Rendez-vous au 1

Version complète : Tabous, interdits, gêne et autres...
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Un sujet qui pourra peut-être en gêner ou rebuter certains...

En tant qu'auteur, y a-t-il des sujets, des situations, un personnage, voire un type de héros, auxquels vous avez pensé mais que vous n'avez pas osé proposer au final ?
Pour faire simple, jusqu'où peut-on aller dans une AVH ?

Seriez-vous prêt à proposer un héros homosexuel ? Un héros qui pourrait être un vrai salaud (du genre, proposer un choix qui signifierait la mort de plusieurs personnes, la destruction d'un village, condamner un innocent à l'esclavage ou à la torture...) ? Je ne parle pas de devoir sacrifier un personnage pour sauver tout le groupe, non, là on parle de supprimer ou malmener volontairement d'autres, juste pour son intérêt. Des personnages ou situations relevant d'un tabou (rencontrer des personnages incestueux par exemple) ? Ou des scènes "dérangeantes" (rencontrer une esclave battue, un gamin exploité au sein d'une guilde des voleurs...).

En tant qu'auteur, je dirais que c'est risqué et que surtout tout dépend comment c'est écrit.
Je m'y suis risqué dans ma trilogie avec un personnage homosexuel ou du moins homoérotique (Olmec), une scène d'orgie dans le campement des voleurs, une héroïne lesbienne, une Danse du Serpent assez dérangeante... A chaque fois, j'ai lu et relu ces paragraphes, les ai souvent retouchés et je dois dire que j'ai craint certains retours (qui ne sont pas venus d'ailleurs). Pareil pour Méroé, cité ségrégationniste dominée par une race blanche aux pleins pouvoirs sur une population noire et métisse. Même si à la fin, les noirs se soulèvent et retrouvent leur liberté, j'ai quand-même pas mal hésité et là aussi j'ai craint des retours négatifs (qui ne sont pas venus non plus).
Pourtant, quand on regarde certains écrivains de la Fantasy, on ne peut pas dire qu'ils faisaient dans la dentelle : Clark Ashton Smith parsemait ses écrits de nécrophilie et de fêtes orgiaques, sur lesquels plane le parfum des drogues et narcotiques. Tanith Lee dans son cycle de Vazkor met en scène des prostitués travestis dans les auberges, des amours entre hommes ou entre femmes, John Norman imagine des rapports de domination/soumission entre hommes et femmes et Howard parle dans Une sorcière viendra au monde d'une reine couchant avec un démon et lui donnant une fille. Par la suite, chaque siècle, une sorcière viendra au monde, une marque sur la poitrine, et certaines seront tuées dès la naissance. Sans oublier le sang qui gicle, les entrailles répandues lors des combats, les haines tribales, raciales...

Et en tant que lecteur ? Etes-vous prêt à incarner un salaud, un personnage dérangeant (et si oui, jusqu'où) ? A accepter des choix qui pourraient heurter, déranger ? Certes, vous pouvez me dire que ce n'est qu'une fiction (c'est d'ailleurs ce que je précise au début de chaque volume de ma trilogie). Mais dans une AVH, le héros, normalement, c'est bien VOUS.

La violence, le sexe et la nudité, les interdits, les scènes, personnages ou choix dérangeants, aussi bien en tant qu'auteur que lecteur, on en parle donc ici.
Chaque auteur est libre de proposer ce qu'il veut. Il doit simplement avertir son lecteur potentiel sur le contenu potentiellement choquant. Ledit lecteur potentiel est donc prévenu à l'avance et peut donc passer son chemin si nécessaire.

L'auteur peut vouloir choquer le lecteur parce qu'il est lui-même choqué par quelque chose, et il a envie d'être une sorte de porte-parole. Par contre, si le lecteur constate une sorte de jubilation sous-jacente de l'auteur à décrire ce qui nous choque, de sentir que lui, au contraire, apprécie la chose et en fait une sorte d'apologie plus ou moins déguisée, là on se doit d'être véritablement choqué vis à vis de l'auteur (en plus de l'être par la chose dont il est question).

Pour reprendre ton exemple de Méroé, c'est comme si tu faisais sentir entre les lignes que la société de blancs dominants est la meilleure, et que tu aurais juste mis une révolte des noirs comme "alibi" face à ceux qui te taxeraient de suprémacisme blanc. Dans ce cas oui on serait choqué.

