La mine perdue de Phandelver
#31
De retour dans la ferme familiale. Je suis venu dire à tante Qelline que je m’absentais quelques jours. Elle s’inquiète pour moi chaque fois que je quitte Phandalin. Je l’ai rassurée de la meilleure façon possible : en ne lui disant pas qu’on allait s’infliger deux jours de voyage pour aller prendre le thé avec une banshee.

Contrairement à ce que je pensais, Agatha — c’est son petit nom — ne possède pas d’informations sur Cragmaw Castle mais sur un grimoire sur lequel sœur Garaele cherche à mettre la main, et c’est en échange desdites informations que la prêtresse nous donnera les renseignements qu’elle détient sur le château. Il faut croire que la vie d’un innocent prospecteur n’est pas un motif suffisant pour nous aider. Parlez-moi de religion.

J’ai laissé les copains à leurs emplettes en prévision du trajet, je les rejoindrai dès que j’aurai fini d’écrire. C’est qu’on en a pour une trotte, d’autant qu’on risque de s’attarder dans le coin. En effet, Daran nous a suggéré d’aller enquêter du côté des ruines d’un lieu nommé le puits du Vieil-Hibou, où plusieurs prospecteurs auraient rapporté la présence de morts-vivants… Il paraît qu’il y a là-bas les ruines d’une vieille tour de guet qui appartenait à l’ancien empire magique de Netheril, et Daran craignait qu’une magie dormante ne s’y soit réveillée, ergo les morts-vivants. Or, le puits n’étant pas loin de Conyberry, l’ancien village où crèche Agatha, autant éviter de se farcir deux fois le voyage.

Si vous vous demandez pourquoi on irait sans contrepartie risquer nos miches dans un coin grouillant potentiellement de zombies, sachez que moi aussi. Daran soutient que faire le bien est une récompense en soi. Facile à dire pour quelqu’un retiré des affaires ! Faire le bien est un boulot comme un autre, et qui dit boulot dit salaire, non mais des fois.

Ah oui, au fait : Daran, c’est l’aventurier dont on nous a parlé la veille au Lionshield. Nous sommes allés à sa rencontre en début de matinée, dans son très joli cottage au milieu d’un verger de pommes bien entretenu. Sur le perron nous attendait un demi-elfe costaud et bien bâti aux cheveux grisonnants. Je ne suis pas un expert, mais s’ils n’ont pas la même espérance de vie que les elfes, ils ont quand même une longévité supérieure à celle des humains, et selon leurs standards celui-là devait être vieux.

Il a souri en nous voyant arriver, nous félicitant pour nos « exploits » contre les Redbrands, et s’est présenté comme Daran Edermath, un ancien maréchal ayant servi le long de la côte des Dragons, revenu dans sa région natale pour y finir paisiblement ses jours. Pas n’importe qui, donc : parvenir jusqu’à l’âge de la retraite, surtout après une aussi longue vie, c’est un peu le Graal de tout aventurier. (Je me demande d’où vient cette expression : « Graal » ?)

Il nous a confié que si nous l’avions rencontré quelques jours auparavant, il nous aurait sans nul doute demandé de nous occuper des Redbrands. J’ai bien tenté de négocier une récompense rétroactive, mais comme vous l’aurez compris, l’âge lui a fait perdre le sens des réalités.

Goth l’a ensuite interrogé sur son opinion quant au débat politique qui agite Phandalin en ce moment, mais il se moquait visiblement de savoir qui dirigerait la ville tant que l’ordre et la loi seraient respectées. Nous avons alors pris congé du demi-elfe pour nous rendre à l’hôtel de ville, où Pierre s’est plongé dans les parchemins récupérés chez Glasstaff. D’après ce que j’ai compris, il s’agissait de notes de travail dédiées au développement de nouveaux sorts, notamment des potions d’invisibilité, mais les recherches n’en étaient apparemment qu’au stade expérimental. Quant aux bouquins, ce n’était finalement que du tout-venant, mais notre mage a quand même fait main basse sur le journal de bord d’un aventurier nain. Oui, il lit aussi le nain. Y a-t-il une langue qu’il ne connaît pas ?

Après ça nous sommes retournés voir sœur Garaele, et c’est là qu’elle nous a expliqué ce qu’elle attendait de nous. Dans la pièce où nous discutions étaient posées quatre toiles cachées derrière un drap, indiquant qu’elle s’était mise à la peinture depuis la dernière fois que nous l’avions vue. Curieux, j’ai poliment demandé de quoi il s’agissait. Elle nous a répondu que c’était les résultats d’une divination, et je n’ai pu m’empêcher de solliciter son autorisation d’admirer les tableaux…

Quelle n’a pas été ma suprise de découvrir quatre peintures de moi, Pierre, Goth et Wulfwig ! Je devrais d’ailleurs dire huit et non quatre, car les toiles étaient divisées en deux dans le sens de la hauteur, chaque moitié représentant un futur potentiel…

Pour notre mago, la scène de gauche représentait un temple d’Ogma restauré, devenu une bibliothèque aux rayons remplis de livres, de grimoires et de parchemins, dans laquelle Anarondo, un peu plus vieux et vêtu d’une robe d’archimage, enseignait à de nombreux étudiants. La scène de droite, elle, dépeignait un nothic portant les vêtements du même Anarondo…

Pour Goth, le premier des deux avenirs le montrait devant un manoir de Tresendar restauré et resplendissant. D’âge mûr, portant des vêtements seigneuriaux et entouré d’un groupe de chevaliers en armure, il observait depuis la colline une Phandalin radieuse, reconstruite, ayant quasiment retrouvé la splendeur de sa grande époque. En miroir, le manoir de Tresendar était devenu une haute tour noire inquiétante, et Goth, une expression sadique au visage, menait une bande de sergents d’armes armés de fléaux et de fouets vers une Phandalin toujours à moitié en ruines, sous de lourds nuages noirs, à la rencontre d’habitants mélancoliques, sans espoir, et pour certains terrifiés.

Pour Wulfwig, une énorme statue le représentant bandant son arc héroïquement trônait au centre de la place principale d’une Thundertree restaurée d’un côté, tandis que de l’autre le même Wulfwig, famélique et vêtu de guenilles de mendiant, gisait dans le caniveau d’une cité portuaire, ignoré de tous.

Quant à moi, l’image de gauche me représentait dans le dos d’un dragon couché sur son trésor, subtilisant dans son repaire une lanterne merveilleuse, forgée d’or et d’argent, et dont l’aura brillait de mille feux colorés. L’image de droite, pour sa part, me voyait à la tête d’une bande d’individus encapuchonnés, présidant à l’exécution d’un prisonnier.

Je me demande pourquoi je suis le seul de nous quatre à avoir droit à deux futurs radieux ?
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#32
Qu’est-ce que vous obtenez quand vous croisez un hibou avec un ours ? Vous obtenez un truc qui vous empêche de pioncer.

La nuit est bien entamée, maintenant. Je monte la garde à côté du feu en écrivant pour tromper l’ennui. Les autres essayent de profiter du sommeil qu’il leur reste. Nous sommes à encore un peu plus d’une journée de marche de Conyberry. Goth a acheté une mule en prévision du voyage. C’est Wulfwig qui s’en occupe. Il l’a baptisée Pendouillette.

Notre noble guerrier a pris le premier tour de garde, mais on n’a à peine eu le temps de s’endormir qu’il nous a réveillés en nous désignant au loin un gros bestiau qui reniflait notre piste. Le machin avait le corps d’un ours et la tête d’un hibou. Je ne sais pas quel dieu s’amuse à faire des croisements aussi improbables, mais il faut arrêter, monsieur.

Pas le temps d’enfiler mon armure, alors je lui ai tiré dessus en caleçon. Je ne sais pas si vous avez déjà tiré à l’arc au lever du lit, mais je vous le déconseille : la seule chose que vous pouvez espérer, à la limite, c’est d’incapaciter votre adversaire en le faisant rire, mais il se trouve qu’on ours-hibou n’a pas d’humour.

