Long feedback bourré de spoilers, donc dissimulé ci-dessous
Montrer le contenu
SpoilerOn entre dans ce Cercle de Sable et d'Eau au rythme des vagues, croit-on. Vagues pour l'héroïne, phrases pour le lecteur. Le rythme est le même, et c'est à peine une image tant l'écriture est ici au service de l'univers proposé. L'écriture est parfaite, je crois, de celles qui font saliver. Le bleu remue autour de nous, puis une jeune fille émerge à nos côtés, et les ennuis sont là. Viennent les dialogues, qui complètent la précision de ce que l'on voit, et le l'excitation d'être ici. Les voix sonnent juste, les expressions et attitudes des personnages sont autant de détails sans faute qui nous plongent dans l'histoire et rendent les interactions visibles.
« une jeune fille vous observe avec une curiosité ravie. »
« Un gloussement joyeux échappe à Raiahui »
C'est vrai que Raiahui est sensuelle, tout comme cette aventure. On accède ici à un monde dont les objectifs en terme d'immersion sont atteint en quelques lignes seulement, quelques touches, et ne faiblissent jamais. Rythme lascif des vagues et des muscles, endormissement agréable puis...
mystérieux, excitant, exotique, angoissant... on ne sait jamais ce qui va émerger des vagues ou nous tirer vers le fond, dans une mort aussi terrible que mystérieuse.
Mais... l'enchantement de la lecture est accompagné dès le tout début par un petit : oui mais... modulable et évolutif :
Oui mais... les paragraphes sont trop longs, au début, j'ai envie de jouer.
Oui mais... cette course n'arrive jamais. On me dit qu'il y a une course, mais quand ? Il n'y a que 128 paragraphes et je suis encore là à traîner ma pirogue dans ces îles et à augmenter le Temps Écoulé. Combien de paragraphes ces explorations vont-elles laisser pour la course, dont on pense qu'elle doit être le nerf de l'aventure ?
Oui mais... à quoi servent toutes ces descriptions, ces explorations, ces rencontres ? Impression de tourner en rond et de perdre du temps, de ne pas aller au but.
Oui mais... concernant les « Choix Déments à la Outremer »...
… tu défends quelque part dans ces commentaires que les liens entre choix et conséquences sont tous fondés sur une logique solide dans CCSE. Je ne me risquerais pas à contre-argumenter cette affirmation, qui me semble juste si on prend la peine d'étudier l'aventure dans son ensemble. Mais on ne peut comprendre cette logique (ta logique, plutôt un parti pris, en fait) seulement après être mort un certain nombre de fois, ou en étant passé dans les endroits précis qui nous donnent l'information nécessaire à notre survie, de façon donc un peu aléatoire. Les conséquences de tous les choix sont effectivement logiques, les réactions des personnages sont cohérentes, mais les situations dans lesquelles nous nous trouvons sont atrocement cruelles ! et c'est peut-être ça plus que la logique qui donne ce sentiment d'injustice. La sorcière dans sa hutte... je choisis toujours l’honnêteté dans un ldvelh. J'ai donc choisi de n'avoir rien à cacher sur cette île et de prendre la direction de la hutte, et de boire l’offrande... comment deviner qu'il ne fallait pas ?
Comment deviner qu'il ne faut surtout pas demander à Faanarua de nous raconter ses voyages (ça semble poli !) à moins d'en avoir discuté au préalable avec un jeune garçon ? Bref, comment savoir que tous les PNJ sont des petits salopards pervers avec qui il ne faut surtout pas essayer de la jouer réglo ? Toutes les conséquences de nos choix paraissent logique et en cohérence avec l'univers et les personnage, c'est vrai, à posteriori, quand on apprend à les connaître, mais les choix gagnants proposés sont parfois tellement cruels... C'est le thème de l'aventure, d'accord : ils ne sont pas là pour rigoler. Mais comment le comprendre au début avec le peu d'indices dissimulés dans le sable ? ...
... en réalité, ça m'est égal. Toutes les situations m'ont plu. Et je me fiche de mourir sans arrêt puisque je triche tout le temps. À la fin, on apprend ce qu'on doit apprendre. Les indigènes de l'île sont tous des bêtes sauvages et ils me boufferont toute crue, ne me laisseront aucune chance, ceci expliquant cela, au fond.