Pour certains thèmes il n'y a pas lieu d'être choqué, comme l'homosexualité. Les homos et les hétéros n'ont pas les mêmes attirances mais peu importe, ils cohabitent dans une même société et peuvent exercer leurs préférences sexuelles sans empiéter sur celle des autres. Voir des couples qui s'embrassent, qu'ils soient du même sexe ou non, ne va en rien interférer avec l'orientation sexuelle de ceux qui les voient. Seules des personnes dogmatiques qui jugent qu'une seule orientation sexuelle doit être la "bonne" vont s'offusquer, mais est-ce bien la peine de prendre des précautions dans une AVH pour de telles personnes?

Pour le racisme on ne doit pas non plus être choqué, mais c'est quelque chose qui reste très répandu car depuis la nuit des temps l'homme a tendance à se méfier de l'autre. Ces a priori ont du mal à disparaître car ils sont restés longtemps ancrés en nous, et donc le restent encore. C'est vraiment quelque chose qui a trait au réflexe instinctif, que la raison a encore beaucoup de mal à supplanter. C'est encore compliqué au sein de familles d'avoir des couples de différentes origines ou religions, quelles que soient ces origines et religions. Et même pour un simple voyage en train, si on croit reconnaître un visage, même de quelqu'un qu'on ne connait que de très très loin, avec qui on n'a jamais échangé plus de 3 mots, on va spontanément aller vers ce "presque" inconnu plutôt que vers de "complets" inconnus.

Quant à l'acceptation, pour un lecteur, d'incarner un personnage plus ou moins "dérangeant", je pense que c'est en partie l'auteur qui détient les clés. Il doit réussir à captiver son lecteur. Peut-être qu'il réussira moyennement son pari avec de nombreux lecteurs, peut-être qu'il réussira de manière spectaculaire auprès d'une poignée seulement. Les retours des lecteurs peuvent toujours être intéressants, mais sauf à vouloir basculer dans le "commercial" et assurer un certain nombre de ventes, il ne doit pas faire de compromis et doit avant tout être lui-même en proposant son univers, ce qu'il a envie de transmettre et partager. Peu importe que ce soit une saga flamboyante et héroïque avec un personnage principal à l'esprit tourmenté par son passé trouble, un héros "immaculé" dans un univers décadent, sordide et glauque, ou toute autre trame issue de son imagination: on en revient à ma phrase de départ, à savoir que l'auteur est libre de proposer ce qu'il veut.
Majoritairement d'accord avec tout ça.
L'auteur est libre de proposer son univers, ses situations et personnages, au lecteur d'accepter, d'adhérer ou pas. La grande différence est pour moi entre roman et AVH : dans le roman, le lecteur, même s'il adore le personnage ou l'univers, reste extérieur. Dans l'AVH, il y a un changement fondamental, le lecteur est le héros, c'est lui qui décide, qui peut choisir de faire des choix "dérangeants". A moins d'incarner un héros "extérieur", comme Loup Solitaire, qui a un nom, une apparence, un passé et qu'on vivra donc de manière détachée. Dans ce cas là, le lecteur éventuellement dérangé par une situation ou un choix pourra toujours se dire que ce n'est pas lui mais le personnage qu'il incarne.
Et puis, je pense qu'il y a autant de tabous ou de situations dérangeantes qu'il y a de lecteurs, chacun ayant son ressenti à ce sujet.