Bref, après quelques flèches de Wulfwig et moi parties se planter dans les arbres, on a tous les deux fini par toucher la bête mais ça ne l’a même pas ralentie malgré les deux traits fichés dans la chair jusqu’à l’empennage. Costaud, l’animal. Goth, au corps à corps, s’efforçait de le bloquer en nous laissant nous occuper des dégâts. Tactique toujours aussi efficace contre un unique adversaire. Ma flèche suivante a enfin blessé la bestiole en faisant jaillir un flot de sang de sa patte, et de sa gorge un cri à mi-chemin entre l’ours et le hibou… Impossible à décrire, mais c’est hideux.

Ça a dû l’énerver, car, s’étant approchée suffisamment près pour être au contact de Wulfwig, elle lui a mis deux violents coups de griffe qui lui ont fait mal. Heureusement, pendant que le guerrier reprenait son souffle, trois rayons de feu de Pierre ont fait un joli barbecue de l’animal, les plumes de se tête cramant aussi bien que les poils de son corps. Wulf en a profité pour lui passer sa lame à travers le museau, et comme le bestion refusait obstinément de mourir, une dernière flèche a fini par le ramener à la raison.

C’est l’heure du cours d’ethnologie du professeur Anarondo !

Les ours-hiboux sont des prédateurs féroces, l’un des pires de la nature sauvage. Têtu et de mauvais caractère, il y a très peu de choses dont un ours-hibou affamé a peur. Ça mange beaucoup, ça fait sa tanière dans une caverne ou dans des ruines recouvertes des ossements de ses proies. Ils chassent seuls la plupart du temps, en couple au moment des amours. C’est la façon pour le mâle d’inviter sa donzelle au resto. Les hobgobelins aiment bien les utiliser comme des bêtes de guerre, et les géants des collines et les géants du gel aiment bien les avoir comme animaux de compagnie.

(Une des phrases du paragraphe ci-dessus n’est pas de Pierre, saurez-vous deviner laquelle ?)

Pendant que notre encyclopédie vivante nous abreuvait de son savoir au sujet de cette aberration du règne animal, moi je lui plumais la tête (alouette). Mon quart touchant à sa fin, il est temps d’aller réveiller notre mago et de retourner profiter de mon nouvel oreiller moelleux. Bonne nuit.
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#33
(11/07/2020, 17:14)Jehan a écrit :

Je me demande pourquoi je suis le seul de nous quatre à avoir droit à deux futurs radieux ?

Probablement pour la même raison qu'Anarondo estime avoir deux futurs négatifs...
Mr. Shadow

Doux mon cœur, fermes mes intentions. -mantra Psi
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#34
Le repas est prêt. Comme j’ai été cuisinier, c’est souvent moi qui me charge de la tambouille.

Si on excepte la rencontre avec l’ours-hibou, ces quelques jours de voyage furent monotones, une journée se répartissant grosso modo entre dix heures de marche, six heures pour monter le camp, faire les repas, s’occuper de la chasse et de la cueillette, etc. — les huit heures restantes (moins les deux de chaque tour de garde) étant évidemment consacrées à dormir. Rien de bien notable sur le trajet ; j’ai juste trouvé une pierre en forme de visage qui nous a amusés cinq minutes hier, et la seconde nuit a été calme.

Nous sommes arrivés à Conyberry ce matin. Il ne reste que des ruines, la ville ayant été saccagée par des barbares il y a des années. La piste des Trois-Sangliers passe à travers, toutefois Agatha vit (si j’ose dire) un peu à l’écart. Conyberry est juste un point de repère pratique pour trouver son repaire. Un point de repaire, en somme.

Nous avons trouvé une vieille piste qui menait vers le nord-ouest, dans le bois de Neverwinter. La forêt était de plus en plus sombre et silencieuse au fur et à mesure que nous nous y enfoncions, nous frayant tant bien que mal un chemin au milieu d’un rideau de branches d’arbre distordues, de grandes vignes vierges et d’épaisses couches de mousse, accablés par un air de plus en plus froid… Enfin, nous avons fini par trouver ce que nous cherchions : une sorte d’abri façonné par la végétation, celle-ci s’écartant en un endroit pour former comme l’encadrure d’une porte.

Comme je n’aime pas que les choses traînent, je suis rentré pendant que les autres restaient tergiverser sur le seuil. L’intérieur de l’abri ressemblait à un logement de fortune. Le mobilier, vieux et de style elfique, était pauvre : quelques coffres et étagères, une table, une couche inclinée.

Réflexe professionnel, je me suis mis en devoir de fouiller la pièce. En m’approchant des coffres, l’air est devenu encore plus froid, et une grand silhouette blanche m’est apparue. « Mortels stupides ! Ne savez-vous pas qu’en me cherchant, vous cherchez la mort ? » Je ne parle pas elfique, mais je suppose que ça veut dire bonjour.

Bon, j’aime bien faire le malin, mais pas quand ma vie dépend des prochains mots que je vais prononcer, alors j’ai gardé mon clapet fermé et je me suis contenté de tendre à la banshee un peigne en argent serti de joyaux que sœur Garaele nous avait confié, précisément dans l’optique de cette rencontre. Ayant ainsi brisé la glace, et avant de prendre congé de notre rafraîchissante hôtesse, on a pu apprendre que le fameux grimoire sur lequel la prêtresse voulait mettre la main — de celle d’un certain Gentlebow — était effectivement en la possession d’Agatha il fut un temps… mais elle l’a échangé depuis, et il serait maintenant entre les mains d’un nécromancien du nom de Tsernoth. Je sens qu’on n’a pas fini de crapahuter.
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#35
Bon, vous saviez déjà que le grimoire appartenait à Gentlebow à l'origine, puisque c'était le but de la mission : savoir où avait atterri son foutu grimoire.

Et on sait pas s'il est maintenant dans les mains de Tsernoth le nécromancien, puisqu'elle a fait cet échange il y a un peu plus de 100 ans... Des choses ont pu se passer depuis !
Mr. Shadow

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#36
(19/07/2020, 23:52)Lyzi Shadow a écrit : Bon, vous saviez déjà que le grimoire appartenait à Gentlebow à l'origine, puisque c'était le but de la mission : savoir où avait atterri son foutu grimoire.

Et on sait pas s'il est maintenant dans les mains de Tsernoth le nécromancien, puisqu'elle a fait cet échange il y a un peu plus de 100 ans... Des choses ont pu se passer depuis !

Va falloir t’habituer aux trous de mémoire du narrateur. ^^

J’ai quand même changé la tournure de la phrase qui concernait Gentlebow, parce que c’est vrai que ça ne peut pas être cohérent.

Genre :

« Noble Agatha, nous cherchons un grimoire !
— Quel grimoire ?
— Euh… »
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#37
Tiens, l'un des derniers Order of the Stick (lisez OOTS, c'est bien) soulève l'importante question que je me pose depuis le début : « Pourquoi quand des humains (ou de petits humains, ou des humains avec des oreilles pointues) massacrent tout le monde dans un camp de gobelins, c'est cool, mais quand des gobelins massacrent tout le monde dans un camp d'humains, c'est pas cool ? »
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#38
Parce que les gobelins ont massacré des innocents d'abord.
Si le MJ encourage ses joueurs à massacrer des camps de créatures qui n'ont rien fait et continue à les considérer comme des héros bienveillants et non des criminels sadiques ou des mercenaires sans aucune valeur morale particulière, l'idiotie vient de lui, pas de la façon dont le jeu est (mal ?) conçu.

Dans tous les scénarios que j'ai pu lire, chaque fois que les pj sont censés aller combattre des gobelins, des orcs, des bandits, le scénario met un point d'honneur avant à démontrer la menace en montrant comment ces monstres terrorisent la région, en mettant en scène un lieu de campagne ou ces peuples sont en guerre totale perpétuelle avec la civilisation, en permettant aux aventuriers d'obtenir des informations ou témoignages sur les attaques précédentes des ennemis, en faisant tomber les aventuriers sur un charnier des victimes ou en faisant tout simplement attaquer les monstres les premiers les aventuriers.