Et...
On arrive finalement, au début de la course.
Et la course ne commence pas vraiment. Et là, c'est le stress, définitivement. Quelque chose cloche depuis le début, la course qui ne vient pas, même lorsqu'elle a commencée...
Allez. Il faut se jeter à l'eau et
124
et 124
et encore
124
Ben merde.
Plus question de course. La course, on s'en fout. C'est ça le truc depuis le début, et on est obligé de le comprendre si on veut progresser : ce n'est pas l'histoire d'une course. Un simple numéro de paragraphe vient démolir nos espérances. C'est l’élément traumatisant. L'aventure se finit sans nous, tout le temps. Tout tourne autour de 124.
Ça devient un scénario d'enquête. Qui est 124 ? (C'est vrai, il y a un air de Shutter Island). On enquête sur notre propre mort ou disparition. Sur notre échec en tout cas. Habituellement, dans un ldvelh, on recommence l'aventure pour trouver l'objet qui nous manquait, ré-affronter un ennemi qui nous a battu, varier de chemin... bref, on fait ce qu'il faut pour dépasser notre mort.
Mais c'est la première fois que je redonne vie à un personnage (que je retourne au 1) non pas seulement pour progresser dans l'aventure mais, avant tout, pour enquêter sur notre propre échec. Il s'est passé quelque chose, mais quoi ?! Ça, accompagné de la peur, au tournant de chaque paragraphe, de lire les 3 chiffres mortels. Ça devient le premier réflexe. Nouveau paragraphe : regarder en bas tout de suite. Comme chercher un aileron à la surface.
Alors, on voit le corps de Raiahui se transformer pour la première fois (là encore, élégance de la description, elle n'est jamais désignée comme un requin).
Ensuite seulement, le paragraphe 124, on le comprend. Et c'est génial.
Maintenant, on peut rechercher les objets, explorer autrement, comprendre les conseils, comprendre les allusions. Comprendre les salopards.
Combat pour la survie, rapide. Et délivrance.
J'ai été conquis. J'ai adoré toute cette AVH.
J'ai apprécié, particulièrement :
– Le nombre restreint de paragraphes : j'aime les AVH courtes.
– L'absence de règles, un très gros point pour moi : tellement plus immersif.
– Toutes les morts (PFA, j'entends). Belle écriture, toute en allusions.
– La force tranquille qui anime le Crocodile : « L'immobilité monolithique du crocodile explose en un jaillissement fulgurant qui le précipite vers vous, la gueule grande ouverte ».
– Ce truc avec les couteaux, qu'il ne faut pas prêter...
– Écraser les perles noires.
– Qu'il soit possible de terminer l'aventure sans explorer les autres îles, en se reposant sur nos seules capacités.
– Le combat final, sur le sable. Suspense garanti, justesse des descriptions, encore. Tellement mieux que de jeter les dés ! (souvenirs de la série Destins)
– Le petit singe-homme gris.
– Le paragraphe 40 (vraiment au cœur d'un cercle de sable et d'eau) : une carte aurait effectivement été appréciable.
Et... plein d'autres choses.
Évidemment l'essence de l'aventure ne se dévoile qu'après un certain nombre de lectures. On est embarqué dès le départ, c'est vrai, mais on est immergé seulement en partie. Parce qu'ensuite viennent la frustration, la rage, l'énervement, le sentiment l'injustice. Après, la vraie beauté de l'AVH se dévoile entièrement, quand on se trouve forcé de tout comprendre.
Autrement... l'angoisse du 124 est probablement insoutenable en retournant avec soumission au 1 toutes les fois. Mais je ne l'ai pas joué comme ça, retournant où j'en avais envie, donc...
Merci
ET
des illustrations sur cette AVH... ce serait... le rêve...