Je dirais aussi qu'il faut que les éléments "dérangeants" ne soient pas gratuits : la nudité, une scène de sexe, une extrême violence, doivent avoir une raison. Comme une scène de nu dans un film si c'est justifié, sinon, si c'est pour mettre du cul à chaque scène, autant faire un porno...
Par exemple, dans la scène d'orgie du campement des voleurs, je suis parti sur une orgie parce qu'on a à faire à des soudards, des assassins, des pillards, une population venue des bas-fonds et qui n'a pas l'habitude de se distraire en dansant le menuet... Orgie avec quelques scènes entre hommes également, parce que le campement est isolé dans un lieu sauvage, dangereux et difficile d'accès où ne s'aventurent que quelques rares filles ayant fui leur village ou capturées alors qu'elles allaient chercher de l'eau. Et faute de grives... (rires)
Pareil pour la Danse du Serpent, entre le danseur et le serpent géant qui finissent enlacés. Le serpent symbolise Kalkru le dieu-reptile et cette danse l'union de ses adorateurs avec la divinité. Je voulais une scène dérangeante, malsaine, pour illustrer le côté dégénéré, sinistre, de ce culte, d'où le danseur nu qui semble s'enlacer et s'unir avec le serpent géant avant de reposer, endormi, entre ses anneaux.
Ah... j'aime bien quand ça dérange Smile
Dans mon spin-off du Dieu Perdu, je comptais appeler "Carnivore" la partie où l'on incarne la fille-jaguar. J'avais écrit plusieurs paragraphes de cannibalisme explicite lorsqu'on est en jaguar, mais pas que ! Je comptais aussi sur le fait que l'on use de nos charmes pour se faire une place dans des endroits plus civilisés que la jungle de Mungoda, notamment à Crescientium ou Ferromaine, dans le seul but de se nourrir ! J'avais l'idée d'un parcours chaotique, où l'on se perd entre les instincts bestiaux et la découverte de la civilisation...
L'autre partie du spin-off "Khagan" nous fait incarner un guerrier sans pitié de l'armée d'Attila Fatum. On ne se prive pas de piller et violer pour satisfaire l'appétit sanguinaire d'Attila, chef du clan et demi-dieu que l'on vénère. Mais une crise de berserk va tout changer, et l'on se retrouve à massacrer ses pairs en plein champ de bataille...

Evidemment, je reste persuadé que sans justification, on ne peut pas accepter d'incarner de tels personnages.
Personnellement je considère que l'AVH est une fiction littéraire. Interactive, certes, mais fiction littéraire. On peu donc se permettre tout ce qu'un auteur de romans se permet. Parce que un roman écrit à la première personne où on est dans la tête d'un tueur dément (Un tueur sur la route de Bret Easton Ellis, Le Démon de Hubert Selby Jr...) ben c'est déjà foutrement dérangeant je trouve. Mais c'est bien d'être dérangé des fois...
Je suis assez d'accord avec gynogege : il n'y a pas, sur ce plan, de différence fondamentale entre un roman et une AVH pour moi. Peut-être qu'en tant que lecteur, si je suis vraiment mal à l'aise, je vais à un moment refuser de faire un choix et arrêter la lecture (alors que tourner les pages n'implique pas un tel investissement). Mais il s'agit alors plus d'un degré d'acceptabilité qui, comme cela a été dit, dépend de la sensibilité de chacun.

Qu'est-ce qui nous choque ? Qu'est-on prêt à lire malgré le fait que cela nous choque ?
Voilà deux questions finalement assez différentes. Ce sont évidemment la puissance littéraire de ce qu'on lit, l'intérêt qu'on y trouve par ailleurs, ou - comme le dit Voyageur Solitaire - la cohérence de cet aspect dérangeant avec le reste de l’œuvre qui détermineront notre capacité et notre volonté à lutter contre le malaise, le dégoût ou l'horreur pour continuer.

Je trouve davantage d'exemples dans le cinéma, par exemple chez Gaspard Noé (un spécialiste de la question, si on peut dire !), pour appuyer mon propos :
- Irréversible : l'interminable scène de viol est presque insupportable car il n'y a rien selon moi qui lui donne véritablement sens (d'autant que le film est construit à rebours). Elle EST - au moment où elle se déroule - le film tout entier, et je comprends qu'on puisse haïr Gaspard Noé ou son film (ce qui est d'ailleurs différent) pour cette raison.
- Love : le film étale les scènes de sexe d'une manière que j'ai trouvée souvent pesante, mais qui n'est pas déconnectée de l'histoire (il s'agit bien d'une histoire d'amour avec des personnages totalement paumés). Parfois sublimes, parfois tristes, elles correspondent à la tonalité de la mise en scène, du scénario, à la dérive des êtres qu'elles traduisent.
- Seul contre tous : son seul chef-d’œuvre, selon moi, où le personnage principal se révèle un abominable salaud, avec des scènes qui vont très loin (racisme, inceste, violence gratuite, suicide, etc.) mais qui dépeignent un être à la monstruosité terriblement crédible, miroir d'une société hypocrite ravagée par la bêtise et par la haine, un être révoltant sauvé peut-être à nos yeux par des fulgurances d'humanité.

