraphe (il m'aura juste fallu 3000 ans). Je ne vais pas tout poster, ce serait un peu long, mais voici grosso modo les deux tiers du paragraphe.
- Merle ! Ho ! Merle ! Arrête de ronfler et ramène-toi !
Des stries lumineuses verticales, une à une, se frayent un chemin à travers un mur insipide et gluant. Elles se joignent en une ligne horizontale, qui s'épaissit et se précise jusqu'à ce que vous ayez tout à fait ouvert les yeux.
Vous êtes allongé sous l'azur du ciel et la blancheur bombée du foc, le grelot des vagues à vos pieds et les bruits du gréement voisins de votre tête. Votre mouvement pour vous redresser, un peu trop brusque, fait naître un vertige désagréable que vous dissipez en avalant une gelule contre le mal de mer. Puis vous vous glissez comme un lézard jusqu'à l'arrière du bâteau.
Safran se tient à la barre, ses jumelles autour du cou, sa queue de cheval brune lui flagellant la nuque de façon désordonnée. Le reste de sa personne - avec son visage anguleux, ses membres élancés et ses vêtements ajustés - n'offre guère de prises au vent.
- Qu’y a-t-il, ma bonne demoiselle ? demandez-vous en la rejoignant. Est-ce que tu veux que je te remplace ? Que je vérifie notre position ? Que je prépare le déjeuner ?
- Oui, oui et oui, mais en commençant par la deuxième chose. Je crois que nous approchons de notre destination.
Vous tournez la tête vers la proue du bâteau. À peine distinct derrière les fragments de soleil ballottés par les vagues, un vague relief semble en effet déformer l'horizon. Votre regard y reste un long moment attaché, sans que cela ne parvienne à coaguler vos pensées.
L’examen du radiocompas, de la boussole et de la carte vous permet rapidement de confirmer qu’il s’agit bel et bien de votre objectif.
- Je vais nous mettre face au vent, annonce Safran. Nous pourrons finir de nous préparer sans attendre la dernière minute.
La prévisibilité de cette précaution vous amuse et vous tranquillise à la fois. Vous n'avez jamais vu Safran se lancer dans la moindre entreprise avant de se sentir parée à toutes les éventualités.
Résumer une amie de longue date en seulement quelques phrases insulterait l'infini qui se trouve en elle, et vous connaissez Safran depuis votre plus jeune enfance, étant né seulement quelques mois avant elle, à cette époque brève où la mode, à Pyrrha, voulait qu'on donne à son rejeton le nom d'une espèce naturelle présumée disparue. Mais si vous deviez, comme un impressionniste, fournir quelques détails qui suggèrent tout le reste...
Enfant déjà, elle adorait les outils et transformer les objets cassés en composants utilisables. Adolescente, elle a découvert avec enthousiasme et quelques conseils judicieux de votre part qu'elle aimait les cerises. Adulte, elle dirige l'un des principaux ateliers de Pyrrha et des expéditions de récupération. Elle possède des compétences médicales, le goût de l'aventure, ce bâteau et assez fréquemment sa compagne. Alors que cela ne servira pas avant au moins dix mois, elle a déjà pris les mesures de sa chambre exiguë et le temps de dessiner au moins une vingtaine de schémas de berceaux différents.
- Un coup de main pour la manœuvre ? offrez-vous.
- Va plutôt demander à notre hackeuse si elle aura bientôt terminé son boulot ou si elle compte seulement s'y mettre.
Vous descendez dans la fournaise de la cabine oblongue, où vous trouvez Cerise, les fesses sur une banquette, les pieds sur la table et son ordinateur replié à côté d'elle, en train d'annoter son journal des songes.
- Ta copine voudrait savoir si tu es un papillon qui rêve qu'il est une cerise, lancez-vous, ou une cerise qui a rêvé qu'elle était un papillon.
Cessant d'écrire, elle tourne vers vous ses yeux fuselés, dans lesquels votre suggestion absurde vient de susciter une réflexion nouvelle.
- La nuit passée, dit-elle en enroulant une mèche de cheveux noirs autour de son crayon, j’ai rêvé que je me trouvais enterrée sous des tonnes de détritus et de gravats. J’y voyais une métaphore, mais peut-être que je suis réellement un cadavre enseveli et que j'imagine tout ceci.
- En tant que fantôme, je présume que tu as pu hanter nos amis insulaires sans te faire remarquer ?
Sa moue éthérée s'élargit soudain en un sourire tout ce qu'il y a de plus vivant.
- J'ai neutralisé leurs petites précautions il y a cinq minutes, en cinq minutes. Nous ne risquons plus de recevoir une roquette sur la tête. À vrai dire, je m'attendais à bien plus compliqué : leur sécurité devait être à la pointe de la technologie il y a un siècle, mais elle n'a pas évolué d'un pouce depuis.
Lorsque vous lui apprenez que l'île se trouve désormais en vue, elle range ses deux possessions essentielles dans sa sacoche, qu'elle passe en bandoulière avant de se diriger vers la sortie de la cabine.
