De la gestion du hasard dans les jeux de plateau
#1
Attention, diatribe.

J'ai toujours été chatouilleux sur la part de l'aléatoire dans les jeux, mais en ce moment, cela s'approche de la crise allergique aigüe. J'ai donc décidé d'écrire une pavé sur des choix de conception.

À noter que ces commentaires s'appliquent surtout aux jeux compétitifs et longs. En effet, dans un jeu court et fun, la part d'aléatoire tolérable est logiquement beaucoup plus forte, s'agissant de jeux festifs, sans réel investissement émotionnel. De même, dans un bon coopératif, il est généralement possible pour un joueur chanceux d'aider un joueur maudit à se refaire, en lui passant son équipement, en l'aidant dans sa quête etc. Par exemple, dans Horreur à Arkham, même si on l'oublie souvent, un joueur peut dépenser ses trophées pour bénir quelqu'un d'autre, lui apportant un des meilleurs bonus du jeu (HàA possède plein d'autres défauts, mais il n'est pas le sujet du présent article). Alors que dans un compétitif aléatoire, la victime du sort est condamné à l'impuissance, puisque rien ni personne ne va le sortir de sa fange.

Voici donc ma liste de quelques points qui me hérissent particulièrement. Elle n'est probablement pas exhaustive, mais je vieillis et ma rage s'épuise plus vite.

Décider de la réussite d'une action obligatoire par les dés

Il existe dans le jeu une action qu'il est nécessaire de faire pour gagner, et qui passe par un jet de dé. Il n'y a pas d'alternative, au mieux le joueur peut obtenir des bonus, mais il a toujours une chance d'échouer.

Cela engendre des cas de figures ubuesques où un joueur peut avoir fait une stratégie absolument parfaite et se retrouver incapable de gagner. Ce qui revient pour moi à dire que toute stratégie est inutile, et que le jeu se résume à du pur hasard. Autant jouer n'importe comment et compter sur la chance pour compenser.

Exemple négatif : Le joueur Khorne dans Chaos dans le Vieux Monde doit impérativement réussir quelques jets de dés pour espérer avoir une chance de gagner. Même avec l'extension, il lui est toujours nécessaire de verser le sang, et cela passe par l'obtention de certaines valeurs aux dés. Il n'existe aucun mécanisme alternatif, même désavantageux (exemple : choisir infliger automatiquement autant de blessures que la moitié des dés qui devraient être lancés, valeur arrondie à l'inférieur, plutôt que de les lancer et d'appliquer le résultat), ce qui le rend totalement dépendant du hasard.

Infliger automatiquement des malus importants à un joueur aléatoire

Il existe dans le jeu un mécanisme d'événements aléatoires, qui inflige des malus aléatoires à des joueurs aléatoires. Ces événements ne peuvent être contrés d'aucune manière. Ainsi, pour peu que les malus soient élevés et que la victime soit toujours la même, cela peut complètement pourrir quelqu'un sans raison.

De même que dans le cas précédent, quel est l'intérêt de bien jouer, puisque tout peut finir en cendres sans que vous ne puissiez rien faire ? C'est un peu comme si dans Civilization (le jeu vidéo), une pluie de météorites s'abattait soudain sur votre capitale et pulvérisaient l'intégralité de vos merveilles construites avec amour (et esclavage).

Exemple négatif : Comme je ne veux pas taper deux fois sur le même jeu, je ne mets pas d'exemple jusqu'à en trouver un autre qui soit bien et irréfutable.

Dépendre de la pioche

Les jeux de cartes c'est bien. Les jeux de cartes équilibrés, c'est mieux. Si à chaque fois que je tends ma carte vers la pioche, je dois faire une prière à tous les dieux du Chaos pour ne pas avoir une carte totalement inutile, je trouve le jeu beaucoup plus intéressant.

Exemple négatif : Dans Le Disque-Monde, les cartes sont (volontairement) déséquilibrées. Cela donne des cas, très courants d'après notre expérience, avec des joueurs qui ne peuvent absolument rien faire (cas classique : ne pas avoir un sou) et des joueurs qui refont le monde à chaque tour.

Cela peut de plus être facilement compensé par deux mécanismes, souvent cumulés :

Faire des cartes équilibrées : chaque carte est aussi bonne que les autres, même si elle peut correspondre à des stratégies différentes. Des cartes peuvent être plus puissantes si elles ont un coût et des conditions que n'ont pas leurs petites sœurs. Cela semble un principe basique, pourtant d'innombrables jeux arrivent encore à nous produire, en 2014, des cartes qui sont « la même chose, en mieux » !

Exemple positif : Dans 7 Wonders, c'est souvent un crève-cœur de choisir une carte car elles sont toutes biens et utiles. Prendre la pierre et assurer la merveille ou jouer une carte science pour ses chaînages avantageux ?

Inclure un mécanisme de contrôle de la pioche. Que cela soit du « Regardez X cartes, puis choisissez-en Y. », du « Défaussez X, puis piochez X. », du « Allez chercher la première carte du type A », le joueur doit pouvoir creuser la pioche à la recherche de la carte qui manque à sa stratégie. Notez que pour que cela fonctionne, il faut que ces effets ne soient pas tous sur des cartes de la pioche elle-même, sinon cela ne fait que transférer le problème

Exemple positif : Dans Citadelles (personnages de base), le mécanisme de pioche de base est du Regarder 2, piocher 1. De plus, le Magicien permet de faire le tri dans ses bâtiments, à la recherche de la couleur manquante.
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De la gestion du hasard dans les jeux de plateau - par Skarn - 21/03/2014, 12:27



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