Bien sûr, Gaspard Noé joue de cette provocation (un bandeau pendant Seul contre tous, l'affiche de Love, etc.) et justement c'est un autre aspect de la question : dans les AVH et les romans, ces scènes apportent-elles quelque chose de plus qu'un simple élément de l'histoire ? Modifient-elles le "genre", la portée de l’œuvre, en quelque sorte ? Je pense que d'un point de vue commercial, c'est évident, mais même sous le prisme artistique, une lecture subversive, transgressive, a toujours une vertu (secouer) et une force particulières.
Lorsque Tholdur écrit Bonnet rouge, il achève son récit de manière très noire, presque inattendue. Je me souviens avoir été assez traumatisé par cette fin particulièrement brutale, mais je l'ai trouvée intéressante, crédible et puissante. L'AVH m'aurait-elle autant marqué sans cela ? Peut-être pas.

Dans Prisme, j'ai moi-même intégré des scènes érotiques (light, je sais bien, mais tout de même peu morales) à la fois par plaisir (des descriptions sensuelles et/ou métaphoriques, voire sentimentales) et parce que cela correspondait à l'idée que je me faisais du personnage de Laurine. J'y ai certainement mis pas mal de mes fantasmes, et je le revendique : je n'écris pas que pour le lecteur, mais bien pour moi, et cela faisait longtemps que je voulais dépeindre ce genre de scène. Il y a une part d'exorcisme là-dedans, j'imagine. Maintenant que c'est fait, je n'éprouve plus le besoin d'en écrire (rien de tel par exemple dans Yin Yang)... jusqu'à ce qu'un nouveau personnage me fasse mentir ^^
Au passage, je voulais au début que Laurine soit encore plus jeune (17 ans) pour accentuer l'idée de son inexpérience devant ses pouvoirs. Mais j'ai renoncé car cela n'apportait rien (sa relation avec Paul perdait en maturité) et posait quand même certains problèmes que je ne pouvais ignorer.

Au-delà des questions classiques de sexe et de violence, je suis surtout fasciné par les sujets qui font consensus contre eux, le "politiquement correct" (même si je n'aime guère cette expression). Surtout si je perçois une part d'hypocrisie dans la manière dont les gens réagissent. Le cannibalisme, justement, c'est intéressant ! Car c'est un malaise viscéral et un tabou... "discutable" (ne serait-ce que parce que les frontières morales se diluent en cas d'impératif de survie, etc. et parce que ce tabou là nous protège de notre "animalité", pas de notre "diablerie", si j'ose dire), mais quand même sacrément choquant.
Je trouve que les problèmes moraux sont encore plus réjouissants. Parfois, j'écris pour m'interroger, pour mieux comprendre, voire mieux cerner ce que je ressens. Alors, rédiger une AVH radicale et dérangeante, cela peut aussi être un moyen d'explorer en soi-même, de la manière la plus libre qui soit, des abîmes avec lesquels nous vivons. Je me demande d'ailleurs si un écrivain peut, en découvrant le texte qu'il a produit, être frappé d'horreur pour lui-même. Et ne pas offrir son texte. S'auto-censurer par auto-répulsion, en quelque sorte !
Hitler a-t-il frémi en donnant naissance à Mein Kampf ? Sans doute pas. Le pire c'est qu'il a dû trouver ensuite bien des lecteurs enthousiastes (surtout une fois sa lecture "encouragée" par les nazis...)

