Howard - L'Appel de l'épagneul breton
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Singulier spécimen que ce Howard - L'Appel de l'épagneul breton (sous-titre : "Un bouquin dont vous êtes l'anti-héros"), œuvre d'un certain Julien Mindel parue fin 2015 aux éphémères Éditions Hybris (dont ce semble être la seule publication interactive).

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Le livre commence par faire bien sentir le poids des ans aux plus vieux des lecteurs de LDVEH que nous sommes en plantant son récit en août 1996, en France. Le franc a encore cours, les Renault R5 hantent toujours les rues, et l'on commence à peine à découvrir les joies de l'Internet. Quant à VOUS, modeste photographe pour OK Copain ! Magazine, votre journée commence mal : Howard, le chien confié à votre garde par un ami, a disparu, et il vous reste vingt-quatre heures pour le retrouver en arpentant la ville... quitte à en découvrir quelques sombres secrets.

Pour jouer, pas de hasard, ni de caractéristiques : le seul critère que le joueur doit déterminer avant de commencer est l'inventaire de trois objets à choisir dans une liste. Ce choix n'est pas à prendre à la légère : aucun objet ou presque de la liste n'est inutile, mais selon le chemin que le joueur prendra (Howard n'a rien d'un OTP, on y reviendra), la bonne combinaison de trois objets peut sauver la mise au personnage. De plus, le livre met à la disposition du joueur un livret d'enquête, où des cases seront à cocher en cours de jeu en fonction des trouvailles (indices et objets) du personnage. Sont même fournis en fin de livre deux aides de jeu (ou "annexes") à ne lire que quand le récit l'autorise, et qui rappellent ceux fournis dans des jeux de rôle d'enquête tels que L'Appel de Cthulhu (celui-ci, outre le clin d'œil du titre du livre-jeu, semble avoir imprimé son influence sur certaines parties du récit, entre recherche en bibliothèque et séquences bien glaçantes).

La navigation dans Howard est assez dynamique pour capter l'attention du joueur à sa trajectoire. L'exploration s'appuie sur une carte de la ville où chaque lieu significatif à explorer est associé à un numéro de paragraphe auquel se rendre pour y pénétrer, et où l'on doit revenir une fois le lieu exploré. Le nombre de lieux s'avère même un argument supplémentaire pour rejouer à Howard plusieurs fois, même après être parvenu à la "bonne fin", afin de découvrir ce que nous réservent les lieux encore inconnus, le texte distillant sournoisement ici et là des incitations à aller fureter ailleurs.

Entre les paragraphes eux-mêmes, outre la classique navigation textuelle, on trouve une poignée de petites fantaisies intéressantes : certains paragraphes ne sont que des illustrations précédant une redirection ; d'autres sont des illustrations légendées où la légende propose des choix et des paragraphes associés ; d'autres encore, des énigmes dont la solution donne le paragraphe où se rendre. D'autres fantaisies, en revanche, pourront faire grincer des dents, notamment sur le plan des PFA. Certains "choix perdants", par exemple, ne mèneront pas directement à un PFA, mais à un paragraphe de transition redirigeant vers un PFA, sans que ce fractionnement soit justifié par autre chose qu'une volonté de ménager un suspense un peu superflu avant l'instant fatal. Plus fourbe : dans une zone particulière à explorer, certaines paragraphes proposeront au joueur un choix entre deux options conduisant toutes à un PFA. Au fil des relectures, cela pourra donner l'impression d'un remplissage de sections un brin abusif, effet de bord d'une virtuosité légèrement sadique perçue chez l'auteur et sur laquelle on va se pencher un peu plus longuement, puisque c'est le moment d'évoquer la narration du livre.

L'enjeu de l'enquête est, on s'en doute, non seulement de retrouver un chien mais de découvrir ce qui lui est arrivé. Or, la réponse à cette question est... variable. Howard propose en effet deux scénarios possibles et parallèles pour cette disparition ; si bien que l'enquête du personnage principal se déroule en pratique sur deux pistes divergentes, dont la "bonne", celle qui prévaudra à l'arrivée, ne sera que celle que le joueur aura, consciemment ou non, choisie à un moment donné. Le récit joue ainsi de cette bifurcation et des passages intermédiaires pour créer une diversité de genres globalement réjouissante et bien maîtrisée, avec notamment des passages horrifiques redoutablement efficaces. Le ton, lui, oscille entre l'humour un peu vachard et le sérieux, formant dans l'ensemble avec le lecteur une relation rappelant celle, autour d'une table de jeu de rôle, entre un meneur de jeu et un joueur, le premier se montrant volontiers goguenard à certains moments et très pro à d'autres. On peut même y pointer une certaine mauvaise foi quand il se met à morigéner son lecteur-joueur, avec les mots d'un Père-la-Morale, pour des choix proposés par lui-même et aussi peu consensuels que
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... On aura enfin la surprise de découvrir, au détour d'un paragraphe heureusement tout à fait évitable, un mécanisme punitif aussi inédit que déplaisant, impliquant l'usage d'un temps limité réel (minuteur en main).

Singulier spécimen, donc, non dénué de rugosités : original dans son cadre, dynamique, accumulant les petites idées sympathiques mais débordant parfois de son désir de créer, influencé (pas toujours en bien) par l'idée qu'on se fait d'un "Maître du Jeu", il parvient néanmoins à proposer une expérience de livre-jeu où, à l'arrivée, le plaisir surpasse les petits grincements de dents.
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Howard - L'Appel de l'épagneul breton - par Loi-Kymar - 07/04/2020, 16:01



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