(tous les passages sur les oui mais... sont en italique parce que j'ai failli les enlever au dernier moment. Je trouve cette AVH magnifique et délicate et, habituellement, dans ce cas, j'ai tendance à pardonner tout ce qui a pu ne pas me plaire à la lecture d'une oeuvre. Tout finit pas s'éclaircir avec le temps, les défauts deviennent qualités... J'ai décidé de laisser ces oui mais... malgré tout, finalement, juste pour indication, juste parce que ce sont des sensations que j'ai ressenties effectivement à la lecture, et je me dis que ça peut t’intéresser de savoir ce qui passe de négatif dans la tête d'un lecteur en cours de progression.)
« une jeune fille vous observe avec une curiosité ravie. »
« Un gloussement joyeux échappe à Raiahui »
C'est vrai que Raiahui est sensuelle, tout comme cette aventure. On accède ici à un monde dont les objectifs en terme d'immersion sont atteint en quelques lignes seulement, quelques touches, et ne faiblissent jamais. Rythme lascif des vagues et des muscles, endormissement agréable puis...
mystérieux, excitant, exotique, angoissant... on ne sait jamais ce qui va émerger des vagues ou nous tirer vers le fond, dans une mort aussi terrible que mystérieuse.
Mais... l'enchantement de la lecture est accompagné dès le tout début par un petit : oui mais... modulable et évolutif :
Oui mais... les paragraphes sont trop longs, au début, j'ai envie de jouer.
Oui mais... cette course n'arrive jamais. On me dit qu'il y a une course, mais quand ? Il n'y a que 128 paragraphes et je suis encore là à traîner ma pirogue dans ces îles et à augmenter le Temps Écoulé. Combien de paragraphes ces explorations vont-elles laisser pour la course, dont on pense qu'elle doit être le nerf de l'aventure ?
Oui mais... à quoi servent toutes ces descriptions, ces explorations, ces rencontres ? Impression de tourner en rond et de perdre du temps, de ne pas aller au but.
Oui mais... concernant les « Choix Déments à la Outremer »...
… tu défends quelque part dans ces commentaires que les liens entre choix et conséquences sont tous fondés sur une logique solide dans CCSE. Je ne me risquerais pas à contre-argumenter cette affirmation, qui me semble juste si on prend la peine d'étudier l'aventure dans son ensemble. Mais on ne peut comprendre cette logique (ta logique, plutôt un parti pris, en fait) seulement après être mort un certain nombre de fois, ou en étant passé dans les endroits précis qui nous donnent l'information nécessaire à notre survie, de façon donc un peu aléatoire. Les conséquences de tous les choix sont effectivement logiques, les réactions des personnages sont cohérentes, mais les situations dans lesquelles nous nous trouvons sont atrocement cruelles ! et c'est peut-être ça plus que la logique qui donne ce sentiment d'injustice. La sorcière dans sa hutte... je choisis toujours l’honnêteté dans un ldvelh. J'ai donc choisi de n'avoir rien à cacher sur cette île et de prendre la direction de la hutte, et de boire l’offrande... comment deviner qu'il ne fallait pas ?
Comment deviner qu'il ne faut surtout pas demander à Faanarua de nous raconter ses voyages (ça semble poli !) à moins d'en avoir discuté au préalable avec un jeune garçon ? Bref, comment savoir que tous les PNJ sont des petits salopards pervers avec qui il ne faut surtout pas essayer de la jouer réglo ? Toutes les conséquences de nos choix paraissent logique et en cohérence avec l'univers et les personnage, c'est vrai, à posteriori, quand on apprend à les connaître, mais les choix gagnants proposés sont parfois tellement cruels... C'est le thème de l'aventure, d'accord : ils ne sont pas là pour rigoler. Mais comment le comprendre au début avec le peu d'indices dissimulés dans le sable ? ...
... en réalité, ça m'est égal. Toutes les situations m'ont plu. Et je me fiche de mourir sans arrêt puisque je triche tout le temps. À la fin, on apprend ce qu'on doit apprendre. Les indigènes de l'île sont tous des bêtes sauvages et ils me boufferont toute crue, ne me laisseront aucune chance, ceci expliquant cela, au fond.
Et...
On arrive finalement, au début de la course.
Et la course ne commence pas vraiment. Et là, c'est le stress, définitivement. Quelque chose cloche depuis le début, la course qui ne vient pas, même lorsqu'elle a commencée...
Allez. Il faut se jeter à l'eau et
124
et 124
et encore
124
Ben merde.