Pour revenir à la spécificité des AVH, l'ancrage traditionnel dans les littératures de l'imaginaire facilite et limite en même temps la portée de toute transgression.
N'oublions pas que l'on tue à tire-larigot dans la plupart des livres-jeux. Et même si l'éthique est souvent sauve (on massacre des monstres, des bandits, etc.), je pense que le monde imaginaire et la parenté avec les contes de fée, etc., facilitent la distanciation morale.
La transposition dans un univers contemporain serait déjà plus problématique. Un livre vraiment transgressif proposerait un personnage banal, crédible et contemporain, pour lui faire vivre une situation intolérable (de notre point de vue) : mais comment faire ? Incarner un pédophile, ou un fils capable de tuer sa mère pour son argent, ou un pervers narcissique manipulant et semant la souffrance autour de lui, voilà qui me semble presque impossible ! Tout simplement déjà parce qu'il n'y aurait pas alors de véritable personnage : un beau personnage doit être contrasté, traversé de failles, pétri de forces et de faiblesses. Il ne peut se résumer d'emblée à l'image d'un monstre absolu. Et l'enjeu ne peut être totalement pessimiste ou nihiliste au départ. Car pour motiver l'implication du joueur, son immersion, un objectif positif, même tacite, s'impose. Une solution serait alors de proposer un prétexte acceptable (gérer une relation compliquée, par exemple) et de le dévoyer peu à peu. Mais je vois mal comment une telle mécanique pourrait fonctionner.
Autant un roman laisse le temps d'installer toutes les nuances, autant une AVH ne peut aisément réaliser ce glissement au mépris du joueur, ni proposer d'entrée de jeu un tel sujet.
Quel défi ce serait ! Le plus difficile étant selon moi de trouver du sens, une motivation personnelle. Pourquoi diable se torturer à écrire, par exemple, une histoire sur un matricide ? Il faudrait un sacré sujet englobant celui-là. Et là, je ne vois pas. Peut-être un tueur, un nihiliste misanthrope emporté dans une spirale infernale, un peu malgré lui. Cela pourrait me plaire : comme une version encore plus sombre de l'excellent Chute Libre de Joel Schumacher ! (le film avec Michaël Douglas)

Bon, après, certaines proposent bien d'office d'incarner un président légèrement mégalomane, alors... ^^ !

(désolé, mon post est parti un peu dans tous les sens)
Pour ce qui est de l'auto-censure, je reconnais avoir édulcoré certains passages de ma trilogie. A la base, l'histoire est plus sombre, plus "sexuée", certains passages plus dérangeants.
Pourquoi cette auto-censure ?
Pas pour des raisons morales. En fait, j'ai eu peur qu'on ne retienne que ça. Je veux dire : j'en ai tellement bavé pour créer de toutes pièces cet univers, avec sa géographie, ses races et son bestiaire, son histoire et sa chronologie, ses personnages et sa mythologie... Cela m'aurait fait chier qu'on n'en retienne que certaines scènes ou qu'on réduise certains personnages à un unique aspect de leur personnalité. Même si ce côté plus sombre, plus sexué ou plus dérangeant a sa justification, j'ai eu peur qu'on ne retienne que ça au détriment du reste.

Je le regrette avec le recul, mais bon, c'est fait.
gynogege a écrit :je considère que l'AVH est une fiction littéraire. Interactive, certes, mais fiction littéraire. On peu donc se permettre tout ce qu'un auteur de romans se permet.

Je suis complètement d'accord avec ça.

L'art doit savoir transgresser, de préférence si la transgression est intéressante.
Après, les punks transgressaient juste pour le plaisir de repousser les limites.

Il faut également se demander où se situe le curseur du dérangeant : est-il normal de décapiter des orques par dizaines (alors que ceux-ci sont une race intelligente, ont des femmes et des enfants, etc) et pas normal une scène de sexe sans détails entre adultes consentants et mariés ?
La réponse est compliquée. Se poser la question est intéressant.

Dans Nils Jacket Derrière les Barreaux, mon premier jet allait assez loin dans l'ambiance sombre, violente et raciste de la prison. Je me suis un peu modéré, déjà parce que je me choquais un peu moi-même (expérience intéressante, au demeurant) et aussi, comme Voyageur Solitaire, de peur que l'on ne retienne que ça (finalement j'ai eu beaucoup de retours positifs sur l'ambiance, comme si l'on n'avait retenu que ça  Mrgreen ).

Dans Loup Maudit, que j'espère voir sortir un jour, la noirceur à laquelle est confronté le héros est un élément principal de l'histoire et du jeu. Jusqu'à quel point est-on prêt à aller pour s'assurer du succès de sa mission ?
J'ai essayé avant tout de rendre ça cohérent avec le vécu du personnage, pour des raisons de vraisemblance, donc le côté dérangeant est mesuré, mais vu que les différents tomes forment une histoire globale, je ne sais pas jusqu'où tout cela m'emmènera.
Il faudrait adapter Lorenzaccio en AVH!

Le personnage principal tombe volontairement dans le vice pour accomplir les buts nobles (pour lui) de sa mission, et en plus les retombées une fois celle-ci accomplie ne sont pas celles escomptées.

