Embryon de projet d'auto-édition d'AVH
#20
Allez, je mets mon grain de sel. D'un côté, je suis également un amoureux du "tout gratuit, tout numérique". De l'autre, je ressors de six mois de stage chez un éditeur, de bande dessinée certes, mais avec des parts dans l'autoédition, en particulier chez l'imprimeur officiel de Lulu en Europe (Jouve). Et comme la connaissance n'a aucune valeur si on ne la partage pas, je vais essayer de transmettre ce que j'ai appris là-bas.

Tout d'abord, le marché de l'édition est saturé. Et ce n'est pas une figure de style. On compte près de 10000 éditeurs en France (source). La majorité sont minuscules, tendant souvent vers l'autoédition, avec des micro-structures destinées à publier un seul auteur-éditeur.

Pour bien comprendre la chaîne de vente, voyons voir ce que vous payez lorsque vous achetez un livre.
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Et oui, moins de la moitié de vos sous arrive dans les poches du trio habituel éditeur-auteur-imprimeur. Le reste, c'est pour les diffuseurs, c'est-à-dire les commerciaux qui doivent convaincre René le libraire de prendre trois de vos livres, les distributeurs, qui amènent les livres à René et ses compères, et René lui-même.

Évidemment, pour de micro-structures, l'éditeur est aussi diffuseur. N'ayant pas les entrées des grands, il a peu de chance de jamais voir son oeuvre sur les rayons de la FNAC. Et il devra ensuite assurer lui-même la livraison, et, pire que tout, les droits de retour : si René n'arrive pas à vendre les livres, il peut les renvoyer et l'éditeur doit le rembourser. Le simple fait de proposer à l'achat un livre dans une boutique extérieure oblige également à majorer le prix pour compenser la marge du détaillant.

En général, la solution employée est la vente en ligne directe, ce qui permet de passer outre toute la partie inférieure du camembert. Sauf que dans la pratique, cela fonctionne rarement. Tout simplement parce que l'éditeur n'arrive pas à vendre assez, et assez vite, pour survivre. Car lorsque les ouvrages sortent tout chaud de chez l'imprimeur, il représente surtout un violent trou dans la trésorerie, qui ne sera généralement pas résorbé avant qu'au moins les trois quarts des copies n'aient trouvé preneur. Beaucoup d'aventures éditoriales s'arrêtent avec un tome 1 car ses ventes ont été insuffisantes pour se rembourser, et, a fortiori, pour payer l'impression du numéro 2.

Parlons un peu d'économie d'échelle. Il faut savoir qu'il y a deux procédés principaux d'imprimerie : le numérique, grand frère de votre imprimante de salon, et l'offset, descendante assez directe de Gutenberg utilisant des plaques gravées chimiquement. La première méthode n'a quasiment pas de coûts fixes, mais un tarif à la page relativement élevé. Le prix de 100 exemplaires est donc environ égal à cent fois le prix d'un exemplaire. La deuxième technique est beaucoup moins chère à la feuille, mais il faut amortir le prix de fabrication des plaques, ce qui la rend plus rentable que la précédente... à partir du millier de copies !

Voilà, à ce stade, je devrais normalement avoir dégoûté les derniers irréductibles de l'édition à l'ancienne pour des marchés de niche. Remarquez, je ne dis pas que l'idée d'une association soit idiote, mais que, pour y avoir assité, se lancer dans l'édition sans un projet en acier trempé revient à aller visiter le temple de la terreur en slip avec un bras en moins.

Coincidence cosmique ? En rangeant mon armoire deux semaines plus tôt, j'ai retrouvé de très vieux papiers qui s'étaient glissé derrière ma collection de LVH. En particulier se trouvait là un exemplaire imprimé d'Interlude Sylvain (!), et l'explication d'un vieux projet (2005) de Ookami et Paragraphe 14, qui proposaient la création d'une association pour la publication des AVH. J'admets, j'avais moi aussi complètement oublié cet épisode.

Bon, et l'autoédition alors ? Comme cela a déjà été dit, c'est sans risque. Après, c'est surtout une affaire de com'.

Tiens, un secret de polichinelles pour le plaisir : savez-vous pourquoi l'autoédition a autant le vent en poupe ? Et bien, prenons l'exemple de Lulu. Lorsque vous fixez le prix de vente de votre livre, on vous donne les coûts de fabrication, vos bénéfices, le pourcentage que Lulu prend sur ces derniers et les taxes. Sauf que dans la réalité, les coûts de fabrication réels, ceux reversés à l'imprimeur, sont environ égaux à la moitié de ceux indiqués. Le reste, c'est pour Lulu. Faites le calcul...

Avis personnel, mais je n'aime guère la reprise des couvertures Gallimard première édition. À la fois à cause de l'aspect juridique (plagiat), mais aussi pour la partie symbolique : nos AVH ne sont pas des LVH des années 80, mais au contraire des oeuvres nouvelles, souvent bien plus complexes et matures que leurs ancêtres. Elles méritent un graphisme neuf plutôt que les vêtements de leurs pères, aussi présentables soient-ils. Pour une collection dynamique, un design unifié est une bonne idée, mais un design neuf une nécessité.

Ayant également les deux pieds dans l'informatique et le web communautaire, j'ai pas mal étudié et réfléchi sur les questions de visibilité du monde des AVH et l'intérêt des supports numériques interactifs qui leur sont associés. Mais mes journées ne faisant que 24h, dont une grande majorité de métro-boulot-dodo, les énormes pavés correspondants ne seront pas postés ce soir.

EDIT : bon, apparemment, il faut transférer les discussions là-bas... bon, je ferai cela demain. En plus, j'ai déjà un compte là-bas.
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RE: Embryon de projet d'auto-édition d'AVH - par Skarn - 25/10/2011, 23:01



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