Plus question de course. La course, on s'en fout. C'est ça le truc depuis le début, et on est obligé de le comprendre si on veut progresser : ce n'est pas l'histoire d'une course. Un simple numéro de paragraphe vient démolir nos espérances. C'est l’élément traumatisant. L'aventure se finit sans nous, tout le temps. Tout tourne autour de 124.
Ça devient un scénario d'enquête. Qui est 124 ? (C'est vrai, il y a un air de Shutter Island). On enquête sur notre propre mort ou disparition. Sur notre échec en tout cas. Habituellement, dans un ldvelh, on recommence l'aventure pour trouver l'objet qui nous manquait, ré-affronter un ennemi qui nous a battu, varier de chemin... bref, on fait ce qu'il faut pour dépasser notre mort.
Mais c'est la première fois que je redonne vie à un personnage (que je retourne au 1) non pas seulement pour progresser dans l'aventure mais, avant tout, pour enquêter sur notre propre échec. Il s'est passé quelque chose, mais quoi ?! Ça, accompagné de la peur, au tournant de chaque paragraphe, de lire les 3 chiffres mortels. Ça devient le premier réflexe. Nouveau paragraphe : regarder en bas tout de suite. Comme chercher un aileron à la surface.
Alors, on voit le corps de Raiahui se transformer pour la première fois (là encore, élégance de la description, elle n'est jamais désignée comme un requin).
Ensuite seulement, le paragraphe 124, on le comprend. Et c'est génial.
Maintenant, on peut rechercher les objets, explorer autrement, comprendre les conseils, comprendre les allusions. Comprendre les salopards.
Combat pour la survie, rapide. Et délivrance.
J'ai été conquis. J'ai adoré toute cette AVH.
J'ai apprécié, particulièrement :
– Le nombre restreint de paragraphes : j'aime les AVH courtes.
– L'absence de règles, un très gros point pour moi : tellement plus immersif.
– Toutes les morts (PFA, j'entends). Belle écriture, toute en allusions.
– La force tranquille qui anime le Crocodile : « L'immobilité monolithique du crocodile explose en un jaillissement fulgurant qui le précipite vers vous, la gueule grande ouverte ».
– Ce truc avec les couteaux, qu'il ne faut pas prêter...
– Écraser les perles noires.
– Qu'il soit possible de terminer l'aventure sans explorer les autres îles, en se reposant sur nos seules capacités.
– Le combat final, sur le sable. Suspense garanti, justesse des descriptions, encore. Tellement mieux que de jeter les dés ! (souvenirs de la série Destins)
– Le petit singe-homme gris.
– Le paragraphe 40 (vraiment au cœur d'un cercle de sable et d'eau) : une carte aurait effectivement été appréciable.
Et... plein d'autres choses.
Évidemment l'essence de l'aventure ne se dévoile qu'après un certain nombre de lectures. On est embarqué dès le départ, c'est vrai, mais on est immergé seulement en partie. Parce qu'ensuite viennent la frustration, la rage, l'énervement, le sentiment l'injustice. Après, la vraie beauté de l'AVH se dévoile entièrement, quand on se trouve forcé de tout comprendre.
Autrement... l'angoisse du 124 est probablement insoutenable en retournant avec soumission au 1 toutes les fois. Mais je ne l'ai pas joué comme ça, retournant où j'en avais envie, donc...
Merci
ET
des illustrations sur cette AVH... ce serait... le rêve...
(tous les passages sur les oui mais... sont en italique parce que j'ai failli les enlever au dernier moment. Je trouve cette AVH magnifique et délicate et, habituellement, dans ce cas, j'ai tendance à pardonner tout ce qui a pu ne pas me plaire à la lecture d'une oeuvre. Tout finit pas s'éclaircir avec le temps, les défauts deviennent qualités... J'ai décidé de laisser ces oui mais... malgré tout, finalement, juste pour indication, juste parce que ce sont des sensations que j'ai ressenties effectivement à la lecture, et je me dis que ça peut t’intéresser de savoir ce qui passe de négatif dans la tête d'un lecteur en cours de progression.)
"Vivre commence toujours maintenant" Roberto Juarroz, poésie verticale (XIII, 65)