Cerise se montre aussi méticuleuse pour noter ses songes que rapide lorsqu'il s'agit de programmer. À Pyrrha, elle épuise ses collègues par ses projets de transformation des systèmes informatiques et amuse l'assemblée communale par ses idées pour améliorer la ville, qui sont toujours rejetées pour leur excentricité, mais souvent adoptées avec une poignée de modifications quelques mois plus tard. Elle se contente d'ordinaire de très peu pour elle-même - tant qu'une pincée de safran vient donner du goût à son quotidien - mais vous suspectez que ses propositions récentes d'augmenter le budget de la maternité et de la crèche n'étaient pas désintéressées.
Une fois seul dans la cabine, vous cuisinez un solide repas. Voyager par bateau dispense de limiter vos provisions à la contenance de trois sacs à dos. Lorsque vous rejoignez Safran et Cerise, vous apportez donc un plat de lentilles fumantes, une omelette aux pommes de terre, des tranches de pain de seigle, quelques pommes acidulées et une grande carafe d'eau.
Ses voiles privées de vent, le bateau ne fait plus qu'osciller doucement à la surface de la mer. À tribord, l'objectif de votre expédition est désormais bien visible.
- Je ne remarque aucun signe de vie, commente Safran en reposant ses jumelles.
- Passer leurs bases de données au peigne fin prendrait beaucoup de temps, déclare Cerise, mais ce que j'ai vu ne donnait pas l'impression d'une activité humaine récente. À mon avis, ils sont tous morts il y a plus de cinquante ans d'une indigestion de foie gras et de champagne.
La théorie vous arrache un sourire. Les habitants des îles privées possèdent dans l'imaginaire collectif un ensemble de caractéristiques grotesques, fruit de l'exécration du reste du monde. Les historiens ont établi qu'ils avaient réellement accaparé autant de ressources que possibles lors de la dernière décennie du Siècle d'Avant, mais après leur isolation volontaire, vous jugez improbable qu'ils aient pu continuer à se nourrir de mets aussi raffinés que leurs parents et leurs grands-parents.
Votre déjeuner s'achève sur un débat assez bref. L'assemblée communale ne vous a confié qu'une mission de reconnaissance générale, vous laissant le soin des détails. Vous décidez de poursuivre votre approche tout en restant vigilant. Si aucun péril insurmontable ne se manifeste, vous débarquerez pour explorer les lieux et dresser l'inventaire de tout ce qu'il est possible d'y récupérer.
(Il sera précédé d'une introduction qui ne figure pas ci-dessous, mais elle fera à peine une dizaine de lignes.)
MODIF : J'ai fini d'écrire ce premier paragraphe (il m'aura juste fallu 3000 ans). Je ne vais pas tout poster, ce serait un peu long, mais voici grosso modo les deux tiers du paragraphe.
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- Merle ! Ho ! Merle ! Arrête de ronfler et ramène-toi !
Des stries lumineuses verticales, une à une, se frayent un chemin à travers un mur insipide et gluant. Elles se joignent en une ligne horizontale, qui s'épaissit et se précise jusqu'à ce que vous ayez tout à fait ouvert les yeux.
Vous êtes allongé sous l'azur du ciel et la blancheur bombée du foc, le grelot des vagues à vos pieds et les bruits du gréement voisins de votre tête. Votre mouvement pour vous redresser, un peu trop brusque, fait naître un vertige désagréable que vous dissipez en avalant une gelule contre le mal de mer. Puis vous vous glissez comme un lézard jusqu'à l'arrière du bâteau.
Safran se tient à la barre, ses jumelles autour du cou, sa queue de cheval brune lui flagellant la nuque de façon désordonnée. Le reste de sa personne - avec son visage anguleux, ses membres élancés et ses vêtements ajustés - n'offre guère de prises au vent.
- Qu’y a-t-il, ma bonne demoiselle ? demandez-vous en la rejoignant. Est-ce que tu veux que je te remplace ? Que je vérifie notre position ? Que je prépare le déjeuner ?
- Oui, oui et oui, mais en commençant par la deuxième chose. Je crois que nous approchons de notre destination.
Vous tournez la tête vers la proue du bâteau. À peine distinct derrière les fragments de soleil ballottés par les vagues, un vague relief semble en effet déformer l'horizon. Votre regard y reste un long moment attaché, sans que cela ne parvienne à coaguler vos pensées.
L’examen du radiocompas, de la boussole et de la carte vous permet rapidement de confirmer qu’il s’agit bel et bien de votre objectif.
- Je vais nous mettre face au vent, annonce Safran. Nous pourrons finir de nous préparer sans attendre la dernière minute.
La prévisibilité de cette précaution vous amuse et vous tranquillise à la fois. Vous n'avez jamais vu Safran se lancer dans la moindre entreprise avant de se sentir parée à toutes les éventualités.
Résumer une amie de longue date en seulement quelques phrases insulterait l'infini qui se trouve en elle, et vous connaissez Safran depuis votre plus jeune enfance, étant né seulement quelques mois avant elle, à cette époque brève où la mode, à Pyrrha, voulait qu'on donne à son rejeton le nom d'une espèce naturelle présumée disparue. Mais si vous deviez, comme un impressionniste, fournir quelques détails qui suggèrent tout le reste...