Par ailleurs, il y a aucun problème fondamental à jouer des aventuriers sans foi ni loi qui vont piller les trésors de créatures qui ne leur ont rien fait, ça reste du jeu de rôle. C'est juste assez rare comme aventure proposée : en général les aventures publiées donnent aux joueurs un rôle plus ou moins héroïque, même s'ils ont de la marge entre agir comme des blancs paladins parfaitement chevaleresques ou des antihéros ambiguës n'hésitant pas à faire le sale boulot.

Mais c'est pas une question nouvelle. Déjà, le webcomic "Goblins: Life through their Eyes" montre des aventuriers massacrer le village (enfin, camp de guerre) des gobelins protagonistes, la plupart (les 3 drows copiés de Drizzt) étant mis en scène comme des méchants, jusqu'à ce que le nain prêtre se rende compte qu'ils attaquent une tribu de gobelins qui n'a rien fait de mal à personne et appelle à un cessez-le-feu.
Et j'ai déjà vu des joueurs raconter qu'ils s'étaient retrouvés devant un dilemme : que faire des femmes et enfants des orcs rencontrés dans leur repaire ? Quand des aventuriers héroïques devraient répugner à tuer des créatures sans défense, mais que le lore de l'univers te dit que la race entière est psychopathe et maléfique dès la naissance sans possibilité de rédemption, et que les laisser en vie, c'est juste risquer que les petits grandissent et que les femelles fassent d'autres petits et que tous les adultes se mettent à nouveau à massacrer des innocents.

Mais pour moi c'est des erreurs de scénario ou d'univers.
Si on imitait correctement les oeuvres d'origine, bah simplement, dans Tolkien, on ne rencontre jamais de bébés orques ou de paysan gobelin sans défense. On ne rencontre que des guerriers. Comme ça, on ne se pose pas la question. C'est ça qu'il faut faire.
Ou pas d'ailleurs. Si tu veux créer un univers avec un Mal objectif qui est toujours une menace, pour avoir des adversaires à vaincre sans se poser de questions, c'est très bien. Si tu veux un univers plus complexe où il y a des questions éthiques qui se posent, si tu veux que tes personnages vivent des arcs narratifs de crime puis de rédemption, ou prouver que "la culture prévaut sur la nature" en élevant un bébé gobelin pour en faire une personne honorable après avoir tué ses parents meurtriers psychopathes, c'est très bien aussi et tout aussi valable.

Mais si tu fais un univers où tes protagonistes peuvent faire des choix éthiquement douteux et tu continues comme si c'était une moralité blanc/noir sans conséquences pour leurs actions infâmes, tu n'as qu'à t'en prendre à ta propre bêtise quand tu trouves des doubles standards que tu as toi-même créés, plutôt que de t'en prendre aux défauts du jeu.
J'ai donc toujours trouvé cette critique parfaitement hypocrite.
Mr. Shadow

Doux mon cœur, fermes mes intentions. -mantra Psi
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#39
Je me demande. Un gobelin zombifié, c’est un gobie ou un zombelin ?

Question toute théorique, on n’a (encore) rien croisé de tel, mais il faut croire que le mélange de nos dernières péripéties dans ma caboche perturbée par le manque de sommeil engendre des considérations linguistiques d’une importance primordiale.

Bon, je crois qu’il faut que je rembobine le fil si je veux commencer à donner un semblant de sens à tout ça…

Après la rencontre avec Agatha et nous être restaurés, nous avons quitté la piste des Trois-Sangliers pour mettre le cap sur le puits du Vieil-Hibou, restant dans le thème animalier. Cette fois, la légende veut que les Néthérils auraient tué là mille ours-hiboux dans le temps… Je soupçonne une très légère exagération du chroniqueur. Ces auteurs qui s’arrangent avec la vérité, je vous jure.

Le « puits » s’est révélé à nous alors que nous passions une crête. Les ruines croulantes d’une vieille tour de garde dont il ne restait qu’un moignon entouré de petits monticules de gravats. Dans la petite cour ainsi formée, une tente colorée était dressée. Personne en vue, mais l’air charriait une odeur méphitique à nos narines. Alors que je m’approchais discrètement de la tente, des silhouettes dodelinantes ont commencé à sortir de la tour d’un pas maladroit. Nous avons eu beau reculer, la horde, de plus en plus nombreuse, s’obstinait à s’approcher de notre groupe.

J’ai rapidement encoché une flèche mais Wulfwig avait déjà décoché la sienne. Frimeur. N’empêche, s’il a eu le zombie en pleine tête, moi je lui ai carrément transpercé l’œil, na. Il faut dire qu’ils faisaient des cibles faciles, lents et désarmés qu’ils étaient. On s’est amusés à faire pleuvoir flèches, javelines, feu et givre sur eux jusqu’à ce qu’un type sorte de la tente en s’exclamant : « Que signifie tout ceci ?! »

Le type, un humain bien bâti et à la peau cireuse, portait une robe folklorique que Pierre identifia comme originaire de Thay, une terre d’Extrême-Orient. Les magos de là-bas se font tatouer la peau, et celui-ci portait justement un dessin noir sur le front — l’emblème d’une école de magie, d’après notre propre expert ès arcanes.

La discussion s’est alors engagée entre Pierre, Goth et lui jusqu’à ce que je gueule : « EST-CE QU’ON DOIT VRAIMENT RESTER À CENT PIEDS LES UNS DES AUTRES POUR SE PARLER ? » Le gonze a alors rappelé ses macchabées, et on a pu se rapprocher et baisser la voix de quelques décibels.

À part son nom — Hamun Kost — on n’a pas appris grand-chose de notre nouvel « ami ». Aucune trace des Néthérils dans le coin, les seuls êtres dans le voisinage étant des orques vivant dans un lieu nommé Wyvern Tor. Je crois que c’est ceux dont on nous avait parlé à Phandalin, mais je ne suis pas sûr. Il n’en savait pas davantage sur Cragmaw Castle, plus obsédé par sa tour en ruines qu’il considère comme sa chasse gardée. Il cherchait à connaître le nom du magicien qu’il l’avait bâtie. D’ailleurs, il était près à nous acheter l’information si nous allions l’obtenir auprès d’Agatha… Évidemment, il ignorait qu’on l’avait déjà rencontrée et qu’on préférait éviter de gâcher le bel et émouvant souvenir de cette première rencontre en retournant la voir.

Pierre et lui ont commencé à parler boutique. Je me suis alors éclipsé discrètement pour faire un tour dans la tour en faisant un détour, mais ce n’était bel et bien qu’une ruine sans rien d’intéressant à l’intérieur.

J’ai pris mon temps pour revenir, passant par la forêt pour ne pas faire remarquer mon absence, mais ils continuaient à jacter quand je les ai rejoints. J’avais perdu tout intérêt à la conversation, et au bout de je ne sais combien de bâillements de ma part, on a fini par enfin prendre congé du type.

Nous étions alors arrivés au bout de nos objectifs. La suite logique aurait été de retourner à Phandalin — c’est ce que souhaitait Pierre —, mais les deux guerriers étaient tentés de faire un crochet par Wyvern Tor pour aller y civiliser les orques. Perso, j’étais neutre. Moi, ma philosophie, c’est de suivre les plans de mes compagnons et d’improviser au moment où ils foirent.

Wyvern Tor à la majorité, donc. La nuit approchant, on a établi le campement dans la forêt. Je faisais un beau rêve : je nageais dans un bassin rempli d’or — et j’avais, curieusement, une tête de canard —, mais un zombie à la peau tatouée ôtait la bonde en poussant un piaillement sardonique. Tout l’or se vidait alors par le trou en produisant un bruit métallique, m’emportant avec lui… jusqu’à ce que j’ouvre les yeux au moment où les ténèbres me happaient, constatant qu’une bande de gobelins étaient en train de s’en prendre à Wulfwig !