Mais le lecteur prendrait-il du plaisir à incarner un tel personnage? On peut trouver magnifique la dualité du personnage du drame de Musset, mais à vouloir vraiment l'incarner, je ne suis pas certain que le résultat serait le même. Il faudrait peut-être édulcorer de comédie, mais cela n'aurait plus rien à voir, ce serait dénaturé.
Pour le passage de la prison, sans aller jusqu'à Midnight Express, je pense que la majorité des lecteurs se doute bien qu'entre détenus, ce n'est pas bouquets de fleurs, danse de bienvenue et bouche en coeur... Loi de la jungle, règlements de comptes, corruption, viols... Même si certaines séries TV en rajoutent peut-être, le lecteur doit s'attendre à un endroit pas très agréable.

Content de voir que je ne suis pas le seul à avoir eu peur du "qu'on ne retienne que ça". Pour Retour à Griseguilde, ça m'avait un peu énervé que tout le monde me parle du fait qu'on puisse rapidement coucher avec Yatéli. Du coup, ça m'a un peu refroidi pour certains passages de ma trilogie, du moins au début.
Après, la gêne ressentie dépend, encore une fois, de chacun. Moi qui adore les animaux et suis de sensibilité écolo, j'aurais du mal à incarner un héros qui fait gratuitement du mal à des animaux ou le patron d'une grosse boîte polluante ou de déforestation face à des mouvements de protection de l'environnement. A la limite, pour ce dernier cas, il faudrait laisser le choix au lecteur d'incarner un des deux partis.
Sur une chaine de la TNT, je ne sais plus laquelle, a été diffusé une série documentaire sur les prisons américaines. On est loin de Prison Break (bien que la série s'inspire de la réalité) avec des détenus obligés de se fabriquer des armes de fortune car le danger est permanent. Les gangs raciaux (Blancs, Latinos, Blacks) font la loi. Toute attaque d'un membre implique une riposte: il faut défendre les membres de son gang quoi qu'il en coûte sinon les représailles de son propre gang risquent d'être encore pires. La drogue circule, et les détraqués mentaux aussi (ils ne sont pas tous en quartier spécialisé, faute de place évidemment).
Je ne sais pas ce qu'il est en France, mais j'imagine que cela doit être assez proche. En tout cas je n'aimerai vraiment pas jouer à une AVH réaliste dans un univers carcéral.

Mais si quelqu'un veut faire une sorte de Prison Break en AVH je sors de mon hibernation direct! Big Grin
Et encore, t'as oublié le savon tombé par terre pendant la douche...  Mrgreen
(02/08/2021, 19:39)Voyageur Solitaire a écrit : [ -> ]Et encore, t'as oublié le savon tombé par terre pendant la douche...  Mrgreen

C'est parce que c'est une carte du jeu de plateau Dig your way out! Wink
Dans la série "tu crois être open mais tes gênes te rattrapent" : en attaquant l'écriture d'Hôtel mortel je pensais être blindé et en phase avec le sujet. Mais en pratique je me suis aperçu ne pas oser vraiment aller dans le dérangeant, l'état d'esprit d'un tueur en série particulièrement sanguinaire, dont on guide pourtant les pas dans la moitié du livre.

Dans le bouquin terminé ces jours-ci, Mort blanche ou Piège arctique (titre encore non défini avec l'éditeur), je mets en scène une minorité, de manière à ce que ça joue un rôle dans l'intrigue à un moment. En espérant que ça réveille un peu les lecteurs.
tholdur a écrit :Mais si quelqu'un veut faire une sorte de Prison Break en AVH je sors de mon hibernation direct! Big Grin

Nils Jacket 4 est jouable en ligne, si tu veux te faire un avis :

Jouer à Nils Jacket Derrière les Barreaux

Personnellement, même si j'ai cherché à décrire quelque chose de réaliste ou du moins vraisemblable, j'ai surtout voulu écrire une enquête. Le quotidien de détenu sert de cadre, et génère les embûches et les scènes d'action.
Du coup, qu'est-ce qui prédomine dans l'esprit du lecteur ? Le cadre, aux accents réalistes, ou l'histoire, pure fiction ?

Parmi mes sources d'inspiration, il y a évidemment Prisonbreak. Mais j'avoue préférer L'Evadé d'Alcatraz, que j'ai toujours adoré.
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