Enfant déjà, elle adorait les outils et transformer les objets cassés en composants utilisables. Adolescente, elle a découvert avec enthousiasme et quelques conseils judicieux de votre part qu'elle aimait les cerises. Adulte, elle dirige l'un des principaux ateliers de Pyrrha et des expéditions de récupération. Elle possède des compétences médicales, le goût de l'aventure, ce bâteau et assez fréquemment sa compagne. Alors que cela ne servira pas avant au moins dix mois, elle a déjà pris les mesures de sa chambre exiguë et le temps de dessiner au moins une vingtaine de schémas de berceaux différents.
- Un coup de main pour la manœuvre ? offrez-vous.
- Va plutôt demander à notre hackeuse si elle aura bientôt terminé son boulot ou si elle compte seulement s'y mettre.
Vous descendez dans la fournaise de la cabine oblongue, où vous trouvez Cerise, les fesses sur une banquette, les pieds sur la table et son ordinateur replié à côté d'elle, en train d'annoter son journal des songes.
- Ta copine voudrait savoir si tu es un papillon qui rêve qu'il est une cerise, lancez-vous, ou une cerise qui a rêvé qu'elle était un papillon.
Cessant d'écrire, elle tourne vers vous ses yeux fuselés, dans lesquels votre suggestion absurde vient de susciter une réflexion nouvelle.
- La nuit passée, dit-elle en enroulant une mèche de cheveux noirs autour de son crayon, j’ai rêvé que je me trouvais enterrée sous des tonnes de détritus et de gravats. J’y voyais une métaphore, mais peut-être que je suis réellement un cadavre enseveli et que j'imagine tout ceci.
- En tant que fantôme, je présume que tu as pu hanter nos amis insulaires sans te faire remarquer ?
Sa moue éthérée s'élargit soudain en un sourire tout ce qu'il y a de plus vivant.
- J'ai neutralisé leurs petites précautions il y a cinq minutes, en cinq minutes. Nous ne risquons plus de recevoir une roquette sur la tête. À vrai dire, je m'attendais à bien plus compliqué : leur sécurité devait être à la pointe de la technologie il y a un siècle, mais elle n'a pas évolué d'un pouce depuis.
Lorsque vous lui apprenez que l'île se trouve désormais en vue, elle range ses deux possessions essentielles dans sa sacoche, qu'elle passe en bandoulière avant de se diriger vers la sortie de la cabine.
Cerise se montre aussi méticuleuse pour noter ses songes que rapide lorsqu'il s'agit de programmer. À Pyrrha, elle épuise ses collègues par ses projets de transformation des systèmes informatiques et amuse l'assemblée communale par ses idées pour améliorer la ville, qui sont toujours rejetées pour leur excentricité, mais souvent adoptées avec une poignée de modifications quelques mois plus tard. Elle se contente d'ordinaire de très peu pour elle-même - tant qu'une pincée de safran vient donner du goût à son quotidien - mais vous suspectez que ses propositions récentes d'augmenter le budget de la maternité et de la crèche n'étaient pas désintéressées.
Une fois seul dans la cabine, vous cuisinez un solide repas. Voyager par bateau dispense de limiter vos provisions à la contenance de trois sacs à dos. Lorsque vous rejoignez Safran et Cerise, vous apportez donc un plat de lentilles fumantes, une omelette aux pommes de terre, des tranches de pain de seigle, quelques pommes acidulées et une grande carafe d'eau.
Ses voiles privées de vent, le bateau ne fait plus qu'osciller doucement à la surface de la mer. À tribord, l'objectif de votre expédition est désormais bien visible.
- Je ne remarque aucun signe de vie, commente Safran en reposant ses jumelles.
- Passer leurs bases de données au peigne fin prendrait beaucoup de temps, déclare Cerise, mais ce que j'ai vu ne donnait pas l'impression d'une activité humaine récente. À mon avis, ils sont tous morts il y a plus de cinquante ans d'une indigestion de foie gras et de champagne.
La théorie vous arrache un sourire. Les habitants des îles privées possèdent dans l'imaginaire collectif un ensemble de caractéristiques grotesques, fruit de l'exécration du reste du monde. Les historiens ont établi qu'ils avaient réellement accaparé autant de ressources que possibles lors de la dernière décennie du Siècle d'Avant, mais après leur isolation volontaire, vous jugez improbable qu'ils aient pu continuer à se nourrir de mets aussi raffinés que leurs parents et leurs grands-parents.
Votre déjeuner s'achève sur un débat assez bref. L'assemblée communale ne vous a confié qu'une mission de reconnaissance générale, vous laissant le soin des détails. Vous décidez de poursuivre votre approche tout en restant vigilant. Si aucun péril insurmontable ne se manifeste, vous débarquerez pour explorer les lieux et dresser l'inventaire de tout ce qu'il est possible d'y récupérer.