Visiblement pris par surprise (sentinelle en carton, scrogneugneu), le pauvre n’en menait pas large face à trois adversaires et une flèche dans le buffet en prime, trois autres gobs équipés d’arcs le canardant à distance. Le fracas des armes n’avait réveillé ni Goth ni Pierre, qui ronflaient comme des bienheureux malgré l’archer qui leur gueulait à pleins poumons de lever leur derche. Il commençait à ressembler à un hérisson quand le mago a enfin ouvert les yeux. J’ai alors couru vers Goth tout en décochant une flèche vers le groupe d’agresseurs afin de gentiment réveiller le guerrier à coups de tatane dans son râble.

Les trois éclairs de feu d’Anarondo roussissant à peine leur cible et Goth ratant deux fois son attaque, je commençais à me dire qu’ils auraient tout aussi bien pu rester couchés. Heureusement, Wulf, malgré ses blessures, combattait vaillamment, tenant farouchement tête aux gobelins qui commençaient à tomber sous ses coups de taille hargneux tandis que je décapitais, littéralement, le dernier encore debout d’une flèche amoureusement bien placée. Restaient leurs trois collègues demeurés un peu à l’écart, que Pierre s’est chargé d’endormir avec son fameux sort. Malheureusement, l’un d’eux, obtus, avait décidé qu’il n’avait pas sommeil et s’est précipité pour réveiller son camarade, qui à son tour a réveillé le dernier. C’est contrariant, un gobelin.

Néanmoins, le répit ainsi gagné a fait la différence, Goth se précipitant pour en occire un à l’épée, Wulf en dessoudant un second à l’arc et moi-même blessant presque mortellement le dernier, également à l’arc. Pierre n’avait plus qu’un geste à faire pour l’achever… mais il a choisi de le laisser s’enfuir. C’est pas la première fois que je constate un sentiment ambivalent de sa part envers ces saletés de peaux-vertes. Simple pitié pour des créatures placées tout en bas de la chaîne alimentaire par les dieux, ou affinité plus troublante ?

Mon tour de garde arrive à son terme, c’est donc sur ces interrogations que je vais réveiller l’intéressé et me coucher. Demain, on devrait atteindre Wyvern Tor. J’espère que mes compagnons auront récupéré de leurs blessures.
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#40
J'ai dû rater l'épisode de Picsou Magazine où il rencontre Hamun Kost...
Mr. Shadow

Doux mon cœur, fermes mes intentions. -mantra Psi
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#41
De retour chez tantine ! Je suis très tenté de faire une sieste, car l’alcool de l’auberge me tape un peu sur la caboche, mais d’un autre côté ça m’inspire. En plus, j’ai encore jamais écrit bourré.

Comme prévu, on a atteint le campement des orques le lendemain de la nuit des morts-viv… Euh, des gobelins. On n’a eu aucun mal à en trouver l’emplacement. Il ne s’agissait en fait de rien d’autre que d’une caverne à laquelle un affleurement rocheux à flanc de colline offrait une entrée des plus discrètes, n’eût été la sentinelle qui montait la garde devant. J’ai proposé de m’approcher discrètement pour l’attaquer dans le dos. Un seul Argument a suffi (ce n’est pas pour rien qu’il est Ultime).

Restait à extirper les autres orques de leur trou. J’ai imité le cri de la galinette cendrée, mais ça n’a pas vraiment eu d’effet. Pierre a proposé de créer une illusion pour les faire sortir. Pendant qu’on tergiversait, Goth fouillait l’orque mort et s’emparait de ses deux javelines. Puis, comme la discussion traînait trop à mon goût, j’ai proposé de ramper dans le boyau pour les compter et faire avancer le Schmilblick (un artéfact hobbit qui a donné naissance à l’expression susdite).

Je me suis donc mis à avancer à plat ventre dans l’étroit et sombre corridor, m’arrêtant le temps que mes yeux s’habituent à l’obscurité. Ça m’a rappelé l’époque où j’étais mineur. J’ai fini par entendre des voix, puis à apercevoir nos gonzes, assis autour d’un feu. Cinq orques vêtus de peaux de bêtes, dont un nettement plus balèze que les autres — à n’en point douter le sage du groupe —, et, un peu à l’écart, un machin encore plus gros : un ogre, rien que ça. Dans un coin de la grotte était aussi posé un coffre usé et ouvert dans lequel les orques piochaient de temps à autre des trucs qui brillaient presque autant que mes yeux…

Mon inspection faite, je suis discrètement ressorti à l’air libre. J’ai proposé qu’on les enfume. On m’a dit non. Alors Goth, après avoir caché le corps de la sentinelle, a suggéré que Wulfwig et moi pénétrions de nouveau dans la grotte pour les attaquer par surprise et les attirer au dehors, où Pierre et lui les cueilleraient. J’aurais préféré les enfumer.

Comme je suis un bon camarade, j’ai quand même suivi le plan. Arrivé à l’entrée de la caverne, j’ai tiré sur le chef, je l’ai blessé, il a gueulé, il s’est retourné, Wulf a tiré, il l’a encore blessé, il a encore gueulé, on s’est cassés.

Sorti du boyau, je me suis stratégiquement positionné loin de l’action pendant que Goth ratait une javeline (c’est un raccourci pour « lançait une javeline qui ratait sa cible », car je sens que je vais l’écrire souvent) et qu’Anarondo balançait son sort, celui qui décoiffe et enrhume — oui, le vent, voilà.

Goth bloquait l’entrée pour barrer le chemin aux peaux-vertes qui réussissaient à s’approcher, vite rejoint par Wulfwig après que ce dernier a pris le soin de rater sa flèche — bon, je ne lui jette pas l’Anarondo car je n’ai pas non plus été beaucoup en veine avec mon propre arc. À eux deux, ils sont venus à bout d’un orque tandis que j’en achevais un deuxième d’une flèche dans la gorge. Je ne sais si c’est le vent qui perturbait tout ce petit monde, mais c’était un vrai festival d’attaques ratées ou inefficaces de part et d’autre, jusqu’à ce qu’un miracle se produise, et que Goth touche l’ogre — qui venait de se faire refouler par le vent — avec sa javeline ! Galvanisés, Wulf et moi achevions un autre orque, puis Goth et Wulf un quatrième tandis que j’aggravais les blessures de l’ogre à l’arc. Notre guerrier commençait lui aussi à prendre cher, ceci dit, et s’est mangé à ce moment un violent coup de gourdin dans la mâchoire qui lui a fait cracher du sang et peut-être quelques dents… Sans son armure, sa tête aurait sans nul doute décrit une jolie parabole.

Nos deux guerriers continuaient de blesser l’ogre mais ce dernier tenait toujours, alors j’ai décidé de prendre les choses en main : une élégante glissade entre mes deux compagnons suivie d’une non moins somptueuse roulade entre les jambes de la créature, une demi-volte des plus gracieuses, un Argument Ultime entre les omoplates, et hop ! a p’us d’ogre.

Ne restait plus que le chef. Goth l’a chargé mais c’est lui qui a pris le coup. Wulf a tiré mais l’a raté. Deux fois. Bon, moi aussi, mais juste une fois. Je me suis retourné vers l’orque en râlant : « Mais t’es encore là, toi ? » Comme ça m’énervait, j’ai refait le coup de l’ogre, et sproutch ! le débat s’est conclu.

Une fouille rapide des corps n’a pas donné grand-chose à part quelques javelines, mais Goth n’a pas voulu les prendre, je me demande bien pourquoi… Détail intéressant : les orques portaient tous sur eux un dessin représentant une multitude de flèches. Aucune idée de ce qu’il peut signifier.

Une rapide inspection du terrain par Wulfwig nous a appris que d’autres orques étaient potentiellement en train de se balader dans la nature — certainement pour cueillir des fleurs —, aussi Goth est resté monter la garde pendant qu’on s’enfonçait de nouveau dans la crevasse, où ne nous attendaient que des braises, les paillasses des peaux-vertes, une bannière mal fichue avec toujours le même dessin dessus et surtout le coffre, que je me suis empressé de fouiller : des pièces de différentes couleurs, quelques objets cassés — probablement fruits de rapines — et trois petites fioles de parfum ouvragées qui devaient valoir un bon prix. Ramenant le coffre à l’air libre avec Wulfwig, je me suis mis en devoir de compter le butin. Il se montait à 750 pièces de cuivre, 180 pièces d’argent, 62 pièces d’électrum et 30 pièces d’or, que j’ai aussitôt réparties entre nous quatre, en accordant une pièce de cuivre supplémentaire à Wulf et Goth parce que je suis trop bon. En contrepartie, j’ai juste gardé les bouteilles de parfum…

Pendant que je comptais, les autres discutaient de la suite. Il fut décidé de couper à travers la forêt pour gagner du temps, mais Wulfwig nous a fait passer par la mauvaise colline le premier jour, ce qui nous a un peu ralentis. Tout ça parce qu’il avait « le soleil dans les yeux », d’après lui. Heureusement, le deuxième jour, on a retrouvé la piste et un ours-hibou. Finalement, je préférais la forêt.

Wulf lui a tiré une flèche de bienvenue, mais elle a disparu dans ses plumes. Ça a dû mettre la bestiole en rogne, parce qu’elle a bien amoché notre archer, le blessant à trois reprises. Je sais pas si sa tête a été touchée, mais à un moment il a dégainé son épée et déclaré qu’il allait taper sur sa flèche avec parce que « comme ça, c’est plus efficace ». J’ignore ce qui m’a le plus perturbé : son raisonnement ou le fait qu’il a bel et bien réussi à toucher l’ours-hibou…

Heureusement, à ses côtés, Goth était en feu, son armure arrêtant les coups de griffes et de bec de la créature et sa hache faisant jaillir de grosses gerbes de sang des divers membres de l’animal, qui s’est mis à pousser d’horribles cris mi-ours, mi-hibou et re-mi-ours derrière. Pour ma part, après une flèche ratée — mais c’est parce que j’avais le soleil dans les yeux —, j’ai voulu venir au corps à corps pour retenter le coup de la veille, mais l’ours-hibou étant visiblement moins bigleux qu’on ogre ou un orque, j’ai décidé de plutôt me cacher dans ses plumes jusqu’à la fin du combat. C’est finalement Anarondo — bien mutique depuis quelque temps, d’ailleurs — qui a fait mourir la bête de froid avec ses rayons de givre. Ç’te blague.

Inutile de dire qu’on a accueilli le repos du soir avec soulagement — surtout Wulf, qui en avait bien besoin. Je me suis vite endormi, mais j’ai de nouveau fait un rêve bizarre, dans lequel je voyais un dé géant rouler devant moi avant de se métamorphoser en ours-hibou… À ce moment-là, une voix étrange venue de nulle part a déclaré qu’on avait déjà affronté un ours-hibou et donc qu’elle relançait le dé… Une piqûre au bras m’a alors sorti de mon sommeil. Deux moustiques géants s’étaient approchés de moi, et l’un d’eux était en train de me pomper le sang ! J’aurais préféré l’ours-hibou.

J’ai aussitôt bondi et dégainé Arguy pour me débarrasser de ses saloperies (des striges, je crois qu’on les appelle (perso, je les appelle pas : je les bute)). Wulfwig, dont c’était le tour de garde, était en train de se faire bouffer par pas moins de quatre moustiques, et un autre était sur Anarondo. Goth, lui, pionçait toujours comme un bienheureux, indifférent à tout ce ramdam, mais Wulf lui a mis un coup de tatane et il a alors daigné ouvrir les yeux. Il s’est précipité vers moi pour m’aider, mais son premier coup de hache n’a fendu que l’air et il s’en est fallu de peu pour que le deuxième ne me décapite ! Bon, ça aura au moins eu le mérite de détourner vers lui l’attention d’un de mes deux moustiques.

Pendant que chacun charcutait sa bestiole, Pierre aidait le pauvre Wulfwig à se débarrasser des autres à coups de projectiles magiques. Une fois le dernier écrabouillé, tout le monde a repris son souffle. Pour compenser le sommeil perdu à cause de cette nuit quelque peu écourtée, on a décidé de faire un gros petit déjeuner avant de repartir à l’aube du troisième jour.

Au bout de quelques heures de marche, on a aperçu une fumée un peu à l’écart de la piste. J’ai décidé d’aller discrètement faire un tour, talonné par Wulfwig, pour investiguer. Nous avons trouvé un petit feu de camp sur lequel chauffait une casserole d’eau. Un sac de couchage était étendu à côté. Le propriétaire du campement n’a pas tardé à se montrer, revenant avec du petit bois pour alimenter le foyer. Il était vêtu d’un manteau rouge, et j’ai aussitôt reconnu un de mes anciens camarades, celui-là même qui s’était enfui comme si le diable était à ses trousses cette fameuse nuit sous le manoir…

J’ai fait signe à Wulfwig de rester où il était pour me couvrir tandis que je m’approchais en douce de mon ancien ami. C’est que je suis pudique, et que je préfère que l’évocation émue de notre franche camaraderie d’antan ne tombe pas dans des oreilles indélicates. M’approchant sans bruit dans sos dos, je me suis mis en devoir de le saluer d’un coup de pommeau derrière la tête, mais ce rustre a esquivé mes civilités.

Cléon — c’est son nom — a paru particulièrement surpris de me voir — et un peu paniqué, aussi. Comme j’étais peiné qu’il porte la main à son épée, j’ai fait signe à Wulfwig de tirer une flèche aux pieds de mon ex-camarade et néanmoins ex-ami, histoire qu’il se tienne tranquille.

Il faut que vous sachiez qu’à une époque pas si lointaine, notre petite bande de brillants entrepreneurs avait monté une affaire qui marchait du tonnerre. Je vous épargne les détails, qui seraient sans nul doute ennuyeux au lecteur plus friand, je n’en doute point, de récits épiques que de mornes explications mercantiles, mais sachez que je n’étais pas le dernier à faire fructifier notre commerce. Cela devait susciter quelques jalousies dans mon entourage, car un beau jour (ou plutôt une sale nuit), je fus ignominieusement accusé d’avoir piqué de l’argent dans la caisse commune. Depuis ce jour, je n’ai eu de cesse de chercher à découvrir qui m’avait ainsi mis au ban de la bande. Alors j’ai fait les gros yeux à Cléon et je lui ai posé la question… mais sa réponse m’a laissé aussi perplexe que son air : « Mais, Aurel, tout le monde t’a vu ! » Gné ? J’ai eu beau clamer mon innocence, il n’en démordait pas : ils étaient cinq à prétendument m’avoir vu voler le fruit de notre dur labeur cette nuit-là. Outre lui, il y avait Marc, Nib, Dréon, et Koryk, qui m’aurait vu m’enfuir…

Je n’entravais que pouic. Je sais bien, moi, que ce n’était pas moi, alors qu’ont-ils bien pu voir ? Était-ce une illusion ? Faudra que je demande à Anarondo si un tel tour de passe-passe est possible. Ou alors j’ai un frère jumeau et je ne le savais pas. Faudra que je demande à tantine, tiens.

Bon, au final, ça m’a gavé, alors j’ai tourné les talons en laissant Cléon l’inutile comme deux ronds de flanc, et j’ai dit à Wulfwig : « C’est un troufion, il vaut pas la peine, on s’casse. » On a rejoint Goth, Anarondo et Pendouillette. J’ai expliqué que le mec était un Redbrand, mais qu’il n’était plus dangereux et ne présentait aucun intérêt.

La dernière nuit à la belle étoile s’est — enfin… — déroulée sans rencontre inopportune. Je m’attendais presque à voir des orques à tête d’ours-hibou chevaucher des striges pour nous attaquer, après toutes nos emmerdes des derniers jours. La fin du trajet jusqu’à Phandalin s’est faite sans histoires. Comme il était midi, on a décidé que l’auberge serait notre première étape, parce qu’on avait bien mérité un bon repas et la boisson réglementaire pour aider à glisser ledit repas dans nos gosiers. Les autres sont restés à l’auberge après le déjeuner. Perso, je ne comptais pas payer davantage que les cinq pièces d’argent du couvert alors que le gîte m’attendait chez tante Qelline, aussi on a convenu de se retrouver le lendemain. Une demi-journée de repos ne peut que nous faire le plus grand bien.

Hic !
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#42
Nous nous sommes retrouvés comme convenu le lendemain pour un petit tour de collecte des nombreuses récompenses promises pour nos non moins nombreux exploits. J’aime bien collecter. Je vous ai dit que j’ai été collecteur d’impôts ?

On a commencé par l’édile. Arrivés à l’hôtel de ville, nous sommes tombés sur Sildar en train de recevoir des recrues pour sa nouvelle maréchaussée. Il fait visiblement de la propagande pour attirer des volontaires parmi les jeunes hommes de la région. Goth en a profité pour aller tailler une bavette avec lui et motiver la bleusaille. « C’est beau, ce qu’il dit », ai-je dit à Wulf en me tournant vers lui à la fin du discours de notre camarade. Il devrait faire de la politique.

On avait pris soin de ramener la bannière trouvée dans la grotte comme preuve du résultat de notre petite excursion orquocidaire, et l’édile nous a remis les 25 pièces d’or par tête de pipe promises. La grosse goutte de sueur à son front trahissait son malaise. Goth s’est mis à le cuisiner à propos des Redbrands mais je n’écoutais pas, ayant perdu tout intérêt à la conversation dès le moment où j’ai reçu mes pièces.

Après le rond-de-cuir viennent les pommes, comme on dit… nulle part, en fait. Nous avons retrouvé Daran Eldermath dans son verger, qui nous a questionnés (le demi-elfe, pas le verger) sur ce que nous avions trouvé du côté du puits du Vieil-Hibou. C’est de nouveau Goth qui menait la conversation. Au fil du temps, il s’impose de plus en plus comme un meneur naturel. Moi, ça me va : j’aime pas les responsabilités.

Quand notre guerrier a lâché le nom du nécromant, Daran a paru surpris. « Comment vous savez son nom ? » nous a-t-il-demandé. « Ben parce qu’il nous l’a donné, patate », ai-je répondu. J’imagine qu’il ne s’attendait pas à ce qu’on tape la discute avec lui, tout ça au fallacieux motif qu’il réveille des cadavres. Ces préjugés, je vous jure.

Nous avons ensuite pris congé du demi-elfe rassuré-mais-pas-trop après avoir touché notre récompense (à savoir oualou) pour nous rendre chez sœur Garaele. La prêtresse de Tymora n’était plus en nuisette, ce qui était bien dommage, mais peut-être était-ce parce qu’il faisait jour. Après qu’Anarondo eût partagé avec elle les informations glanées auprès d’Agatha, elle nous a fait cadeau de deux potions de soins ainsi que de sa nouvelle et dernière vision : un château attribué de sept tours, au milieu d’une forêt, pratiquement en ruines et envahi par la végétation. Le fameux Cragmaw Castle… D’après le style, Goth pense qu’il date de l’époque de Falorm, un vieux royaume du nord datant des années 500 ou 600.

Sœur Garaele nous a alors dévoilé un second tableau : celui-ci représentait un vieil homme doté d’une longue barbe vêtu d’une robe grise envahie par les feuilles. L’elfe nous l’a présenté comme étant Reidoth, un druide qui connaîtrait l’emplacement du château. Restait à lui mettre le grappin dessus. Coup de bol, il se trouvait qu’une fermière hobbit de Phandalin le connaissait. Qué… que… quoi ? Tantine ?!

C’était bien elle ! Aussitôt, j’ai guidé mes amis vers la ferme familiale. Tante Qelline était là, avec mon cousin Carpe. J’ai fait les présentations. Elle nous a volontiers parlé de Reidoth, nous le présentant comme un membre de l’Enclave d’émeraude, un ordre qui protège la nature et l’ordre des chose — ergo ni les morts-vivants, ni les ours-hiboux, bref, tout ce qui contient un trait d’union. Elle nous a alors révélé que le druide était parti vers Thundertree il y a un peu plus de deux semaines.

Ça représentait une sacrée trotte, mais n’ayant pas d’autre piste, il fallait bien se résoudre à entreprendre le voyage, même si la destination ne vendait pas du rêve, Wulfwig nous ayant averti que sa ville de naissance était devenue une zone dangereuse où se baladaient des zombies-cendres… Vous vous demandez ce que c’est ? Moi aussi.

Goth a alors proposé qu’on passe d’abord à Neverwinter pour y recruter un mercenaire, afin de renforcer notre équipe avant de nous aventurer dans Thundertree. Ça nous fait faire un petit détour, mais je trouve l’idée bonne, car nous avons également décidé de laisser l’un d’entre nous à Phandalin, au cas où le druide rentrerait entre temps. C’est Anarondo qui sera notre sentinelle. Le connaissant, il doit être ravi d’avoir tout ce temps devant lui pour se consacrer à ses bouquins.

Tiens, ça me rappelle qu’il nous a reparlé, hier, pendant le déjeuner à l’auberge, du journal du nain qu’on avait trouvé chez Glasstaff, Uron. Je ne me souviens plus trop des détails parce que j’étais bourré, mais je crois me souvenir que ça parlait d’une forge d’objets magiques, d’une masse magique (oui, il y a plein de trucs magiques dans cette histoire) dans la caverne de l’Écho-des-Vagues… Ce lieu mythique est décidément connu comme le loup blanc.

Après nous être accordés sur le plan, nous nous sommes séparés en se donnant rendez-vous demain à l’aube. Je suis resté chez mon hospitalière tante. Toutefois, en attendant le dîner, je suis parti faire un tour en ville pour préparer mon voyage. D’abord, refourguer les trois fioles de parfum chouravées aux orques. J’en ai tiré 30 pièces d’or. Ensuite, me mettre en quête d’un cheval… Bon, d’accord, d’un poney. Je n’ai pas eu de mal à trouver, ce ne sont pas les éleveurs qui manquent dans la région. Il m’a coûté 30 pièces d’or. La nature est bien faite.
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#43
Aurel a écrit :après avoir touché notre récompense (à savoir oualou)
Je le savais que les hobbits étaient originaires du Maghreb !
Ça explique pourquoi leur classe de prédilection c'est le vo..[Cette blague a été CANCELED pour cause de préjugé raciste]
(Sur les hobbits ou sur les Maghrébins ?)
(Euuuuh... Les deux ?)


Aurel a écrit :un ordre qui protège la nature et l’ordre des chose — ergo ni les morts-vivants, ni les ours-hiboux, bref, tout ce qui contient un trait d’union.
Si, les demi-elfes, quand même...


Aurel a écrit :D’abord, refourguer les trois fioles de parfum chouravées aux orques. J’en ai tiré 30 pièces d’or. Ensuite, me mettre en quête d’un cheval… Bon, d’accord, d’un poney. Je n’ai pas eu de mal à trouver, ce ne sont pas les éleveurs qui manquent dans la région. Il m’a coûté 30 pièces d’or. La nature est bien faite.
Des poneys et du parfum... Tu rajoutes juste un peigne, et on doit pouvoir faire un concours chez les elfes de l'univers de Naheulbeuk...


Merci pour ce résumé !
Love
Mr. Shadow

Doux mon cœur, fermes mes intentions. -mantra Psi
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#44
De retour à Neverwinter. Goth et Wulfwig crèchent dans leurs familles respectives ; perso je suis resté au Bouquet vaillant, l’auberge que nous a conseillée Fargrim.

Fargrim, c’est le type qu’on a engagé. Un ancien mercenaire nain qui aurait vu la lumière et embrassé la religion. Bon, quand on sait qu’il a été, de son propre aveu, mis à pied de son ancien groupe, on est en droit de se méfier de la sincérité de sa foi soudaine… M’enfin, tant qu’il joue bien du marteau, moi…

On est arrivés aujourd’hui, vers midi, après deux jours et demi de voyage sans histoires, moi juché sur mon poney tandis que mes compagnons montaient leurs canassons (maiheu…) acquis à Phandalin. Aussitôt arrivés, les deux humains sont allés voir leur famille. N’ayant rien de mieux à faire que les accompagner, j’ai donc fait la connaissance de leurs smalas. Le daron de Goth l’a charrié sur le fait qu’il soit parti à l’aventure alors qu’il ne passe pas une journée sans prendre de bain. Cet homme m’est fort sympathique. Les vieux de Wulfwig, eux, étaient d’autant plus contents de le revoir que, en bon fils, il leur a filé un peu de thune. Bon, je me moque, mais ils étaient évidemment simplement ravis de revoir leur enfant, argent ou pas, et vu la dèche dans laquelle ils sont, c’était la moindre des choses de leur venir en aide. Oui, ces retrouvailles m’ont ému…

Après une conversation avec la famille de Wulf, et un certain nombre de questions de ce dernier au sujet de Thundertree, nous somme partis à la recherche de notre futur allié. On cherchait un prêtre, histoire de compléter le groupe avec un soigneur, et c’est comme ça que nous avons entendu parler de Fargrim, à la rencontre duquel nous sommes allés. Après des salutations d’usage réduites à « Bonjour », il s’est présenté comme prêtre du dieu nain des voyageurs et des exilés, Marthammor Duin. Vu qu’on voyage pas mal, j’espère qu’il nous aura à la bonne. Goth lui a rapidement fait le topo de la situation, en lui expliquant qu’on se rendait à Thundertree à la recherche d’un druide nommé Reidhot doté comme lui d’une très belle barbe, ce à quoi il nous a répondu merci et qu’il coûtait deux pièces d’or par jour. Les deux ont continué à parlementer un petit moment mais je n’écoutais que d’une oreille, et j’ai fini par mettre fin aux négociations en proposant que notre nouveau camarade touche la même part que nous sur les éventuels trésors sur lesquels on ferait main basse.

Nous avons convenu de retrouver notre récent ami demain matin, le temps qu’il mette ses affaires en ordre, puis nous sommes allés boire une bière — sur ses conseils, donc — au Bouquet vaillant. Une bonne adresse, en effet, mais à quatre pièces de cuivre la pinte, cinq pièces d’argent le repas et huit la chambre, encore heureux… Pour une fois, c’est moi qui casque pour crécher sous un toit, Goth et Wulfwig étant évidemment retournés profiter de l’hospitalité parentale.
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#45
Un très hypothétique office du tourisme de Thundertree aurait du boulot avant d’arriver à appâter du vacancier, c’est moi qui vous le dis.

On aurait pu faire le chemin depuis Neverwinter en une journée, mais Wulfwig nous a fortement déconseillé de débarquer à la nuit tombée, alors on a ralenti un peu l’allure pour n’arriver que le lendemain. À l’orée de l’ancien village, un panneau planté au bout de la piste transformée en vieux sentier envahi de végétation se faufilant entre les ruines donne tout de suite le ton au promeneur égaré : « Danger ! Plantes monstrueuses ET zombies. Faire immédiatement demi-tour. » Ça m’a rappelé un jeu hobbit nommé Plantes vs Zombies : on fait un gueuleton végétarien, le but est de manger le plus possible, et à la fin celui qui ressemble le moins à un zombie gagne.

Entrant prudemment dans le village, on est vite arrivés à une place au centre de laquelle était érigée une statue de bois représentant un guerrier tenant lance et bouclier. J’ai reconnu l’endroit : c’était le même que sur la toile de sœur Garaele prédisant le futur positif de Wulfwig, à la différence, évidemment, que l’idole n’était pas encore à son effigie. J’ai aussi reconnu le type — un certain Palien, connu pour avoir dézingué du streum à l’époque de la fondation de la ville —, et je me suis aussitôt lancé dans un cours d’histoire auprès de mes camarades, car j’ai été historien.

Wulf, s’est mis à fureter autour sans trouver trace du druide. Près de la place se dressait la seule bâtisse encore à peu près en bon état du village. Goth et moi étions curieux d’aller la visiter, Wulfwig un peu moins. Rétrospectivement, on aurait peut-être dû se fier à la prudence que lui transmettait son expérience. J’y penserai si on voyage dans le temps un jour. Bref : on a quand même pris la précaution de passer par la porte de derrière. L’humidité l’avait coincée mais on a réussi à l’ouvrir en nouant une corde autour de la poignée et en tirant dessus, Fargrim restant à proximité sur ma suggestion pour éviter qu’elle ne tombe dans un grand fracas, mais la précaution ne s’est pas révélée nécessaire, la porte restant gentiment dans ses gonds. Nous avons pénétré dans ce qui devait être une chambre, à en juger par les deux lits doubles. Ou une morgue, à en juger par le cadavre étendu au sol.

J’ai dégainé mon épée et me suis approché prudemment… et évidemment, le macchabée s’est relevé. À croire que la mort n’est plus rien d’autre qu’une mauvaise grippe, de nos jours. Je lui ai aussitôt porté un magnifique coup d’estoc, ma lame rentrant par son omoplate et ressortant par sa poitrine, mais cette saloperie n’avait visiblement rien à foutre de la criticité du coup, et ne semblait même pas surprise par mon attaque en traître sournoise. Comme quoi, n’avoir ni cœur ni cerveau, ça a ses bons côtés.

Au moment d’être transpercé, de la cendre a jailli de son corps. J’ai eu le réflexe de l’éviter pour ne pas être aveuglé, mais le zombie a tout de même eu le temps de me mettre un coup contondant avant que je ne recule en sortant mon arc et ne l’achève d’une flèche bien placée. L’avertissement à l’orée du village commençait à prendre tout son sens.

Une autre porte était située du côté opposé de la pièce. Goth l’a ouverte, révélant d’autres zombies de cendres. Il a tout de suite porté un coup au premier d’entre eux, mais n’avait pas tiré la leçon de mon propre affrontement car il s’est pris le jet de scories qui en a résulté en plein dans la figure. Je me suis promptement déplacé à ses côtés pour épauler mon compagnon aveuglé et toussant, et j’ai porté au cadavéreux infectieux un coup d’épée qui lui a transpercé le petit doigt. C’était parfaitement volontaire… Vu que leur perforer les entrailles ne les tue pas sur le coup, je me suis dit que leurs organes vitaux étaient peut-être aux extrémités. J’étais en train de constater l’invalidité de cette théorie quand sur ces entrefaites, Fargrim s’est porté à notre hauteur pour réduire le monstre en poussière (littéralement) d’un coup de marteau bien placé.

Un deuxième, toutefois, s’est relevé et approché de Goth. Wulfwig lui a décoché une flèche qui n’a fait que l’égratigner, mais Goth ne s’est pas fait surprendre et a réussi à le blesser. Je me suis de nouveau porté à ses côtés pour l’épauler. J’ai rengainé Arguy pour sortir à la place Serre, plus lourde, mais qui fait plus de dégâts. À cause de son poids, j’ai failli lâcher l’arme en la sortant du fourreau, mais je suis, heureusement pour ma dignité, parvenu à toucher le tuberculeux. J’étais persuadé de l’achever, mais il est resté debout, ce con. Fargrim s’est alors une fois de plus joint à la fête pour enfoncer le clou avec son marteau (clou, marteau… vous l’avez ?), et cette fois encore le zombie de cendres s’est effondré. Voleur de frags.

On était dans la salle principale de ce qui était, à l’époque, une caserne, mais il ne restait rien de l’armement, tout ayant rouillé. Un coin cuisine rempli de quelques meubles, sacs éventrés et tonneaux percés révélait une échelle qui menait vers le toit. J’ai prestement gravi les barreaux pour jeter un œil au-dessus, mais il n’y avait pas un chat (ni une chatte) sur le toit (qui n’était même pas brûlant).

Restait une porte côté sud, que Goth a vite forcée. De nouveau une chambre, avec trois lits superposés et deux zombies (pas superposés). J’en ai tapé un sans attendre avec Arguy (Serre est définitivement trop lourde), faisant jaillir un nuage de cendres. Ça l’a réveillé, curieusement, mais Goth et moi l’avons opportunément frappé alors qu’il tentait de se relever, et il s’est recouché aussi sec sans avoir eu le temps de nous attaquer. Wulf est rentré à son tour pour tirer sur le deuxième, mais il l’a, littéralement, raté à deux mètres… C’est pas son jour. Ce devait être la cendre qui l’aveuglait.

Fargrim, rentré à notre suite, s’est mis à crier : « Prends un coup de Marthammer ! » J’aime bien son humour. « Ils ont le crâne solide ! » a-t-il ajouté en constatant que celui-là restait debout. Goth s’est avancé pour l’achever mais je ne lui en ai pas laissé le temps : j’ai empoigné mon arc et une flèche… qui m’a échappé et est tombée par terre. Du moins, c’est ce que j’ai fait croire : c’était en fait une brillante astuce pour l’encocher plus rapidement en la faisant rebondir sur ma botte, et ma flèche aussitôt décochée est allée agrafer sa cible contre le mur. J’ai eu très envie de taquiner Wulf en lui disant : « Voilà, c’est comme ça qu’on fait ! » mais je me suis abstenu pour ne pas le vexer, surtout après avoir montré que je connaissais mieux l’histoire de la ville que lui.

Nous sommes donc sortis de la caserne sans rien y avoir obtenu d’intéressant, cherchant à déterminer par où nous allions poursuivre nos investigations. Wulf nous avait dit qu’un dragon vivait dans le coin, dans une tour, mais Goth a fort à propos rappelé qu’on n’était pas là pour lui… On a fini par retourner du côté de la statue, que Goth et moi avons tâché d’examiner. Le bois était pourri, craquelé par endroits. J’ai tapé du plat de mon épée sur le socle pour entendre si ça sonnait creux, mais rien. On s’est alors mis à causer de l’endroit où Reidhot pouvait bien crécher. « Vous pensez que le druide se planque dans la tour ? » m’a demandé Fargrim. « C’est peut-être un druide très original », ai-je répondu.

Notre guerrier suggérait que j’inspecte discrètement les bâtiments d’à-côté pendant que lui et Wulfig fouilleraient les bosquets, Fargrim restant faire le guet sur la place. J’ai vite fait le tour des ruines : rien que des gravats, le toit de la plupart des habitations s’étant effondré. Revenant près du prêtre, j’ai réengagé la conversation : « Et sinon, vous n’avez jamais été discriminé en raison de votre petite taille ? » J’ai parlé des hobbits guerriers du temps jadis, et je me suis alors lancé dans un exposé d’histoire si magistral qu’il m’aurait sans nul doute valu un 20 dans une de ces « universités » chères à Anarondo. Je vous ai dit que j’avais été historien ?

Ledit cours a malheureusement été interrompu par les cris de surprise des deux humains, qui à force de farfouiller dans les feuillages ont foncé de front sur des fléaux des rameaux. C’est du moins comme ça qu’on les appelle, paraît-il. Comment douter de leur amicalité avec un nom pareil ?

Wulf s’est fait avoiner par deux de ces machins avant de pouvoir faire quoi que ce soit. Heureusement, j’ai réagi plus vite que tout le monde et couru comme un fou pour me dégager une bonne ligne de tir sur l’une des brindilles, laissant Fargrim, probablement encore captivé par ma leçon d’histoire, comme deux ronds de flan. Ma flèche a arraché ce qui servait de bras au fétu, ce qui a suffit pour le terrasser. Je savais bien que ma théorie était fondée.

Le pauvre Wulfwig se faisait griffer de partout pendant que Fargrim, ayant enfin retrouvé ses esprits, courait (du mieux qu’il le pouvait…) pour nous rejoindre. J’ai voulu tirer une seconde flèche mais elle m’a échappé des mains et a rebondi sur ma botte… avant de me cogner la tête et de retomber au sol. Oui, bon, on ne peut pas être chanceux talentueux tout le temps.

Goth prenait cher aussi de son côté. Les attaques des deux humains n’étaient pas très efficaces, leur coups rebondissant sur l’armure de bois naturelle de leurs adversaires ou étant simplement esquivés par ces derniers. Heureusement, Fargrim, enfin arrivé à leur hauteur, a écrabouillé le premier à sa portée d’un coup de marteau. De mon côté, chagriné d’avoir raté mon coup juste avant, j’ai refait le combo flèche-botte-arc-graminée, et sproutch ! a p’us de plante. À eux trois, Goth, Wulfwig et Fargrim ont finalement réussi à venir à bout des mauvaises herbes restantes. Plutôt fragiles, ces machins, somme toute.

Pendant que les humains reprenaient un second souffle, je m’en allais inspecter plusieurs bâtisses devant nous. Les deux premières étaient visiblement d’anciens magasins, malheureusement sans plus rien d’intéressant à piller collecter. Une autre construction, plus au sud, présentait un peu plus d’intérêt : des étagères effondrées, de la verrerie et de la poterie, quelques barriques et des livres pourris. Sans aucun doute une herboristerie, dans le temps. En fouillant un petit peu, j’ai trouvé un petit étui dans lequel était rangé un collier en or retenant un pendentif serti d’une émeraude fine, que j’ai aussitôt mis dans ma poche. Tiens, maintenant que j’y pense, j’ai oublié de faire part aux autres de ma trouvaille. Quelle tête en l’air.

J’ai découvert un ancien métier à tisser ensuite, après quoi il ne restait plus beaucoup de bâtiments à inspecter. L’un deux se situait à l’extrémité sud-est du village et semblait en un peu meilleur état que les autres. Fargrim et Goth sont allés se planter devant la porte pendant que les archers restions à distance. Ladite porte a refusé de s’ouvrir devant Goth, et une voix a alors surgi de derrière : « Qui êtes-vous ? »

Une discussion s’est engagé entre la voix et les deux humains, Wulf s’étant rapproché. Finalement le battant s’est ouvert, révélant deux types en robe noire. Les gonzes sont restés très discrets sur leur identité mais nous ont appris que le druide était parti depuis deux semaines, avant de refermer la porte. J’ai fait le tour du bâtiment pour en apprendre un peu plus, mais suis revenu bredouille.

On a poursuivi notre exploration. Dans ce qui semblait être une ancienne forge, deux nouveaux zombies gisaient sur le sol. Pas con, Wulf a ouvert une fenêtre pour les canarder de l’extérieur. Les cendrés macchabées se sont relevés et ont eu tôt fait de défoncer la porte pour en découdre, cependant ils n’ont pas fait un pli face à nous quatre, ne réussissant qu’à nous cracher un peu de cendre au visage sans même que ça nous incommode. Il n’y avait rien d’intéressant à l’intérieur de l’édifice, alors on s’est remis à fouiller les environs. C’est là qu’on s’est (encore) fait surprendre par des cousins des vieilles branches de tout à l’heure. Y a pas à dire, on a le chic pour se faire cueillir à froid.

J’étais totalement aux fraises. Les trois guerriers se sont lancés dans la bataille, Goth prenant de nouveau quelques gnons, au point de commencer à saigner. Ses coups n’étaient pas très précis — peut-être sa blessure, ou la fatigue —, mais son acharnement compensait quelque peu. Le nain a aplati l’un des buissons au marteau, Wulf en a taillé un autre, et j’ai encore fait rebondir une de mes flèches sur ma botte pour l’encocher avec style. Ouais, je sais pas ce que j’ai aujourd’hui. Heureusement que j’ai le pied sûr pour compenser ma main qui tremble.

Une deuxième flèche a atteint une des fougères dans l’œil (ne cherchez pas à visualiser), et mes camarades se sont occupés de débroussailler le reste. J’ai essayé à un moment de piquer l’une de ces ronces avec un tir en cloche par-dessus Fargrim, mais ma flèche s’est écrasée dans l’armure du nain. C’était évidemment pour m’assurer qu’elle était bien solide.

Comme ce stage de botanique commençait à nous courir sur le haricot, on a unanimement décidé de prendre un peu de repos dans l’un des bâtiments désaffectés avant de reprendre notre excursion champêtre. C’est pas qu’on commence à en souper de la cendre et du chiendent, mais presque. À ce stade, je serais presque content de croiser un ours-hibou.
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